Adopter le statut de “société à mission”… quand on l’est déjà ? Ch.II: les statuts

Elodie Melliere
Entreprises à mission
7 min readJul 9, 2019

Retour sur le chapitre I (voir ici — sa lecture préalable peut être utile).
Il y a 2 semaines nous nous étions lancés dans cette démarche : mettre en œuvre le statut de “société à mission” sur le cas d’ Officience.
Nous partagions le désir de contribuer à faire avancer le monde de l’entreprise autour d’un enjeu majeur : remettre le sens au cœur de celle-ci. Or la loi Pacte, toute fraîche, semblait une avancée majeure, sous réserve que sa mise en oeuvre soit réussie.
Quoi de mieux qu‘ une organisation “vivante” comme Officience pour faire un cas d’école sur le statut de société à mission? Officience ne se définit en effet que par les individus qui la constituent et les causes qu’ils portent : nous avions donc pensé que ce serait facile… En fait non.

En particulier, la lecture du texte de la loi Pacte nous avait rappelé combien le formalisme juridique français entourant l’entreprise est tristement rigide, centré sur l’objet, sur la planification, le contrôle, etc. Bref, considéré sous cet angle, ce cadre parait tout à fait inadapté à Officience comme à toutes ces organisations opales/ libérées/ vivantes (en référence au livre “Reinventing Organisations” de Frederic Laloux), annonciatrices à nos yeux du monde du travail “de demain”.
Alors quid ? Continue-t’on de “faire avec” ce formalisme contraignant, comme hier ? Ou bien tentons nous de le pousser plus loin pour le mettre au service du réel ? C’est l’option que nous avons choisie: plus ambitieuse, plus motivante :) Par moment il a fallu jouer du chausse-pied.

Comment inscrire sa Raison d’Être dans les statuts d’Officience ?
Et pourrait-on en profiter pour mieux y refléter son paradigme Opale ?
Ci-dessous nos réflexions et avancées. Cela nous aura pris du temps: deux réunions in fine.

Duc ouvre son ordinateur et modifie en direct les statuts d’ Officience en commençant par la première partie, intitulée jusqu’ici : “ Forme — Objet — Dénomination sociale — Siège social — Durée ”…

Formuler Raison d’Être et Objectifs

Raison d’Être — facile !

Chez Officience, la Raison d’Être est partout, et c’est 5 causes:

“- Le développement du Vietnam
- Un progrès positif au service de la mondialisation
- Le juste partage de la valeur créée par chacun
- Le développement durable
- Le partage du savoir”

Mais dites, Duc, Xuân Ngân, Nam Phuong : comment être certain qu’elles sont vraiment portées les fameuses 5 causes d’Officience ? qu’elles représentent ce que désirent les individus de la communauté Offy aujourd’hui ? et ce qu’ils font concrètement ?

“Notre Raison d’Être est évolutive donc si la communauté ne s’y retrouve pas, on les changera ces statuts! ”

OK voilà qui est simple donc :)

Objectifs sociaux et environnementaux — ennuyeux…

Les “objectifs”, Officience n’aime pas : ça contraint le vivant !

Par ailleurs si on vise quelque chose chez Officience, c’est que les individus portent activement leurs “causes”, qu‘ ils les incarnent dans des projets, des actions concrètes, et que cette communauté d’individus qui portent ces causes, s’étende toujours davantage …

“Faire que les gens puissent être eux-mêmes dans leur travail, qu’ils puissent agir pour les “causes” qui leur importent, ça peut pas être ça nos objectifs ?”

Hélas non, cela ne semble pas dans l’esprit de la loi Pacte, qui exige des “objectifs sociaux et environnementaux”. Il nous paraît logique alors d’expliciter dans ceux-ci l’impact de nos “causes” sur les plans sociaux et environnementaux. Et c’est donc sans conviction que Duc rédige ces “objectifs” — assurément non “SMART” — qui explicitent la Raison d’Être exprimée :

“- Créer de l’activité économique et élever le niveau d’éducation du Vietnam
- Favoriser un développement des nouvelles technologies au service du bien commun
- Encourager et soutenir les entrepreneurs sociaux et solidaires
- Développer une conscience écologique et replacer l’humain dans une niche écologique durable
- Promouvoir la circulation des connaissances, l’éducation et les mouvements ouverts (open source, open data)”

Plus intéressant: un article sur la mission!

Nous nous questionnons : comment faire apparaître cette “wholeness”, dont parle si souvent Duc et qui est au cœur de la façon dont Officience sert ses causes? Elle nous parait clé, bien davantage que les objectifs ci-dessus ! Nous ajoutons donc cet article dédié :

“Servir la Raison D’Être consiste à :
- Étendre la communauté des personnes sensibles à la Raison d’Être et relier les individus touchés par la Raison D’Être entre eux ;
- Encourager la prise d’initiative des individus autour de la Raison d’Être en respectant leur propre souveraineté ;
- Favoriser l’émergence et le développement de projets au service de la Raison d’Être”

Il nous reste cette question, relative à la loi Pacte : pourquoi un tel article n’y a-t-il pas été prévu ? Pour Duc, celui que nous venons de rédiger devrait être inclus dans la loi tel quel, car à ses yeux une entreprise “à mission” ne peut avoir d’autre mission que celle que nous venons d’énoncer…

“La clé pour sauver le monde c’est la posture individuelle, la “wholeness””

Refléter le “vivant” dans les statuts

Ayant donc posés “Raison d’être”, “Mission” et “Objectifs”, nous revoyons désormais l’ensemble de cette partie des statuts qui décrit ce qu’est Officience.

