(c) Zuora

Bienvenue dans la société de l’abonnement

Jean-Luc Raymond
En français

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La propriété a vécue ; la souscription tisse inexorablement sa toile avec le numérique

Paris. Juin 2014. Sont conviés pour un déjeuner dans un grand hôtel parisien des journalistes de renom de la Presse économique. Dans un coin de l’imposante pièce, un homme timide concentré sur son iPad, pianote discrètement : il s’agit de Tien Tzuo, jeune ingénieur prodige, PDG de Zuora, une entreprise qu’il a créée en janvier 2008, une société qui fournit une solution cloud de Relationship Business Management (RBM).

Le coeur de métier de Zuora (plus de 650 sociétés clientes) est plus que jamais en vogue : permettre la vente, la facturation et la gestion financière en mode intégré d’abonnements de produits et de services. Il y a 6 ans, qui eût cru en ce concept de l’abonnement au coeur de nos vies ?

L’abonnement nous séduit et infuse tous les secteurs d’activité

Pourtant Tien Tzuo, qui a fait partie de l’équipe fondatrice du géant du cloud Salesforce en 1999, a alors perçu que la possession n’était plus au coeur du business numérique de la société en devenir.

En 2014, le modèle de l’abonnement, de la location ou encore de la souscription (“subcription”) infuse toute la société pour transformer de façon radicale les fondamentaux du 20e siècle : aussi, la voiture ne constitue plus l’objet de convoitise numéro 1 de la société de la consommation capitalistique.

La possession du véhicule s’estompe de plus en plus pour les jeunes générations non seulement pour des questions de coût mais aussi d’habitudes de vie.

La société du bien possédé meurt à petit feu

Le fait de posséder des biens à long terme n’est plus une référence érigée en monument… Il s’agit plutôt d’une statue aux pieds d’argile.

Tien Tzuo, l’explicite avec un calme olympien : “Internet est en train de créer de nouvelles façons de consommer des produits et services. Il permet de refaçonner une industrie en appréhendant les attentes de chaque consommateur et de lui apporter une réponse selon ses besoins.”

De son prisme et de celle la vision de son entreprise Zuora : l’abonnement a déjà gagné la partie (étude Ifop juin 2014 auprès d’un échantillon représentatif de la population française) :

4 français sur 10 possèdent un abonnement à un bien ou à un service ;

1 français sur 2 souhaite consommer plus de produits par abonnement… Une proportion encore plus importante chez les consommateurs jeunes, CSP+ et urbains.

Crise et contrainte financière permanente accélèrent le mouvement économique vers plus d’abonnement

Mais qu’on ne s’y trompe pas, différents facteurs favorisent l’avènement de la société de l’abonnement : tout d’abord, l’économie de la contrainte financière, la question de l’obsolescence programmée des matériels, le besoin de durabilité des produits et des services.

Nous évoluons également dans une société d’individus fondus d’un mode connecté de façon quasi-permanente et qui comparent sur le Web, évaluent, testent, commentent, partagent et notent, produisent et consomment des appréciations.

Le poids des entreprises “pure players” de l’annotation (TripAdvisor, LaFourchette, Yelp, Airbnb, Uber, Blablacar…) renversent des modèles économiques jusqu’alors basés sur la concentration quasi-monopolistique d’acteurs traditionnels (tour operators, maisons de disques, maisons d’édition, taxis…) pour une ère de la particularité, de la singularité où le produit et le service doivent se différencier par un usage et des envies égotiques ou collectives (formes, couleurs, fonctionnalités…).

Ainsi, “Nous croyons que la production de masse de produits anonymes arrivent à sa fin” précise Tien Tzuo.

Aussi, dans ce cadre, “facturer l’usage” fait sens et est symbole d’économie substantielle. Dans un monde de l’entreprise de plus en plus circonscrit par un contrôle de gestion millimétré, la dématérialisation des procédures en corollaire, la gestion numérique de l’abonnement se justifie en tout point.

Avec l’abonnement, au revoir le coût de l’investissement : le service, le besoin et l’usage priment. On en formaliserait presque un adage d’un temps nouveau.

Redéfinition de la notion de propriété

Pourtant, comme le souligne la sociologue Laurence Allard, la prophétisation de l’économie de l’abonnement a été popularisée et vulgarisée par Jeremy Rifkin dans son ouvrage L’âge de l’Accès en 2000 (Ed. La Découverte) :

“Les notions d’accès et de réseau prennent de plus en plus d’importance et sont en train de transformer la dynamique de nos sociétés, comme l’avaient fait les notions de propriété et de marché à l’aube de la modernité. Les produits se périment de plus en plus rapidement. Alors, à quoi bon s’endetter pour les acquérir alors qu’ils seront périmés lorsqu’on aura fini de les payer. Être abonné, adhérent, client devient aussi important qu’être propriétaire. “C’est de l’accès plus que de la propriété que dépendra désormais notre statut social.””

Cette logique de démarchandisation a d’abord affecté la culture : la musique (avec Napster et consorts) au début des années 2000, puis la vidéo avec (YouTube, DailyMotion, Netflix…) au milieu des années 2000 avant de s’attaquer au tourisme, à l”hôtellerie et au transport (depuis 2008).

Dans notre quotidien, nous passons de plus en plus notre temps dans une contractualisation classique implicite de l’abonnement : utilisation d’applis mobiles, solutions bureautiques en mode cloud, serveurs virtualisés… La propriété est battue en brèche dans ses fondamentaux.

Une propriété en usages

Ce qui est vendu désormais avec l’économie de l’abonnement, c’est une expérience individualisée, un service qui se substitue en bien… En quelque sorte une propriété en usages avec un actif essentiel et fondamental de l’entreprise : la donnée, le data!

De ce laboratoire en mouvement de quelques “businesses” ayant été précurseurs de la société de l’abonnement, des pans entiers de l’économie sont amenés à se repenser de A à Z pour non seulement se développer mais également survivre dans un monde agile et en transition numérique.

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A propos de l’auteur…

Jean-Luc Raymond est Consultant formateur en projets numériques.

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  • Social Media Manager senior. Consultant en stratégies numériques. Formateur expérimenté. Conférencier.
  • Expert EPN (espaces publics numériques).
  • Chargé de cours Universités (CELSA Paris Sorbonne, Paris Est Marne-la-Vallée…) en Communication Institutionnelle, Sociologie des Médias Informatisés et stratégies numériques.

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Jean-Luc Raymond
En français

Social Media Manager, Social Selling, Stratégies numériques *Consultant, Formateur, Conférencier, Enseignement *CELSA *EPN *Contact : jeanluc.raymond@gmail.com