La politique d’ouverture des données de transport : le cas de Paris

Extraits choisis du dossier “Les politiques d’ouverture des données de transport à Lyon, Paris et Rennes”, Décembre 2016. Dossier rédigé avec Vincent Arnulf (cas de Rennes) et Léo Kahn (cas de Lyon).

Perrine Gernez
Essais sur la ville intelligente
18 min readDec 22, 2016

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Les revendications de la société civile trouvent des relais médiatiques

À Paris, c’est par l’activité d’un tissu associatif d’hackers et d’activistes qu’est impulsée la dynamique d’ouverture des données. En marge des pouvoirs publics, l’association Regards Citoyens est approchée en 2009 par Silicon Sentier, une association promouvant l’entrepreneuriat numérique et soutenant les entrepreneurs dans un espace de travail ouvert et collaboratif dédié — devenu aujourd’hui le NUMA, tiers-lieu et accélérateur emblématique du numérique à Paris — , et avec la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération), au premier Open Data Camp français, qui a lieu à l’espace de coworking La Cantine. Il s’agit notamment, sous forme d’ateliers, de rendre visible, par des graphes et des cartographies, la distribution de l’activité parlementaire ou bien de proposer le développement d’API permettant de rendre accessibles les données publiques. Réunissant de manière autonome 120 personnes autour d’un sujet encore inconnu des autorités publiques, l’événement touche un très large panel d’acteurs — chercheurs, industriels et militants politiques — , et bénéficie d’une importante couverture médiatique. Dès lors, une dynamique s’enclenche, participant de la diffusion d’une culture commune fondée sur des principes tels que la neutralité du net (FING, La Quadrature du Net) ou la transparence politique (Regards Citoyens). La communauté essaime par des associations qui se spécialisent et acquièrent une valeur ajoutée technique précieuse pour l’acteur public : c’est le cas de l’association Veni Vidi Libri, une communauté d’aide au choix de licence pour l’ouverture des données, avec qui la Ville de Paris a pu traduire et adapter la lience ODbL.

La vitalité de cette communauté ne passe pas inaperçue : en juin et décembre 2010, Jean-Louis Missika, adjoint au Maire de Paris en charge de l’innovation, de la recherche et des universités, inscrit la question de la création d’un portail open data à l’agenda des délibérations du conseil municipal. Paris ouvre son portail opendata.paris.fr le 27 janvier 2011, devenant la deuxième ville française à se doter d’un tel dispositif. Si ces premiers éléments ne consacrent que la nécessité d’ouvrir les données en général, les données produites par les transports sont un sous-champ naturel de l’open data, en ce qu’il s’agit d’un service public fortement mobilisé dans les discours des politiques locales françaises.

L’absence de discours unifié sur la thématique des données de transport

Pour le cas de la région parisienne, notre analyse du discours politique produit par les acteurs se fonde sur les déclarations des responsables des différents organismes en présence. La juxtaposition de ces éléments de langage permet de mettre en lumière la prise de conscience partagée d’un impératif d’ouverture des données de transports, pilotée par l’acteur public.

La coloration pragmatique de ces discours témoigne d’une réflexion importante sur les risques encourus en cas de mauvaise gestion de l’ouverture des données : des tensions avec les acteurs privés se nouent autour de ces questions. Sur la question des données Vélib’, Jean-Louis Missika, adjoint à la Maire de Paris, explique qu’ “on ne parlait pas encore d’Open Data à cette époque. Nous étions co-propriétaires des données avec JCDecaux, cela compliquait la mise à disposition des données”. L’ouverture se heurte donc simultanément à la question de la propriété des données publiques, et aux finalités-mêmes de leur ouverture. Si pour l’acteur public, il s’agit en premier lieu d’améliorer les services publics pour leurs utilisateurs, comme adapter le trafic et gérer les flux de transports en temps réel, les acteurs privés, percevant les bénéfices qu’ils pourraient dégager d’une valorisation des données, cherchent à s’en emparer. Ce que dénonce Jean-Louis Missika : “ on peut craindre que le compteur intelligent Linky n’aille pas dans la bonne direction, car il est tourné vers le distributeur et pas assez vers l’utilisateur”. Pour le STIF, représenté par Olivier Vacheret, responsable des informations numériques, la menace de l’arrivée d’un acteur privé monopolistique sur ce marché de l’open data est encore plus grande : « si l’on n’ouvre pas nos données, Google les reconstituera ”. Avec pour risque le dévoiement de la neutralité de l’informations aux voyageurs.

