A Moody Christmas : Noël au balcon

EPISODE
EpisodeMagazine
Published in
3 min readDec 22, 2016
Article initialement paru dans Episode, le magazine web de toutes les séries par ARTE

Autour du sapin, mais sous le soleil exactement, A Moody Christmas fait des bonds dans le temps pour dérouler, sur six ans, les lignes de vie d’une famille australienne gentiment déjantée.

Illustration par Mélodie Baschet

Faut-il en déduire que les repas de famille sont plus faciles à digérer quand on les passe en chemisette ?

Si vous deviez faire deviner le concept de Noël au Time’s Up, il y a de grandes chances (une fois mise de côté la tentation de mimer les boules du sapin) pour que le mot neige vous vienne assez vite à l’esprit. Et c’est sans doute la preuve que vous n’avez jamais passé cette période de l’année en Australie. Car là-bas, les bonhommes de neige sont l’équivalent du yéti, voyez-vous. On a envie d’y croire, mais en vrai, on n’en a jamais vu. Bref, il fait chaud, quoi. Faut-il en déduire que les repas de famille sont plus faciles à digérer quand on les passe en chemisette ? Pas si sûr.

La recette de la bûche australienne

On aurait tôt fait de voir en A Moody Christmas une simple délocalisation des duels inter-générationnels au soleil, où Mamie reproche à ses petits enfants d’être un ramassis de zazous pendant que le tonton bourré dévoile ses penchants racistes au détour d’un coq au vin trop arrosé. Car la vraie spécificité de cette série saisonnière créée par Trent O’Donnell et Phil Lloyd en 2012, c’est son dispositif temporel, proche de l’anthologie. Chaque épisode de la série raconte un Noël de cette famille, sur six années consécutives. Entre chaque épisode s’écoule ainsi une année durant laquelle les personnages ont tout le temps d’évoluer, disparaître ou se réinventer. La famille Moody (ceci est un jeu de mot : “moody” veut dire “bougon”) s’appuie sur une recette des plus classiques : non-dits, rivalités, homosexualité refoulée, promesses non tenues, espoirs déchus. C’est un peu l’équivalent dysfonctionnel du gâteau au yaourt. On ne se supporte pas plus de cinq minutes mais on ne peut pas se passer les uns les autres : quand l’insociable sociabilité rencontre la fête à la maison… Bref. Au milieu de ce magma d’affection mal dosée, on trouve Dan Moody (interprété par Ian Meadows), photographe australien exilé à Londres pour qui le retour au pays s’annonce toujours un peu anxiogène — de la difficulté d’être l’élément normal dans une galaxie de doux dingues — jusqu’à ce que la petite amie de son cousin lui tape tout simplement dans l’oeil et lui fournisse une bonne raison de répondre présent quand sonne le rassemblement des troupes.

Ouvert les jours fériés

Comme un lointain écho aux banquets d’Astérix, il n’est point de problème, ici, qu’une bonne partie de cricket ne suffise à résoudre

Enfin, qu’on se rassure : comme un lointain écho aux banquets d’Astérix, il n’est point de problème, ici, qu’une bonne partie de cricket ne suffise à résoudre. Rien à voir avec Festen ou The Slap(autre succès sériel local) : la tension s’évacue d’un sourire et l’on se quitte toujours bons amis. D’où, sans doute, le succès populaire rencontré par cet album de famille dont une deuxième saison a vu le jour en 2014 sur la base d’un dispositif similaire (un épisode = un jour férié de l’année) mais sous un titre différent (The Moodys). En attendant peut-être la transposition américaine, qui avait été amorcée par la Fox avant d’être abandonnée, A Moody Christmas constitue le vaisseau spatio-temporel idéal pour ceux qui rêveraient de s’évader à l’occasion des fêtes de fin d’année : les Pères Noël s’y déplacent en tondeuse à gazon, Jésus ressemble au Big Lebowski, les moutons font office de rennes, les sapins sentent le chlore, les cadeaux finissent à l’eau, et tout le monde se dit I Love You avec un accent à couper au couteau.

Romain Monnery — Illustration de Mélodie Baschet pour Episode/ARTE

--

--