La filière lait fait face à la crise sanitaire du Covid-19 à Madagascar.
La pandémie de Covid-19 a des impacts socio-économiques négatifs à Madagascar. Dans ce cas, la majorité des filières existantes ont été touchées par cette crise. C’est ainsi que la filière lait, elle aussi, n’a pas été épargnée.
Il est à noter que Madagascar produit chaque année près de 100 millions de litres de lait. À l’heure actuelle, cette production n’est pas encore suffisante pour satisfaire la demande qui se chiffre à près de 150 millions de litres. En effet, les 60 000 exploitations agricoles ne produisent pas de lait en quantité et en qualité suffisantes.
Cependant, depuis toujours, la filière lait dispose d’un énorme potentiel dans la mesure où il s’agit d’une filière porteuse d’activité et d’emploi. Les débouchés sont ainsi nombreux, mais c’est l’offre qui n’arrive pas à suivre. Par ailleurs, la croissance de cette filière va également dépendre de l’amélioration du transport.
Mode de fonctionnement de la chaîne de valeur
De nombreux acteurs sont présents dans la filière lait. D’abord, il y a les éleveurs de vaches laitières et les producteurs qui sont pour la grande majorité dans le secteur informel. Il s’agit d’exploitations agricoles qui sont généralement de petites ou de moyennes tailles. En effet, elles n’exploitent qu’une à trois vaches laitières seulement.
Selon une étude de la filière dans les Hautes Terres (Analamanga, Itasy, Vakinankaratra) de la grande île, la plus grande partie du lait est commercialisée via des collecteurs et sous collecteurs (65%), puis une partie importante va directement à des fromageries ou yaourteries (18%). La vente à l’épicerie ou à des hôtels n’est pas négligeable avec 12% de la production commercialisée. Enfin, les centres de collecte, et la vente directe à des consommateurs représentent seulement 5%. Les collecteurs jouent donc un rôle essentiel dans les circuits de commercialisation de la filière lait. Ces derniers acheminent également les produits laitiers dans ces principales villes et s’occupent ainsi du transport de la marchandise.
Généralement, les transformateurs sont de petite taille et transforment le lait en fromage ou en yaourt. La consommation de produits laitiers est une habitude répandue et ce sont les yaourts faits maison qui sont les plus populaires. En outre, les industriels sont les grandes exploitations formelles comme Socolait ou les usines AAA. Ces dernières disposent de centres de collecte plus structurés et de capacités de transformation plus importantes.
Comment la filière lait a-t-elle été impactée par la crise ?
Si la production en lait n’a pas vraiment bougé, ce sont surtout les ventes qui ont baissé de plus de 50%. Les laiteries de petite et de moyenne taille ont été celles qui ont été les plus touchées par la crise sanitaire.
La pandémie de Covid-19 a forcé le gouvernement à prendre des mesures strictes entraînant des conséquences négatives sur la filière lait qui était à sa saison la plus faste. Les mesures de confinement ont eu des impacts sur les transports qui ont été limités. D’une part, les producteurs n’ont donc pas acheminé leurs produits vers les grandes villes par les transports en commun habituels.
D’autre part, le ralentissement de l’économie s’est traduit par une baisse de la demande en lait. En effet, la baisse du pouvoir d’achat des ménages et du revenu des entreprises a fait baisser la consommation en lait et ses produits dérivés.
« Plus personne n’achète notre lait. Nos ventes de lait ont énormément baissé alors que normalement c’est la période où la demande est la plus élevée. Nous avons même dû baisser le prix. » déplore Faly, producteur de lait à Antsirabe.
Les producteurs ont ainsi eu du mal à trouver des débouchés étant donné que les consommateurs ont changé leurs habitudes d’achat en se concentrant davantage sur les produits de première nécessité. De plus, les restaurants, les marchés, les épiceries et les entreprises transformatrices ont connu une baisse de leurs activités dans la mesure où ils ne travaillent pas à plein temps à cause du couvre-feu et du confinement.
Les acteurs de la filière lait ont ainsi eu beaucoup de difficulté à écouler leurs produits et cela a entraîné une baisse significative de leurs revenus. Il a été même constaté l’arrêt de leurs activités par certaines exploitations. Certaines laiteries industrielles ont pu continuer à s’approvisionner dans la mesure où elles disposent d’une structure plus forte en matière de transport. Néanmoins, elles n’ont pas été épargnées par les conséquences de la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs.
Comment réagissent les producteurs face à ces difficultés ?
Il a été constaté que près de 25% de la production de lait a été invendue. Pour écouler leurs produits, les producteurs ont dû se résoudre à les vendre à un prix très réduit.
