Par éthique, par design

coreygraphe
Entre-espace
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5 min readMay 10, 2024

Le Design se bat depuis plus d’un siècle contre la célèbre théorie business “cache le bazar sous ton lit”. Pour réussir cela le Design doit finaliser une triple mutation : revenir à l’essentiel, est être plus systémique et devenir un domaine à part entière influençant le board des décideurs.

1. Par éthique, simple et basique

1.1 Un design qui n’est pas pensé systémique ne peut pas être éthique.

Ne pas mesurer les conséquences directes et indirectes de ses actions, ne peut en aucun cas être considéré comme une attitude responsable.
Si ces conséquences devenaient visibles pour l’utilisateur, il comprendrait qu’on ne lui rend pas service.

Si tous les nœuds d’un système ne sont pas identifiés et mesurés, le risque est grand pour l’entreprise, car elle ne peut prévoir de scénarios alternatifs à un problème systémique. L’analyse des signaux faibles, le design prospectifs sont autant de pratiques “responsables”.

Un service à moitié rendu n’est pas un service (Publicis conseil pour Engie)

1.2 Un design systémique n’est éthique que si on le veut.

J’ai récemment lu un livre où airbnb était représenté dans un système économique vertueux qui impliquait les acteurs du tourisme (transports, restaurants, divertissements, commerçants) sans prendre en compte les externalités négatives (carbonne, augmentation des prix locatifs, …). Un exemple parfait de systémique non-responsable.

Voici pourquoi j’ai représenté dans ma note Design, from holistic to systemic (je le passe bientôt en français) le systémique avec et sans éthique, l’éthique est une dimension de l’approche que l’on prend en compte ou non. Être éthique n’est pas une approche. Être éthique est un choix.

Business oriented: client+office+society VS Ethic oriented: client/office+society+ethic

1.3 L’éthique doit donc concerner tous les acteurs autour du design

Bien entendu, un groupe de designers peut se rejoindre autour d’une éthique, et tant mieux. Ils vont pouvoir faire de la pédagogie et démontrer par l’exemple pour infusion et diffusion lente mais certaine.

Cependant, le design pour être éthique doit forcément inclure tous ceux qui participent à sa stratégie, sa conception, son déploiement, sa vie. L’éthique devrait donc plutôt englober l’innovation et la conception de produits technologique et/ou digitaux que le design en lui-même.

2. Par design, pas simple si complexe ?

2.1 Le Design lutte depuis plus d’un siècle pour défendre une vision éthique

La raison principale pour laquelle j’ai cru important de créer une timeline des grandes dates autour du Design d’interaction (sur Miro, en cours sur Kumu). Elle est doublée d’une table Notion qui essaie de répertorier les grands faits autour de ce combat des idées.

L’accessibilité (dans le sens pour tous) a été et est le combat primale du design. Pratiquement toutes les approches et réflexions portées sur le design défendait cette pensée éthique face à l’industrialisation.

Puis la notion d’écologie et d’externalisation négative a pris sa place dans les discours. Le design thinking, le design ops, les designs pattern et systems, la user research sont autant d’essais pour faite entrer le point de vue du Design dans les boards, là où on décide le design.

A contrario, beaucoup d’approches à tendance marketing comme le design comportemental sont critiquées par les designers qui se veulent éthiques. À nouveau, confondre approche et dimension éthique est une erreur. Les stratégies business orientées utilisateurs (Amazon, Airbnb, Uber, …) ou les approches permettant les black pattern (gamification, design comportemental, …) peuvent tout à fait servir à l’empowerment de l’utilisateur, il suffit d’entraîner les utilisateurs à comprendre ses mécanismes par le jeu et les rendre acteurs plutôt que proies. C’est ce qu’entament déjà des designers autour des sujets de Santé par exemple.

2.2 La connaissance du Design d’interface digitale a atteint une maturité rare

La connaissance du design d’interface a atteint une maturité dans sa compréhension de l’ergonomie, dans ses capacités de standardisation (donc d’adaptabilité), dans sa compréhension du comportement humain.

Cette compréhension et cette standardisation mènent à deux changements majeurs :

  • l’invisibilité des interfaces promise depuis des dizaines d’années pourrait se produire;
  • l’automatisation par l’IA de beaucoup de tâches des designers de la forme est en train de se concrétiser.

Cette maturité met également le design de contenu est en danger. La génération assistée par IA du contenu est déjà une réalité pour des graphistes et designers de contenus qui voient leur métier être mis en danger.

2.3 Le Design de l’objet a atteint une immaturité rare

La démultiplication des ressources et leur dilution par de l’auto-branding a amené beaucoup de bruit autour de la connaissance design. On retrouve sur le marché du design du visible des experts, mais aussi des apprentis sorciers qui ne connaissent pas les bases ou les appliquent sans contextualisation…

De plus, la standardisation voit apparaître la demande d’un retour à l’essence du design:

  • Une signature: une différenciation par une vision audacieuse identifiable (marquer d’un signe);
  • De la créativité (dessin) : il va falloir remettre en question les usages et conventions pour apporter de nouvelles perspectives (conventions versus standards;
  • De l’impact : par un but (dessein) clairement identifié.

2.4 Le design systémique devient lui aussi essentiel.

Les entreprises ne vont pas avoir d’autres choix que d’embrasser la complexité.

Le momentum appuyé par l’émergence des LLMs est systémique: crise écologique, guerre idéologique entre démocraties et dictatures, crise de l’information, crise migratoire, début de révolte (enfin !) des “invisibles”, crise énergétique, crise économique, crise identitaire. En ai-je oublié ?

Ce momentum systémique a été rendu publique au plus grand nombre lors de l’augmentation du prix de l’énergie liée à la guerre de l’Ukraine et à la chute de dominos qui s’en suit.

Les entreprises vont devoir cesser d’écouter les gourous technologistes et les sauveurs qui nous vendent la solution “simple” et “immédiate” la pilule magique et la solution rapide (“comment je gagne 100k en 2 heures”).

Elles devront surtout accepter d’embrasser dans la complexité. Avoir un réel impact démontrable et réfléchi demande une analyse beaucoup plus systémique. Une fois le travail d’analyse du système effectué, le design se révèlent souvent une addition d’actions simples.

2.5 Designer à l’heure de la démesure commence par la mesure

Rendre tangibles les multiples impacts de notre consommation va passer par la capacité de comprendre son impact. Les indices du type réparabilité vont devenir de plus en plus nombreux. Il va falloir rendre accessible par le monitoring la donnée contextualisée à tous : producteurs, agents de gestion des flux, consommateurs, ….

Le design va devoir marquer ces éléments à mesurer d’un signe clair et précis.

Pour conclure

Depuis plus d’un siècle, le design essaie d’apporter une vision macro (au sens systémique, cf. Joël de Rosnay). Le moment que nous vivons peut aider le design à démocratiser l’objectif éthique et systémique.

En même temps, le systémique inclut l’interdisciplinarité et donc le collectif. Pour arriver a tenir cet objectif, le design devra devenir un domaine à part entière.

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