Le bras télescopique selfie : L’objet idéal photo 2015 comme révélation de soi
La canne à pêche photo envahit les lieux touristiques, fêtes et moments en famille pour remodeler la photographie moderne en mobilité avec des prises de vue auto-centrées “surhumaines”.
Février 2015. Les dernières marches devant l’Eglise du Sacré-Coeur de Montmartre voient déambuler les rares touristes qui osent affronter le froid hivernal pour s’offrir une vue panoramique de Paris imaginée et rêvée.
Les photos du haut de la Butte font toujours le bonheur des voyageurs qui immortalisent l’instant devant la capitale à leurs pieds, derrière eux, avec une lumière naturelle évanescente, ou bien avec le Sacré-Coeur en arrière-plan.
L’appareil photo en perte de vitesse
Seulement, l’appareil photo numérique (que l’on dirait “traditionnel”) a perdu de sa superbe. Le nombre de “bridges” ou “reflex” ne domine plus dans cette vague de touristes agglutinés devant les marches de la montée vers le Sacré-Coeur.
La victoire de la photo smartphone et du bras selfie
Le smartphone a gagné.
Il est devenu l’appareil photo de prédilection des touristes et avec lui un nouvel attribut apparu en 2014 mais magnifié en 2015 : le bras télescopique selfie, objet ultime qui agrippe à son bout telle une canne à pêche non pas un hameçon mais l’iPhone ou un autre smartphone.
Le déclenchement télécommandé de l’instant de la prise de vue s’effectue via Bluetooth avec la poignée de la perche sublime du chevalier photographe des temps modernes.
Il faut dire que l’objet est abordable (compter 20 Euros tout au plus) et rend service :
“Maintenant tu pourras prendre les meilleures photos Selfie (autoportrait) et aussi réussir à cadrer vos photos avec vos amis sans difficulté”
… annonce la description d’un tel produit sur Amazon.
“Entièrement réglable Selfie bâton vous aidera à prendre des auto-portraits impressionnants avec votre téléphone portable”
… indique une autre fiche produit sur le même supermarché en ligne.
Les 6 facettes du bras selfie, objet symbolique par excellence
A Montmartre, le bras télescopique selfie est l’objet de toutes les attentions de la part des touristes.
L’avantage de son utilisation est flagrant : se prendre en photo individuellement ou collectivement sans avoir recours à l’oeil et à la main extérieures est un concept utilitaire sans faille.
Mais le bras télescopique selfie marque un changement de paradigme photographique avec 6 points saillants :
Le smartphone ou le don de mobiquité panoramique humanisé
Partout et en tout lieu, connecté, le smartphone et sa composante photographique sont désormais doués avec le bras selfie d’un “objet paysageant” c’est-à-dire d’une chose qui refaçonne un paysage de façon humanisée.
Pas de nature morte, pas d’objet perdu dans la composition photographique ; chaque scène est composée par la nécessité de la présence d’un ou de plusieurs individus.
“Jacques Prévert qui me comprenait très bien m’avait dit un jour: C’est toujours à l’imparfait de l’objectif que tu conjugues le verbe photographier.” — Robert Doisneau
Un smartphone à double face : objet et sujet
Avec cet instrument quelque peu singulier, la personne délègue le cadrage à l’appareil. L’objet smartphone devient le sujet regardé et regardant, double facette d’une même opération : la prise de vue.
“En photographie, ce n’est pas le photographe qui est important.” — Yann Arthus Bertrand
L’objet d’assistance décisionnelle
La télécommande Bluetooth agit comme un simple bouton déclencheur. Qui décide du cadrage de la photo ? La main certes et le mouvement effectué avec le bras selfie… Mais le cadrage aléatoire est délégué finalement à l’appareil (surtout via les règlages photo de celui-ci).
“Tu ne prends pas une photographie, tu la crées.” — Ansel Adams
Le bras selfie comme extension de soi
Le bras selfie constitue en quelque sorte un bras imaginaire humain long, très long… Comme tout objet technique né de l’imagination de l’humain : rendre possible pour un membre ce qui est impossible physiquement dans la vie réelle, et ainsi décupler l’imaginaire.
“La photographie est une brève complicité entre la prévoyance et le hasard.” — John Stuart Mill
Une photo qui n’exclut plus
Le retardateur photographique avait déjà cette fonction de pouvoir justifier le fait de pouvoir être présent au sein d’un groupe de personnes pour un même cliché.
Là, le bras selfie va plus loin. Il affirme que cela est possible dans l’instantanéité, le présent et non pas dans un instant du futur proche.
On chasse ainsi la photo du futur proche.
“Ce que la photographie reproduit à l’infini n’a lieu qu’une fois.” — Roland Barthes
Une photo de soi pour soi
Enfin, lebras selfie rend possible l’auto-portrait en situation ; le fait de ne plus se sentir finalement esseulé pour une photo. Il crée un cadrage “virtuel”, celui qui rassure, qui apaise… Celui de la reconnaissance de soi pour soi.
“Il faut aimer la solitude pour être photographe” — Raymond Depardon
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A propos de l’auteur…
Jean-Luc Raymond est Consultant formateur en projets numériques.
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Mon site : http://www.jeanlucraymond.fr
- Social Media Manager senior. Consultant en stratégies numériques. Formateur expérimenté.
- Expert EPN (espaces publics numériques).
- Chargé de cours Universités (CELSA Paris Sorbonne, Paris Est Marne-la-Vallée…) en Communication Institutionnelle, Sociologie des Médias Informatisés et stratégies numériques.
- Intervenant conférencier sur les pratiques numériques et stratégies en ligne.
- Social Media and Digital Citizenship consultant, teaching, speaker, lecturer.
