Les PropTech françaises qui attirent les investisseurs : tour d’horizon

Entrepreneur Invest
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6 min readSep 6, 2019

En réalité, ce n’est pas la première fois que le secteur de l’immobilier voit la technologie l’infiltrer et repenser son mode de fonctionnement. Les années 1980 ont apporté la première vague de technologie dans le secteur de l’immobilier grâce à l’émergence de la puissance informatique ainsi que les premières capacités de collecte et d’exploitation massives de données. L’informatique devenant plus abordable, plus puissante et plus complète, de nouveaux acteurs et de nouveaux types d’investisseurs ont vu le jour, plus sensibles aux notions quantitatives, à la mesure de performance et la logique de portefeuille. Cela peut paraître obsolète aujourd’hui mais ce tournant technologique a permis une financiarisation de cette industrie et a permis l’apparition des géants comme Autodesk.

Depuis environ 5 ans en France, nous voyons une nouvelle vague de digitalisation de l’activité immobilière au même titre qu’un grand nombre d’autres secteurs, bénéficiant d’un accès aisé à la data, d’une évolution des usages et des attentes des consommateurs et un intérêt croissant des investisseurs.

Bien déterminées à changer les codes du marché et à bousculer les acteurs traditionnels, les PropTech d’aujourd’hui (combo grammatical de Property et Technology) ont déjà commencé à changer le paysage de l’immobilier.

Entrepreneur Venture vous propose un tour d’horizon des PropTech françaises qui ont séduit jusqu’ici les investisseurs et qui semblent avoir, à certains égards, le vent en poupe.

L’essor des PropTech : les start-ups américaines surfinancées, la France doit profiter d‘autres atouts

Au niveau mondial, le secteur de la PropTech profite d’un recourt croissant à l’equity : 3 milliards de dollars ont été levés dans le monde en 2016 par les PropTech, 12 milliards en 2017 et 20 milliards en 2018. En guise de comparaison, en 2018, 40 milliards de dollars ont été investis dans les FinTech à l’échelle mondiale.

En France, les start-ups immobilières ne manquent pas : elles seraient environ 500. Néanmoins, les investissements sont encore fébriles pour voir émerger de véritables acteurs globaux comme en témoigne la répartition des levées de fonds en 2017.

Baromètre KPMG 2017 de la Real Estech

Nous voyons que les USA captent la moitié des investissements, et que l’Europe, hors UK, ne représente que 5%.

Si nous comparons les 3 plus grosses levées de fonds dans une même PropTech aux USA et en France, nous voyons la forte différence entre les deux pays. Si nous additionnons les levées des 3 start-ups françaises les plus financées, la somme représente 8,6% du financement reçu par la troisième start-up américaine la plus financée (nous ne comparons volontairement pas à WeWork qui est un cas exceptionnel avec des levées très fortement liées à de l’acquisition d’actif immobilier).

Top 3 des sociétés ayant levé le + de fonds aux USA et en France

Comme dans tous les secteurs disruptés par la tech, les USA ont également un temps d’avance dans le financement des PropTech. Néanmoins, la France doit profiter de la richesse et du dynamisme de son parc immobilier et de son activité touristique pour obtenir une place de premier plan sur la scène tech immobilière mondiale.

Segmentation de marché et mapping des PropTech françaises ayant levées + de 500 000 euros

Si une levée de fonds n’est pas un indicateur de réussite d’une société, la majorité des sociétés a recours à du financement externe et dans un marché, connaître les entreprises qui ont séduit des investisseurs sur des tickets significatifs (>500 000 euros ici), nous permet d’avoir une vision globale (mais non exhaustive) de l’émergence des principaux acteurs.

Les différentes segments (ou verticales) présentés ont pour objectif de permettre une appréhension aisée des différents sujets adressés par les PropTech aujourd’hui. Chaque segment pourrait bien sûr être découpé en sous-segment, et sous-sous segment etc.

Nous avons identifié 112 sociétés ayant levées plus de 500 000 euros. Nous mettrons à jour ce chiffre et ce mapping en fonction de vos remarques que nous vous invitons à laisser en commentaires.

Quel futur pour les acteurs français?