Ces discours s’appuient sur des représentations stables des bienfaits qu’est censée procurer l’ouverture des données : l’adaptation du trafic routier en temps réel permettra de décongestionner les villes et rendre les transports en commun plus fiables, plus sûrs, contribuant à la réduction de la pollution sur le long terme. L’optimisation des systèmes de transport serait également le vecteur d’une image méliorative de Paris en tant que ville-monde : une ville moderne, globale et favorisant l’innovation aussi bien que l’empowerment de ses citoyens. Une mise à l’agenda en découle, où la Ville de Paris prend des engagements internationaux sur la réduction des émissions de gaz à effets de serre, sur la base de développement d’outils numériques comme l’expérimentation de capteurs de niveaux de pollution dans les gares, dont les données sont ouvertes, servant de fait de témoin de l’action publique. Dans ce cas, la publicisation permise par une stratégie open data devrait servir, sur le long terme, d’attirer des investissements sur son territoire.

La coordination nécessaire de plusieurs acteurs publics

La gouvernance des transports en région parisenne présente une configuration particulière, qui impacte significativement la structure d’opportunité pour la mise en place d’une politique coordonnée d’open data. Si la compétence de l’ouverture des données revient à son AOTU, le STIF, la propriété des données est éclatée entre les différents acteurs : le STIF, la RATP, la SNCF et la Ville de Paris disposent chacun de leurs propres jeux de données, qu’ils mettent à disposition de manière différente. Alors que la Ville de Paris, avec ParisData, et le STIF, avec data.stif, tentent de coordonner l’ouverture de leurs données, les opérateurs, qui ont un poids historique très fort dans la gouvernance des politiques de transports en Île-de-France, possèdent également leurs propres portails, interdisant la mutualisation des coûts et infrastructures liés à l’ouverture des données. La région Île-de-France se distingue donc par une “constellation de sites” qui rendent la mutualisation d’autant plus difficile que les portails n’harmonisent ni les licences utilisées, ni les formats des jeux de données disponibles.

La redéfinition de la gouvernance métropolitaine et économique accentue les conflits institutionnels

La redéfinition de la gouvernance à l’échelle métropolitaine forge des concurrences nouvelles entre les acteurs institutionnels — la Ville de Paris vis-à-vis de la Métropole du Grand Paris — et entre les opérateurs historiques entre eux.

Pour la Ville de Paris, comme l’analyse du discours politique qu’elle produit a permis de le montrer, la politique d’open data répond autant à une logique de service aux usagers — sur le cas de Vélib’ par exemple — que de développement économique par l’encouragement de l’innovation sur le territoire. Dès l’issue des élections municipales de 2014, Anne Hidalgo affiche une volonté forte de différenciation par une prise en main de la politique parisienne d’open data, par opposition à la Région, dont il est pressenti qu’elle pourrait vivre une alternance politique lors des élections de 2015. À cela s’ajoute la création de la Métropole du Grand Paris en janvier 2014, qui convainc la Ville de Paris de renforcer une politique d’open data autonome, alors même qu’il serait pertinent d’uniformiser largement la politique d’ouverture des données — notamment de transports — à l’échelle de la région urbaine.

