Des chercheurs burkinabè valorisent les semences améliorées auprès des producteurs pour booster la productivité agricole

Dieudonné Edouard Sango
Enabling Sustainability
5 min readJun 22, 2020
Le Directeur de l’Institut de l’Environnement et Recherches Agricoles, Dr Hamidou Traoré. © Jean-Yves Nébié

« Qu’est-ce-que la recherche agricole attend pour générer des innovations au sein des chaînes de valeur susceptibles de soutenir la productivité ? » s’interrogeait Eden Mvuenga, membre de l’initiative @CovidFoodFuture à travers un tweet.

Au Burkina Faso, l’Institut de l’Environnement et Recherches Agricoles (INERA) œuvre au développement de technologies capables de renforcer la production agricole. Entre autres technologies développées, il y a les semences de variété améliorée.

D’ailleurs, une foire aux semences de variété améliorée de plantes s’est tenue du 4 au 7 juin à Ouagadougou sous le thème : « Contribution des semences améliorées à la sécurité alimentaire dans le contexte de crise sécuritaire et sanitaire. » Au cours de cette foire, le Dr Hamidou Traoré, directeur de l’INERA, nous a accordé une entrevue dans laquelle il est revenu sur les réalisations de la recherche agricole au Burkina en matière de création variétale et sur la contribution des semences améliorées à l’atteinte de la sécurité alimentaire dans un contexte doublement éprouvant pour le Burkina Faso.

Q1 — Dans un langage accessible à tous, expliquez-nous sommairement comment on obtient les semences de variété améliorée de plantes.

Le travail d’un sélectionneur consiste à collectionner auprès des producteurs des variétés locales, qui ont été produites depuis longtemps par nos ancêtres, qu’il va observer en mettant l’accent sur les meilleurs caractères. Ces caractères peuvent être : la taille pour les plantes à partir desquelles on aura de la biomasse pour faire du fourrage ; la résistance à la sécheresse ou aux ennemis des cultures comme les mauvaises herbes, les insectes, les maladies… Donc, ce sont ces caractères que le sélectionneur va rassembler dans une variété qu’on va appeler semences de variété améliorée.

Dans le temps, il fallait dix (10) ans pour créer une variété. C’est la sélection conventionnelle. Mais il y a aussi les biotechnologies qui sont aussi utilisées de nos jours pour accélérer la création variétale. Aujourd’hui, il faut quatre ans en utilisant la saison des pluies et la contre-saison sous irrigation.

Q2 — Cela fait onze ans maintenant que votre institution organise une foire pour promouvoir les semences améliorées. Et le thème de cette édition est en phase avec l’actualité. Quel est l’objectif en choisissant ce thème ?

Dans le contexte de crise sanitaire et sécuritaire, nous nous sommes dits que notre pays fait face à des défis. Il y a plus de 800 milles déplacés qui ne vont plus travailler les terres qu’ils ont abandonné. A cela vient s’ajouter la Covid-19. Si les mesures idoines ne sont pas prises, plusieurs personnes seront infectées et invalides pour produire. Nous nous sommes dits que si un producteur veut cultiver cette année, il est préférable qu’il utilise des semences de variété améliorée qui sont performantes.

Q3 — Concrètement, que peuvent être les contributions des semences améliorées dans l’atteinte de la sécurité alimentaire au Burkina Faso ?

La semence contribue pour 40% du rendement. Donc, si les producteurs utilisent des semences de variété améliorée de qualité, cela va contribuer à augmenter significativement la production même sur de petites superficies.

C’est au regard de l’apport des semences améliorées que le gouvernement a anticipé au tout début de la crise sanitaire, en décidant d’accompagner les producteurs en subventionnant les semences améliorées.

Donc c’est un défi pour nous de rendre disponible des semences améliorées de qualité afin que les producteurs semenciers puissent les multiplier et les mettre à disposition des producteurs.

Q4 — Parlant de crise sanitaire et de sécurité alimentaire, la recherche agricole au Burkina Faso a-t-elle développé des innovations pour soutenir la production lors de cette campagne ? Si oui, lesquelles ? Si non, qu’est-ce-que la recherche prévoit faire ?

La recherche agricole au Burkina Faso dispose aujourd’hui de semences de variété améliorée de certaines cultures. Il y a du mil avec du zinc et de la vitamine. Il y a également des variétés de patates douces à la chair orange avec de la provitamine 1 qui peuvent se transformer en vitamine pour renforcer le système immunitaire…

En 2013–14, il y a eu le premier catalogue variétal des cultures du Burkina avec plus de 300 variétés. Mais pendant ces deux dernières années, nous avions fait homologuer une quarantaine de variété qui vont s’ajouter aux 305 variétés. Donc les producteurs ont toutes ces variétés à leur disposition pour améliorer la productivité agricole.

Q5 — Des spéculations particulières sont-elles privilégiées pour cette campagne ?

Je ne pense qu’il y ait des spéculations qui soit plus privilégiées que d’autres. Mais seulement, certaines spéculations vont peut-être être plus facile à mettre en place. Comme nous ne savons pas si la campagne avec la Covid-19 va démarrer partout dans les délais, quelqu’un qui peut avoir ces variétés précoces pourra les utiliser pour contrecarrer le retard dû à la Covid-19.

Nous avons des variétés de niébé qui font juste 60 jours. Nous avons également des variétés de maïs et de sorgho à cycle de 70 jours. Des panoplies de variétés à cycle court existent.

Q6 — Qu’est-ce qui devrait être fait pour accompagner la recherche agricole burkinabè ?

Je pense que ce qui doit être fait est déjà en train d’être fait. Le gouvernement, dans des promesses faites, a décidé qu’il y aura un financement pour assurer certaines recherches par rapport à la Covid-19. Je parlais tantôt de certaines variétés qui contiennent des éléments nutritifs permettant de renforcer le système immunitaire de la personne comme par exemple le moringa ou le mung bean. Il y a donc des efforts qui sont faits pour accompagner la recherche.

Q7 — Y-a-t-il un espoir que le défi soit relevé ?

Je pense que « impossible n’est pas burkinabè. » Il est reconnu que les burkinabè dans la sous-région sont de grands travailleurs et la recherche est à l’image du peuple burkinabè.

Écrit par Dieudonné Edouard Sango

Cet article fait partie de Covid-19 Food/Future, une initiative du projet SEWOH Lab du TMG ThinkTank for Sustainability (https://www.tmg-thinktank.com/sewoh-lab). Elle vise à fournir un aperçu unique et direct des impacts de la pandémie Covid-19 sur les systèmes alimentaires nationaux et locaux. Suivez également @CovidFoodFuture, nos journaux vidéo de Nairobi, et @TMG_think sur Twitter. Le financement de cette initiative est assuré par le BMZ, le Ministère Fédéral Allemand de la Coopération Économique et du Développement.

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Dieudonné Edouard Sango
Enabling Sustainability

Journalist and media consultant, interested in youth and women in agriculture