Le nombre de PropTech atteint déjà des records, certains observateurs parlent même de la « jungle des PropTech » tant le mouvement semble massif et chaotique. Néanmoins à plus long terme il est raisonnable de s’attendre à une contraction du nombre d’acteurs. Il n’y a qu’à observer le nombre de start-ups voyant le jour au sein d’une même verticale pour comprendre qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde sur un même segment (même pour un marché tel que l’immobilier). Certaines sociétés ont malheureusement dû entamer un plan de redressement ou être contraintes de liquider leur société : ForCity a été placé en redressement judiciaire en juillet 2019 et BnbSitter a mis les clefs sous la porte à la même date. Les premiers acteurs a atteindre une certaine taille critique, couplée à une excellence opérationnelle, bénéficieront d’une place stratégique pour profiter de la consolidation du marché.

Nous avons tenté d’identifier les principaux challenges que vont rencontrer les PropTech dans les années à venir et qu’elles devront adresser avec brio pour devenir un leader stable sur leur verticale :

  1. Contrôler le sujet législatif : historiquement, le secteur de l’immobilier est un secteur stratégique pour les Etats et donc très réglementé. L’exploration des opportunités offertes par les nouvelles technologies a engendré l’émergence de nouveaux phénomènes et métiers naviguant dans des vides juridiques qui vont être tôt ou tard comblés. L’exemple de la location sauvage sur AirBnb ayant été restreinte dans la plupart des pays européens est sans doute le plus parlant. Il est crucial pour les start-ups d’assurer une veille très attentive de ces potentiels changements d’environnement légal, et surtout de parvenir à être des acteurs influents dans l’évolution des réglementations.
  2. Bien identifier son segment : l’écueil d’un marché aussi immense que celui de l’immobilier est qu’il est facile de s’éparpiller. Nous estimons qu’un élément stratégique de la réussite d’une PropTech va être sa capacité à bien identifier un segment et à bien s’organiser pour l’exploiter au maximum, dans un souci d’excellence opérationnelle comme vecteur clef de réussite.
  3. Se concentrer sur la viabilité long-terme du projet : il est tentant pour une start-up de faire la course au volume afin de capter un maximum le marché qui s’offre à elle, quitte à laisser de côté la vision de la rentabilité et d’atteindre une pérennité. Dans l’objectif d’une vision à plus long terme il est crucial de ne pas perdre de vue la durabilité du projet.
  4. Maîtriser sa technologie : sans technologie, pas de PropTech. Néanmoins, une technologie mal maîtrisée, mal adaptée au business ou trop lourde pour la start-up peut être un facteur de risque important. Il est important de conserver la technologie comme support et levier pour aider le business mais elle ne doit pas supplanter ce dernier. Une technologie trop lourde et peu agile peut ralentir la start-up et au final endommager sa capacité à créer de la valeur. Ce point-là est essentiellement valable pour les PropTech qui ont avant tout une activité de service : la Tech au service du Service.

Outre les principaux challenges auxquels doivent faire face les start-ups, leur futur va également se définir par le dynamise du marché M&A. La France dispose d’atouts non-négligeables : un parc immobilier attractif et la plus forte activité touristique au monde. Ainsi, certaines PropTech françaises, de part leur ancrage français, devraient intéresser les mastodontes internationaux. Dans cette logique, Luckey a été racheté par AirBnB fin 2018. Nous croyons aussi à une consolidation du marché à l’échelle “franco-française”. Nous parlions tout à l’heure de la nécessité d’atteinte d’une taille critique : cela passera pas des acquisitions entre acteurs français. Dans cette logique, GuestReady a acquis son concurrent BnbLord en avril 2019.

Quelques mots pour conclure

Environ 500 PropTech en France. Une grosse centaine a déjà levé plus de 500k€. Des financements beaucoup moins importants qu’aux USA mais un attrait croissant des investisseurs. Quelques gros acteurs français devraient pouvoir émerger sur la scène internationale (soit en croissance organique avec un recours à des sources abondantes de financement, soit via des acquisitions externes, soit via l’adossement à des acteurs puissants). Beaucoup de petits acteurs ne pourront malheureusement pas survivre dans cette jungle des PropTech. Ne pas oublier que dans ce combo grammatical qui a formé le concept de PropTech, il y a “Prop” avant “Tech”.

Merci pour votre lecture.

Julien Durand & François Lehuédé — Entrepreneur Venture

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