Alors qu’il apparaît que la MGP pourrait s’en saisir du fait de sa compétence en “actions de développement économique, sous réserve de leur sujétion à l’intérêt métropolitain”, la Ville de Paris met en place une stratégie d’empêchement et développe activement sa politique d’open data par le biais d’instruments spécifiques.

Le STIF cherche par ailleurs à s’imposer comme l’autorité compétente pour l’ouverture des données de transports, et son portail open data annonce depuis le 10 novembre 2015 l’objectif de “regrouper les données du STIF, de tous les opérateurs de transports en commun de la Région Île-de-France (75 entreprises), ainsi que des informations de mobilité telles que le vélo en libre service, l’autopartage ou le covoiturage” et “souhaite valoriser les données de mobilité.”

En outre, la question des données n’est pas encore tranchée dans le cadre du projet du Grand Paris Express, piloté par la Société du Grand Paris. Bien qu’il comporte des objectifs de fiabilité des transports et de réduction de l’empreinte énergétique, les documents de planification opérationnelle ne font aucune mention des données qui seront générées par les utilisateurs du réseau du Grand Paris Express, qui permettraient pourtant de répondre en partie aux objectifs affichés.

La RATP et les données temps réel : la résistance d’un opérateur historiquement puissant

L’organisation des transports en région parisienne est issu d’un héritage spécifique qui dessine des formes de “dépendance au sentier” dans le rapport entre l’autorité organisatrice (le STIF) et les opérateurs, en particulier la RATP.

Créé en 1949, l’opérateur est l’agrégation consolidée de multiples sociétés de transport sur le territoire parisien. Le Syndicat des Transports Parisiens (STP, futur STIF) est lui fondé en 1959, et les élargissements progressifs de son périmètre d’intervention lui permettent de devenir un acteur majeur des politiques publiques de transports en Île-de-France. Un droit de regard sur les investissements en infrastructures et le fait qu’il perçoive et gère la manne financière du Versement Transport à partir de 1971, lui permettent de développer ses capacités d’intervention. Par ailleurs, la décentralisation du STIF est actée en 2005 : la présidence passe des mains de l’Etat à celles de la Région.

Le décret du 6 juillet 2000 pris en application de la loi SRU remplace les conventions du STP par des contrats d’exploitation pluriannuels fondés sur des objectifs de rendement chiffrés, passés entre le STIF et la SNCF ou la RATP. La nouvelle architecture institutionnelle ouvre la voie à l’instauration d’un nouveau rapport de force entre l’AOT et les opérateurs. Les compétences du STIF sont renforcées en matière de gestion économique — au-delà de sa compétence initiale en matière de tarification -, mais la RATP bénéficie encore d’asymétries d’information importantes, assises sur une longue expérience d’exploitation monopolistique de ses lignes. La RATP se distingue donc par sa capacité d’influence, et donc de résistance à la mise en place de politiques pouvant menacer ses positions.

Cependant, l’opérateur doit faire face au défi de l’ouverture à venir de ses marchés franciliens à la concurrence dont le calendrier est défini dans la loi du 8 décembre 2009. La nouvelle donne de cette compétition entre opérateurs est déjà visible sur le projet du Grand Paris Express, qui cristallise toutes les tensions. Une compétition économique s’installe ainsi mécaniquement avec la SNCF, dont la filiale, Keolis, accuse le législateur d’avoir favorisé la RATP lors des modalités d’ouverture des marchés du Grand Paris Express à la concurrence. Pour la RATP, opérateur historique, l’enjeu est donc de conquérir des marchés, en développant notamment une offre globale de services sur la “ville intelligente”. Cette démarche coïncide avec l’arrivée en 2015 d’Elisabeth Borne à la tête de la RATP, qui a défini de nouveaux objectifs prioritaires pour l’EPIC : en particulier, le chantier n°8 “offrir de nouveaux services personnalisés et digitaux” reposant nécessairement sur une stratégie de valorisation des données sur les flux en temps réel, et sa participation au développement de démonstrateurs industriels, dont Rêve de scènes urbaines à Plaine Commune dans le cadre de l’appel à projets DIVD du ministère de l’Écologie.