Les petits producteurs ont proposé une plus grande quantité de lait aux opérateurs économiques. Néanmoins, ces derniers ont fait baisser le prix d’achat et ont limité les quantités collectées auprès des producteurs.
Comme le lait est un produit périssable, certains ont essayé de transformer le lait en yaourt ou en fromage pour les vendre. Néanmoins, comme la majorité des producteurs ne disposent pas des équipements pour transformer le lait, cette option ne leur a alors pas été possible. Face aux problèmes de transport, d’autres producteurs, quant à eux, ont essayé d’acheminer leurs produits par des transporteurs clandestins.
Par ailleurs, il a été constaté que certains producteurs ont décidé de vendre du lait cuit conditionné sur certaines routes nationales. D’autres producteurs s’en sont sortis grâce à la diversification de leur production : les céréales, les légumes et les fruits.
La baisse du revenu signifie également la baisse de la qualité et de la quantité d’aliments à donner aux vaches. De plus, les producteurs ont eu plus de difficulté à améliorer et à innover leurs techniques de production.
Comment réagissent les consommateurs de lait face à la crise ?
Sur le plan économique, près de 30% des ménages ont réduit leur consommation en nourriture. Près de 10% des ménages ont passé quelques jours sans rien manger. Par ailleurs, 1 ménage sur 4 est concerné par une perte d’emplois. Enfin, près de 65% des ménages ont vu leurs revenus diminuer.
La majorité des consommateurs de lait se trouvent en ville. Dans ce cadre, il a été constaté que la consommation de lait a été réduite de moitié. En effet, les consommateurs se sont rués sur les produits de première nécessité compte tenu de la faiblesse de leurs revenus. De plus, le lait peut être considéré comme un produit de luxe étant donné la consommation moyenne de lait assez faible par les malgaches.
Comment relancer la filière lait après cette crise alimentaire ?
Ce n’est pas la première fois que la filière lait connaît une crise comme celle-ci. D’ailleurs, les acteurs ont pu se relancer après les crises de 2001 et de 2009. Comme le transport a maintenant repris, les producteurs peuvent donc maintenant acheminer leur production de lait vers les grandes villes. De plus, la reprise des activités a été constatée auprès des centres de collecte.
La Malagasy Dairy Board est une organisation dont le but est le développement de la filière lait à Madagascar. Comme le lait est une denrée périssable, elle pense qu’il faut donner les moyens aux acteurs de transformer leur lait en produits dérivés pour faire face aux éventuelles crises. Par ailleurs, l’intégration des petites exploitations dans le secteur formel en vue de les encadrer plus efficacement doit être aussi envisagée.
La conservation du lait par le froid et la congélation est une alternative proposée par le directeur général de l’élevage à Madagascar, Michel Anondraka. Cela signifie bien évidemment la nécessité d’équiper les différents acteurs.
L’amélioration de la production passe également par une amélioration génétique des vaches laitières. En effet, les vaches locales ne produisent que moins de 10 litres de lait par jour tandis que les races pies rouges peuvent produire près de 20 litres de lait par jour. L’Etat malgache prévoit également d’importer mille vaches laitières cette année afin de développer l’élevage tourné vers l’autosuffisance laitière.
Une mise en place de dispositifs de collecte fiables et réguliers s’avère aussi primordial pour que les producteurs puissent commercialiser correctement leur production. D’où la nécessité de mesures qui concernent l’aval (appui aux collecteurs, regroupement de l’offre).
En outre, une des contraintes principales à une intensification ambitieuse de type conventionnelle est le manque de moyens (techniques et financiers) combiné aux réticences de la part des chefs d’exploitation à s’engager dans des systèmes beaucoup plus risqués, notamment sur le plan économique. Lever cette contrainte passe par des mesures, et notamment de vulgarisation, de conseils et de renforcement des capacités, spécifiquement adaptées aux exploitations agricoles peu productives avec l’objectif de les faire progresser, en les engageant modérément et surtout progressivement dans un processus d’achats d’intrants et de services extérieurs.
Ecrit par Maya Disraëli.
Cet article fait partie de Covid-19 Food/Future, une initiative visant à fournir un aperçu unique et direct des impacts de la pandémie Covid-19 sur les systèmes alimentaires nationaux et locaux. Les expériences des jeunes agriculteurs urbains et périurbains, des vendeurs de rue et des détaillants informels, ainsi que des consommateurs à faible revenu, sont au cœur de notre approche. Suivez @CovidFoodFuture sur Twitter.
Covid-19 Food/Future est une initiative de TMG. ThinkTank for Sustainability (www.tmg-thinktank.com), ou sur Twitter @TMG_think. Le financement de cette initiative est assuré par le BMZ, le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement.