Apple ne veut plus entendre parler de selfies!
Appelez-moi plutôt… (Réponse au sein de cet article)
Il était une fois le selfie moderne. Merci l’iPhone
Juin 2010 : Apple intègre à l’iPhone 4 un capteur frontal photo et vidéo VGA. Ce coup de génie directement inspiré de la fonctionnalité vidéo webcam pour ordinateur portable va rapidement s’avéré payant.
Apple le justifie alors par l’implémentation de FaceTime, un service de vidéophonie uniquement réservé aux utilisateurs de l’univers Apple (iPhone, iPad, iPod Touch, Mac)
Mais ce n’est pas de ce logiciel de la firme à la pomme que viendra l’explosion du phénomène Selfie.
Modestement mais sûrement, avec une “caméra” en mode frontal, Apple contribue en parallèle à installer un genre dans l’espace public : le selfie comme extension photographique de soi.
Instagram couronne le selfie comme pratique people et amateur
L’arrivée de l’application Instagram en octobre 2010 (uniquement pour l’écosystème iPhone à cette époque) va accélérer le développement de la publication de photos de type selfie et augmenter la popularité d’un genre en gestation…
Un fait gagnant du fait de l’arrivée sur la plate-forme de stars telles Justin Bieber, Rihanna, Kim Kardashian et Lady Gaga.
Dans ce contexte, le “self” (soi) désigne le message et le “selfie” se veut le média.
Objet de désir, l’iPhone saisit le visage avec un artifice technique des plus simples : la prise de vue, reflet d’un soi retravaillé (avec retouches).
Instagram incorpore à ces clichés un idéal travaillé à partir de filtres. Chacun devient alors un paparazzo de sa propre image comme une photo détournée, reflet d’un instant plus que d’une histoire.
La lune de miel entre Apple et les selfies est une belle histoire
Longtemps, Apple soutient le mot “selfie” et l’affirme haut et fort.
Bien sûr, des applis telles Vine et Snapchat consacrent le genre selfie… Mais, depuis quelques années, la caméra frontale est devenue une fonctionnalité généralisée de bien des smartphones.
En mai 2014, Apple en remet une couche en créant une rubrique spécifique d’applis “Selfies” sur l’AppStore.
L’effet selfie stars façon Samsung
Mais la rupture entre Apple et les selfies est consommée en mars 2014 lorsque Samsung se paye le luxe d’un selfie promotionnel aux Oscars avec une pléiade de stars.
Apple est alors laissé sur la touche… C’est le coup de bambou imprévisible.
Apple et les selfies : Une rupture consommée et l’adoption du terme “Autoportraits”
La keynote de septembre 2015 de pré-annonce des nouveautés Apple (iPad, iPhone, iOS 9 AppleTV…) remet en cause la belle histoire entre les “selfies” et la firme à la pomme.
Ainsi, la fiche technique officielle en Français de l’iPhone 6s sur le site d’Apple remplace le terme “selfies” par le mot “autoportraits” dans le flot des possibilités de l’outil Caméra tout en évoquant les selfies dans le texte :
“Avec la caméra FaceTime HD, vos selfies et appels FaceTime vont vous révéler au grand jour.”
Mais au sein de la nouvelle pellicule sur iOS 9, il existe bien un dossier où sont rangés les “autoportraits”… alors que sur la version iOS 9 en anglais dans le dossier Photos, les “autoportraits” sont catégorisés sous l’appellation Selfies.
A ne plus rien y comprendre…
Dans sa version en anglais, la fiche produit de l’iPhone 6S fait davantage comprendre pourquoi Apple se détache peu à peu du terme “selfies” : “Take a selfie worthy of a self‑portrait” : Prenez un selfie digne d’un autoportrait.
Ce glissement sémantique évident du “selfie” à “l’autoportrait” de la part d’Apple montre que la société cherche à sortir de l’effet de mode “selfie” avec la volonté de refaçonner une vision esthétique du selfie.
Surtout, ne pas banaliser l’objet iPhone!
Apple rebaptise les “selfies” en “autoportraits” pour reprendre la main sur une image haut de gamme de l’iPhone
Or, la définition de l’autoportrait inclut de fait une dimension artistique à l’acte de représentation.
L’autoportrait, effet miroir Narcisse (narcissique ?), c’est d’abord une signature, une mise en scène qui traduit un moment important de la vie.
On voit là l’image que veut donner Apple en réinterprétant le selfie en “autoportrait” : l’extraire du quotidien, lui donner une légitimité artistique pour ne plus le confondre avec des millions de “selfies” (publiés à partir de quelconques smartphones).
Apple tient en effet dans l’image véhiculée de l’iPhone qu’il n’y ait pas de banalisation de son smartphone et produit phare, à ce que le vocabulaire attaché à l’iPhone se singularise…
A ce que l’iPhone reste une “exception” dans un imaginaire collectif… Enfin pas si exceptionnel et rare puisqu’il s’est vendu plus de 13 millions d’iPhone 6s et 6s+ en 3 jours, à leur lancement en septembre 2015.
Tous Selfie. Le livre qui décrypte le phénomène et le genre “Selfie”
Pour en savoir plus sur le phénomène Selfie, lire l’excellent essai de Pauline Escande-Gauquié “Tous Selfie” paru aux Editions François Bourin en septembre 2015.
Cet ouvrage décrypte le genre Selfie : son histoire, ses composantes, ses formes expressives et ses enjeux.
Pauline Escande-Gauquié est sémiologue, maître de conférences à Paris-Sorbonne-CELSA et scénariste.
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A propos de l’auteur…
Jean-Luc Raymond est Consultant formateur en projets numériques.
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- Social Media Manager senior. Consultant en stratégies numériques. Formateur expérimenté. Conférencier.
- Expert EPN (espaces publics numériques).
- Chargé de cours Universités (CELSA Paris Sorbonne, Paris 3 Sorbonne-Nouvelle, Paris-Dauphine…) en Stratégies numériques, Communication mobiquitaire et Sociologie des Médias Informatisés.