La RATP est donc un opérateur pour qui la question des données, notamment temps réel, est devenue un enjeu stratégique et communicationnel majeur. Sur la base de la position de force historique qu’il occupe en région parisienne, l’opérateur est en mesure de mobiliser des ressources importantes autour des enjeux liés à l’ouverture de ces données, ce dont témoigne l’épisode du conflit ouvert qui s’est déclenché au printemps 2016 à l’initiative de la startup londonienne Citymapper.

Le produit principal de Citymapper est une application mobile de mobilités urbaines, proposant un service de navigation multimodal optimisé selon l’état du réseau et le trafic en temps réel. En janvier 2016, elle est présente dans 29 métropoles à travers le monde et a levé 50 millions de dollars en cumulé, ce qui lui confère un poids économique susceptible d’engager un conflit avec la RATP. En concurrence directe avec l’application de la RATP, Citymapper dénonce l’absence d’ouverture des données temps réel de la RATP, en mobilisant notamment la comparaison internationale : Jean-Baptiste Casaux, en charge du développement international de Citymapper, demande en novembre 2016 un “accès de qualité aux données, comme c’est le cas à Londres ou à Moscou”.

Le conflit entre la RATP et Citymapper a connu sa couverture médatique maximale au mois de mars 2016, lorsque, sans accès direct aux données Citymapper a fait le choix de rediriger ses requêtes sur le site de la RATP, menaçant le site de l’EPIC d’une attaque par Denial of Service (DoS) ou déni de service, en saturant le réseau et les serveurs, quitte à rendre le site internet inaccessible. La RATP a bloqué l’adresse IP de Citymapper pour éviter la pérennisation de ces attaques, justifiant son acte par son intention d’investir massivement dans les infrastructures techniques, avec pour objectif d’ouvrir ses données en temps réel à la fin de l’année 2016. L’entreprise Citymapper a riposté en réinvestissant des pratiques de mobilisation à multi-échelles pour faire pression sur la RATP, par le biais d’une pétition sur le site Change.org le 9 avril 2016. S’appuyant sur les 1,2 millions d’utilisateurs quotidiens de son application à Paris, elle avait recueilli 12 300 soutiens au 14 avril, à destination du ministre de l’économie, de la présidente de la Région, ainsi que de la maire de Paris.

L’éclatement du conflit ayant débouché sur des positions antagonistes de la RATP et de Citymapper, la normalisation est attendue du législateur qui a signifié à deux reprises en 2016 l’obligation de principe pour les opérateurs de transport d’ouvrir leurs données. Plus précisément, ce sont les décrets d’application de ces lois qui trancheront. Dans un article de communication institutionnelle posté via le compte Twitter officiel du Groupe RATP, l’opérateur exprime la crainte de voir toute la valeur accaparée par les géants du numérique, sans contrepartie. Cet article, rédigé sous la forme d’une foire aux questions, révèle la stratégie en trois points développée par la RATP, et très largement suivie par l’UTP dans ses prises de position :

  • gagner du temps en invoquant le “respect du calendrier et du cadre légal” comme essentiels pour assurer une ouverture réussie et équitable des données ;
  • imposer une redevance aux plus gros utilisateurs, afin qu’ils contribuent à couvrir les coûts de mise à disposition des données et que ceux-ci ne pèsent pas sur le contribuable ;
  • exiger une licence ODbL afin de garantir que les réutilisateurs “jouent le jeu de l’open data”.

De la résolution de cet épisode de conflit archétypal résultera certainement la configuration définitive du panorama de l’open data des transports en commun en région parisienne.

Le périmètre des données ouvertes à Paris : une comparaison des portails

Typologie des périmètres des données ouvertes relatives aux transports en commun et mobilités à Paris effectuée à partir de la comparaison des portails open data

Ce tableau nous fournit une matière riche qui mériterait d’être affinée. Il retranscrit néanmoins une diversité certaine des données rendues accessibles qualitativement — données de localisation, tracés, comptages — sur les différents portails, des licences employées ainsi que de la pluralité des formats dans lesquelles ces données sont publiées, renforçant les problèmes d’interopérabilité entre ces jeux de données, et donc de croisement des informations et de la valorisation finale de ces données. Dans une enquête de 2014, Sybille Berjoan et Catherine Bouteiller expliquent :

“Paris est le champion des données informatives et géographiques [comparativement à 5 autres villes globales], mais ne met à disposition que 6% de données temps réel.”

Contre toute attente, on remarque que le STIF dispose du portail le plus fourni, ce qui en fait l’acteur le plus actif en la matière en ce qu’il est le seul à proposer également les jeux de données des autres acteurs. De surcroît, le portail opendata.stif annonce la mise à jour de ses jeux de données toutes les deux semaines, à un horaire fixe ; les autres portails effectuent des mises à jour aléatoirement tous les mois, semestres ou ans selon la nature des données.

Le portail opendata.stif apparaît donc être le réceptacle de la logique de compétition économique opérée par le STIF, alors même qu’il s’agit du seul acteur à ne pas être en concurrence économique avec les opérateurs de transport et la Ville de Paris.

Une interrogation subsiste sur le devenir des données archivées par l’ensemble des acteurs, dont le traitement est inégal selon les portails et, encore une fois, la nature des données.

Allouer des ressources humaines et financières dédiées

Sur le plan des ressources financières en elle-même, les budgets primitifs que nous avons pu nous procurer ne font pas mention d’une allocation spécifique aux coûts d’infrastructures générés par l’open data. Si la RATP affiche un besoin d’investissement de “centaines de milliers d’euros” pour la modernisation de ses serveurs, les chiffres restent flous pour les opérateurs de transport.

Par ailleurs, le développement et l’animation d’une plateforme d’open data a la particularité d’exiger des coûts d’investissements et de fonctionnement techniques relativement limités de la part des collectivités. En revanche, le rapport dirigé par Laurent Chevereau (CEREMA) identifie l’importance des moyens humains qu’il est nécessaire de consacrer à la mise en place, à la maintenance et à l’animation externe d’une telle plateforme, lesquels incluent des personnels dédiés à cette activité et des correspondants open data dans tous les services producteurs de données.

L’ouverture des données suppose donc une volonté politique d’y consacrer des moyens humains, et menace en même temps de se heurter à la réticence des services, dans la mesure où cette charge de travail supplémentaire est en grande partie absorbée par les agents déjà en poste.

En ce qui concerne Paris, des individus avec de fortes convictions et ambitions sont présents partout, formant un réseau de figures intervenant régulièrement dans les canaux médiatiques. On peut citer à ce titre l’action d’Elisabeth Borne, qui a su dès son arrivée à la tête de la RATP recruter des personnalités sensibles à ces thèmes (direction de l’innovation) ou Jean-Louis Missika, qui fait office de figure incontournable, publiant régulièrement des tribunes pour sensibiliser aux enjeux d’open data et de numérique dans le domaine des transports et a annoncé en juin 2015 le recrutement d’un Chief Data Officer à la Ville de Paris.