Au service de la Raison d’Être

C’est une évidence pour nous depuis le début: la Raison d’Être sera le 1er article des statuts. Nous plaçons donc les nouveaux articles en amont de ceux figurant dans les statuts actuels :

Le contraste entre les intitulés de ces articles me frappe.
Les nouveaux (“Raison d’Être” et “Mission” du moins) expriment quelque chose qui provient de l’”intérieur”, au contraire des intitulés pré-existant (“Forme”, “Objet”, “Dénomination”, “Siège social”, “Durée”), qui posent principalement des contours, des frontières, des limites par rapport à l’”extérieur”. On appelle d’ailleurs une entreprise une “boîte”… Voilà qui illustre bien la façon dont on se définit dans notre monde occidental: en “contre”.
Si la loi Pacte invite à exprimer le “vivant”, il subsiste que celui-ci doit pouvoir être contenu dans une “boite”.

Nous abordons sans entrain donc la relecture de ces articles , souhaitant a minima en réduire les effets potentiellement contraignants.

Forme: des alternatives envisagées

Officience est aujourd’hui une SARL. Nous préférerions une association loi 1901… Mais générer du business avec de grands groupes est injouable ainsi — “ça fait pas sérieux”.
A défaut de trouver mieux dans l’immédiat, nous ne changerons donc rien.

Plus important: cette forme n’englobe que les salariés de l’entreprise Officience. Quid de la tribu “Offy”? Nous souhaitons l’inscrire dans ces statuts, le salariat porté par la société Officience n‘étant à nos yeux qu’une modalité pratique particulière pour certains membres de la tribu. Notre première idée est d‘ ajouter un chapitre “forme étendue” à cet effet, en amont de cette “forme juridique”. Mais in fine nous arriverons à une solution plus réjouissante, expliquée plus bas…

Objet: élargi !

La formulation de cet objet est un enjeu important pour la plupart des entreprises, et ça l’est d’autant plus en mode “vivant”: comment y inscrire la diversité des activités qui pourraient y être créées, en phase avec la Raison d’Être de l’entreprise? Chez Officience, notamment avec la communauté Officare à Paris, cette diversité est grande!

Les objets figurant dans les statuts actuels d’ Officience, déjà très larges, suffisent aujourd’hui. Cela dit, pourquoi ne pas englober dans cette définition toute activité pouvant émerger au service de la Raison d’Être ? Duc insère donc un nouvel alinéa dans l’article :

“La société a pour objet, en France, en Union Européenne et à l’étranger :
- L’exécution de la mission
précisée à l’article 3,
- La production de service informatiques, […]”

Les Personnes … dans la Raison d’Être!

Il faudra quelques jours et une nouvelle réunion pour que je formule et partage avec l’ équipe mon inconfort vis à vis de la façon dont nous définissions ainsi Officience dans ces statuts re-rédigés. Nous avions exprimé le “vivant” avec 5 causes et une mission … mais il y manquait l’essentiel: les personnes.
A l’image de ce travers général de notre société où on définit le travail le plus souvent par ce qu’il produit, réduisant ainsi la personne qui travaille à un outil au service de cet objet… Notre expression laissait entendre quelque chose d’analogue, l’ objet ayant été substitué par ces 5 causes.

Or chez Officience, ce sont bien les personnes qui définissent ces causes portées par le collectif, qui déterminent les actions, décisions, etc dans lesquels elles souhaitent les incarner … et non pas l’inverse.

“Ce qui devrait définir une “organisation” ce sont les individus et la raison d’être qui les rassemble”

Nous avons donc osé réunir dans un seul et même article, individus, collectif et raison d’être. Après quelques allers retours, portant sur l’articulation entre personnes, collectif et causes, nous sommes aboutis à la rédaction suivante de l’article sur la Raison d’Être d’Officience :

“ Toutes les personnes physiques se reconnaissant dans au moins une des causes de la Raison d’Être ci-dessous, sans être en contradiction avec aucune d’entre elles :
-
Le développement du Vietnam
- Un progrès positif au service de la mondialisation
- Le juste partage de la valeur créée par chacun
- Le développement durable
- Le partage du savoir
peuvent se reconnaître dans la tribu Officience.”

A ce stade, nous sommes assez fiers de nos avancées !

Cette rédaction passera t’elle juridiquement? Nous n’en sommes pas certains, et aucun de nous n’est compétent: un avocat voudrait il nous aider?

Surtout, ces nouveaux statuts conviendront-t-ils à la communauté Offy ? Nous les partagerons prochainement avec salariés et membres de la communauté Officare.

Par ailleurs il nous faut encore clarifier ces fameuses “modalités de suivi” que nous impose la loi Pacte, et également les inscrire dans les statuts.

Suite dans le prochain article…

--

--