Innover, all along the watchtower

coreygraphe
Entre-espace
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5 min readMar 15, 2024

Entre une reprise musicale et une innovation digitale il n’y a, a priori aucun rapport. Pourtant, si le but est différent, la démarche intellectuelle et ludique reste la même : comprendre, assimiler, proposer.

Une image du film ”Arrival”. Un vaisseau extra-errester en forme de tour semble flotter sur la mer.

All Along the watchtower de Bob Dylan a été reprise en studio plus d’une centaine de fois.
Qu’est-ce qui attire autant les artistes dans cette chanson ? Comment peut-on proposer autant de versions d’un même sujet ? Quelles leçons peut-on en tirer dans le travail d’innovation ?

Innover, c’est introduire quelque chose de nouveau pour remplacer quelque chose d’ancien.
C’est la fameuse souris d’Apple en 1983 qui rend obsolète la version précédente grâce à l’ajout d’une trackball (une boulle pointe le mouvement effectué) que l’on retrouvait dans certains jeux d’arcade Atari.
Reprendre est bien plus large :
prendre la suite de quelqu’un
continuer quelque chose d’inachevé
faire subir des transformations
faire sien, emprunté ce qui a été élaboré par quelqu’un d’autre
• « énoncer à nouveau les paroles »
Il est facile de voir des liens entre les deux actions même si le résultat, remplacement ou renforcement de l’existant, diffère.

Imite, assimile, et ensuite innove…
Clark Terry

Innover

C’est d’abord voir un besoin non, ou mal, couvert. C’est aussi voir en une invention d’autres usages que ceux auxquels son créateur avait en tête. Une fois ce constat fait, il faut trouver la solution et la réalisée pour la démocratiser.
Dans la souris de Doug Engelbart, c’est sa vision qui compte le plus : l’homme doit pouvoir communiquer plus facilement avec l’ordinateur, car celui-ci va se démocratiser.
La forme était grossièrement bonne. Chaque couche innovante n’a remplacé que lentement la précédente : la version de Xerox, celle d’Apple, la première molette, l’optique, le laser.
Loin de cette forme, mais toujours en lien avec la vision d’Engelbart, le tactile, la voix et demain le geste (voir le projet SOLI de Google) ne répondent pas aux mêmes besoins cognitifs de l’homme. Il n’est pas dit que la souris disparaîtra d’aussi tôt !`

C’est là que la reprise intervient ! Innover, c’est donc comprendre, assimiler et proposer comme le font ceux qui reprennent une chanson.
Vous entendrez souvent qu’il faut s’éloigner (diverger) avant de pouvoir créer et innover (converger). On peut vite se rendre compte qu’il y a une infinie palette de possibilités lorsqu’on veut innover. C’est réellement une réflexion adaptée à l’utilisateur final qui filtrera naturellement celles-ci. Pourtant, ils donnent une impression d’accumulation progressive qui augmente l’impression de confusion.

Voir les paroles et la traduction

La vision que propose l’auteur est universelle. Bob Dylan puise dans l’ancien testament et on comprend rapidement que le voleur et le bouffon sont les deux parties d’un homme en conflit et avec lui-même et avec la société. Deuxième et troisième dualismes… Si Dylan fait référence aux hommes d’affaires, critiques et fans à une période difficile de sa vie, le texte est tellement allégorique que chacun peut y transposer son propre vécu.

Ce qui fait la force de cette chanson est donc son extrême simplicité et son universalité. Il y a un aspect apocalyptique : histoire sans fin, texte quasi-biblique, confusion portée par la guitare et l’harmonica. La forme musicale est entièrement dédiée à la vision. Plus étonnant encore, chaque reprise augmentera cette impression de boucle infinie…

Parfois, je joue des chansons de Dylan, et elles me ressemblent tellement
que j’ai l’impression de les avoir écrites…
Jimmy Hendrix

Assimiler, proposer

Bob Dylan essaiera de gommer cet aspect d’apocalypse en reprenant le premier couplet en final comme dans la reprise de Grateful Dead.

Jimmy Hendrix électrisera cet aspect apocalyptique dans son interprétation, plus connue que l’originale. Le tempo semble accéléré*, sa guitare et la batterie de sa reprise donneront aussi une certaine violence à ce titre pour augmenter la séparation entre narration et confusion.
* le tempo est diminué, mais les attaques sont plus rapprochées

Dave Matthews Band joue énormément sur la structure narrative pour reconstruire ce morceau et renforcer la confusion entre homme et société. Après un début tout en douceur tout s’intensifie lorsqu’il n’y a Aucune raison de s’énerver avant de partir parfois (selon composition du groupe) en plusieurs solos jazz qui se mélangent avec complexité lorsque l’heure se fait tardive.
Il montre aussi le conflit interne du narrateur en opposant texte et narration : il finira en rage sur Aucune raison de s’énerver.

Chris de Burgh met en lumière la mélancolie et le désespoir de cette chanson. Le chant finira en écho sur Il doit y avoir un moyen de
sortir de là
. Son piano reprend tout en douceur le côté entêtant de l’original. Plus le morceau avance plus les instruments se mêlent comme pour DMB.

La série télé Batttlestar Galactica transforme le mythe en légende en insérant la mélodie dans la trame même de l’histoire des Cylons, robots cherchant à éradiquer les humains. Les premières notes d’All along the watchtower servent à réveiller les espions dormant cylons qui se croyaient humains (réveil du passé, histoire sans fin). J’ai eu envie de sourire lorsque j’ai entendu les premières notes apparaître en amorce tellement cela semblait juste .
Bear McCreary nous délivre des versions où il transcende les sons “courbes” de la guitare de Dylan par des instruments orientaux.

Je pourrais encore vous parler des version de Neil Young, Calvin Russel, U2, la classieuse Barbarah Keith, P.O.S., les moqueurs XTC, ou plus récemment Devlin & Ed Sheeran. Plus vous entendrez de reprises d’All along the watchtower, plus vous verrez que le panel de possibilités est infini. La condition humaine sera toujours propice au besoin de recouvrements…

[ Jimmy Hendrix] a su trouver ici des choses que personne n’aurait même pensé cherché
Bob Dylan

Pour finir en musique voici mes 5 reprises préférées en dehors de All Along the watchtower.
• Blood of a young wolf par Friction! (de Buck 65) feat. Lisa Gerrard
• Mad World par Gary Jules (de Tears for Fears)
• Hurt par Johnny Cash (de Nine Inch Nails)
• Crazy in love par Antony and The Johnsons (de Beyonce…)Et pour le fun une reprise Oops!… I did it again de Britney Spears par Children of Bodom !

Et vous, quelles sont vos reprises préférées ?

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