Grilles de lecture

coreygraphe
Entre-espace
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6 min readJun 2, 2021

A l’ère de la collaboration, de l’agilité et de l’instantanéité, il est bon de parfois prendre le temps de se relire et de vérifier qu’on ne s’est pas perdu en chemin. Checklist, to-do-list, matrices de qualité ou représentation de frameworks; les grilles de lecture permettent de se relire mais elles permettent aussi de rassembler tous les collaborateurs autour du fameux pourquoi.

De la préparation à la vision, je vous propose de relire et relier tout çà ;-)

Une grille en forme de diamant fait de quatre pyramides : 1/ Humain : besoin > émotions > sentiments 2/ Objet : utilité > utilisabilité > incarnation 3/ Créateur : production > communication > intégration 4/ Société : acceptabilité > inclusion > durabilité

Checklists

Ayant eu la chance d’avoir de nombreux alternants en tutorat, j’ai souvent dû leur rappeler l’utilité de la fameuse check-list (ou to-do-list en cas de non-récurrence) qui leur permet de transformer plus rapidement des habitudes en bonnes pratiques . C’est un réel retour aux basiques et à une pensée organisationnelle cadrée. D’ailleurs la fameuse to-do se décline à l’infini du planning au backlog. Une des preuves les plus flagrantes de la force de cette grille est le fait qu’elle sauve des vies….

En 2001, le docteur Peter Pronovost, de l’hôpital Johns Hopkins (Baltimore) se sert des checklists pour régler un problème de santé majeur: la pose de cathéter provoque alors plus de 30 000 morts par an aux États-Unis par infection du sang selon le Centre de Contrôle des décès et prévention (CDC). Sa solution est simplissime : une check-list. Elle comprend des actions qui vous rappelleront peut-être quelque chose : se laver les mains au savon avant l’acte d’insertion du cathéter, s’assurer que les soignants portent bien des masques, des gants, … Ce sont évidemment des actions simples et connues pour ce qu’elles sont : des règles de base ! Cela déclenche dans le milieu hospitalier beaucoup de moqueries jusqu’à ce qu’une baisse significative du nombre de décès et de fortes économies prouvent à ses détracteurs son efficacité.

Plus on s’éloigne des bonnes pratiques, plus on perd en communication et en performance. Il faut nommer les choses et rappeler les règles basiques grâce à ces fameuses checklists. Quel est l’ordre du jour d’une réunion ? Avec quoi compte-t-on en sortir ? Qui en écrira le compte-rendu ? Autant d’éléments qui se perdent dans le temps.

Si vous prenez le temps de repenser à votre organisation, ne trouvez-vous pas de petites ou grosses dérives ?

Grilles d’analyse

Une grille peut également servir à lire, analyser et classer des données. En design thinking ou design de service, nous utilisons de nombreux canvas (grille déjà formatée, prête à être remplie). On cartographie les utilisateurs, les expériences, les valeurs et même les principes !

La Maison de la Qualité est un des canvas les plus puissant selon moi. Elle est issue du lean management et est aussi connue sous le nom de matrice QFD (Matrice de défaut de qualité des fonctions). Je m’en sers souvent lorsqu’il faut rassembler les experts (technique, marketing, commerce, data, …) autour d’une roadmap produit permettant de répondre à des objectifs chiffrés (on est loin de l’idéation).

Les étapes idéales pour construire la base de notre maison sont, avec ce collectif, de :

  1. partir des types d’utilisateurs (après interviews, sondages, lectures des données)
  2. réfléchir au produit qui leur correspondrait
  3. regarder ce que leur propose le marché (en produit mais aussi en expérience)
  4. donner les objectifs au produit (recrutement, augmentation du nombre de commandes, fidelisation, …)
  5. estimer enfin la faisabilité technique (architecture applicative…)

Une fois cela fait une grande partie de la matrice a été préparée sans même qu’on s’en rende compte ! On a ainsi respecté le flow de Mihaly*

  • Les objectifs sont listés en lignes: on leur donnera une priorisation (du plus gros au plus petit). Pour un site e-commerce, le fait de transformer chaque visite en achat (taux de transformation) est la plus grande priorisation = 5.
  • Les solutions sont listées en colonnes: on donnera leurs impacts chiffrés (du plus gros…). Travailler le référencement me semble une solution en totale inadéquation avec l’objectif du taux de transformation car attirer plus de monde n’augmentera pas le taux même s’il augmente le nombre de transformations… note de 0 + ( 0+ sans impact, + impact faible, ++ impact modéré, +++impact fort)
  • L’importance de l’impact spécifique d’une solution à un problème donné est la multiplication de la priorisation de l’objectif par l’importance de l’impact. L’importance du référencement sur le taux de transfo est de 0 (5×0)
  • L’importance globale de l’impact d’une solution sera l’addition de chaque importance d’impact. Le référencement a de l’impact sur le nombre de visites (4x10=40) mais un impact faible sur la mise en avant de marque propre (1x1) et la singularité de la marque (2x1), l’impact est nul pour le reste. L’impact global du référencement est donc de 43.

Ceci est la base de notre maison, on peut ensuite vérifier l’adhérence entre les solutions (la toiture de notre maison) et ajouter des facteurs comme la faisabilité technique (facteur de 1 à 5, ici le plus petit étant la complexité la plus critique), une notation comparative de la réponse des concurrents à chaque problème, …. Cet outil est donc extrêmement liant et il permet une relecture assez complète d’un projet pour priorisation: on est loin du tout est prioritaire et tout est urgent…

Le design convertit l’outil en comportement et en contexte culturel

Neri Oxman

Grilles de positionnement

Dans les métiers du digital on a souvent besoin de démontrer son expertise et/ou de sa différence. Des grilles de positionnement peuvent convaincre le client d’une agence, un possible investisseur, un futur collaborateur, le réseau, … Ce positionnement devrait déjà être largement partagé en interne et compris de tous. Il y a peu avec un leader technique postait qu’il désirait casser les murs entre développeurs et l’utilisateur final : pour arriver à cela partager une vision commune (dont celle de l’utilisateur) est un bon point de départ.

Les méthodes dites frameworks (SCRUM, design thinking, double diamant, … ) sont souvent schématisées en macro procédure ce qui permet au collaborateur de comprendre le flux de travail global mais aussi son apport dans le projet. Ce type de grille de lecture peut aller plus loin et montrer un positionnement différenciant. Lorsque Neri Oxman, leader et fondatrice du groupe de recherches Mediated Matter au MIT research group)présente sa lecture de la recherche et développement on peut y voir sa lecture de l’acte de création/production (voir sur Netflix la très bonne série documentaire Abstact : l’art du design).

Le flux décrit par Neri Oxman qui permet de passer de la science à l’ingénierie au design et finalementà l’art en faisant le livrable de l’un devienne l’entrant du suivant.

Ce type d’exercice peut sembler abstrait pourtant cette carte m’a permis de positionner les objectifs des membres de mon équipe pour leur entretien individuel avant de construire ensemble l’objectif de l’équipe en créant des ponts entre chaque objectifs. Il était supérieur à l’addition de chaque objectif personnel ;-)

Relire le monde et en proposer une nouvelle grille, voici comment cet outil peut présenter avec pédagogie une vision. On peut comprendre et retenir un concept comme le cercle d’or de Simon Sinek ou même une représentation complexe (mais so évidente) comme la Theorie du donut de Kate Raworth qui rappelle que notre monde est un espace fini et que chaque être humain devrait avoir les mêmes droits.

Amsterdam a choisi cette stratégie de choix d’économie circulaire. Voir son dossier en anglais

On peut tous définir une grille de lecture de notre travail ou d’une vision du monde.

La mienne s’est faite sur le design en général et en particulier par la lecture du spécialiste des neurosciences d Antonio Damasio (Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau des émotions). Une fois l’objet (au sens large) en face de l’humain (pyramide de Damasio), le créateur s’est naturellement trouvé face à la société. Le walkman, le frigidaire, les lunettes Rayban, le polo Lacoste, les docks, le café starbuck, l’iphone… certains produits ont tellement incarné leur genre qu’on a fini par confondre pendant un temps le produit (smartphone), son nom (iphone) et sa marque (apple) ! C’est ce qui se cache derrière incarnation. Il y a une dizaine d’années, j’en ai changé les critères de la société et du créateur favorisant l’engagement et l’éthique à la réalité.

Cette grille me permet au quotidien de ranger mentalement facilement mon bench et mes lectures.

Et vous, quelle est votre grille ?

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