Développer des instruments réglementaires : le cas des licences

La région francilienne se distingue par la variété des licences de mise à disposition des données, au même titre que la diversité des portails open data de transports. La Ville de Paris et la RATP utilisent la licence ODbL version française, la première ayant concouru à son adaptation en France, et la seconde mettant l’accent sur l’exigence de réciprocité des réutilisateurs de données. La SNCF quant à elle utilise un large éventail de licences différentes, sans que l’on ne puisse déterminer ce qui préside au choix de la licence pour un jeu donné. La plus grande maîtrise de cet instrument licence revient au STIF, qui utilise trois catégories de licences en fonction des objectifs qu’il se fixe (ODbL, Etalab, Creative Commons). Cette stratégie qualifiée de dynamique dans le rapport Jutand, relève d’une logique d’open service, avec laquelle “les réutilisateurs peuvent adresser des requêtes au système Vianavigo et en recevoir des réponses”, conduisant par ailleurs le STIF à proposer une convention avec d’autres acteurs économiques comme Mappy, Urban Pulse ou Aéroports de Paris. Le STIF propose en outre un service comprenant des engagements de performance vis-à-vis des utilisateurs (tenues à la charge, fiabilité des services de transport), qui justifie le versement d’une redevance.

Par ailleurs, la Ville de Paris a développé un nouvel instrument réglementaire par le biais de la contractualisation : depuis 2014, tous les marchés publics passés par la collectivité comprennent une clause d’open data, avec en particulier un paragraphe qu’elle met à disposition des autres collectivités souhaitant suivre son exemple.

L’animation par la collectivité d’espaces de co-construction avec les acteurs privés et associatifs du territoire

La concertation avec les acteurs privés, à Paris, s’effectue essentiellement par le biais de l’animation événementielle et de l’externalisation des méthodes de recherche. Dans la continuité de l’Open Data Camp de 2009, des hackathons et autres week-ends d’ateliers de créativité accélérés sont désormais pris en charge ou co-organisés par les pouvoirs publics. En 2015, le concours OpenDataLab permet de valoriser la politique d’open data de la Ville de Paris comme de la RATP, en mettant des jeux de données à disposition, avec pour optique la création de nouveaux services. Membres du jury au même titre qu’un fonds d’investissement (Jaïna Capital), ou encore OpenStreetMap, l’hybridation transparaît dans les logiques d’affichage partenariale de ces entités. En 2016, la RATP s’est toutefois émancipée des services de la Ville en organisant son propre hackathon, le RATP UrbanLab, avec des jeux de données plus fournis et dans un but assumé d’externaliser sa recherche et développement. La réplique ne se fera pas attendre : et c’est au NUMA que la Ville de Paris a décidé d’organiser son projet de long terme, DataCity, pour 2017, auxquels participeront RATPDév et la SNCF, mais pas la RATP.

L’on retrouve donc à nouveau des difficultés d’hybridation avec la RATP en particulier, comme en témoignent deux exemples :

“L’application comme Paris-ci la Sortie du Métro, qui indique à l’usager dans quelle voiture monter pour descendre en face de la bonne sortie, n’a pas été créée avec les données de la RATP.”

“Si ZenBus, une application mobile créée par la start-up Joul qui permet de géolocaliser en temps réel les bus du réseau de transports urbains d’Issy-les-Moulineaux (TUVIM), a pu voir le jour, c’est parce que ce projet s’inscrivait dans le cadre d’une expérimentation cofinancée par la Région Île- de-France, en collaboration avec Grand Paris Seine Ouest, la Ville d’Issy-les-Moulineaux, la RATP et l’ENSTA ParisTech. En effet, faute d’accès aux données du SAE de l’opérateur de transport, Joul a dû les créer par ses propres moyens.”

La constitution de relations durables et productives avec l’écosystème numérique local est à la fois un objectif et une condition de visibilité pour les politiques d’open data, ce qui amène encore les collectivités à tester des instruments d’action publique nouveaux.

Par ailleurs, ce mouvement d’hybridation transverse à plusieurs territoires, ouvre la voie au développement d’un marché de l’open data et à l’émergence d’acteurs satellitaires en passe de se trouver en situation de monopole, à l’instar d’OpenDataSoft, entreprise française créatrice de portails d’open data pour la Ville de Paris, la RATP, la SNCF, le STIF, Keolis, ou encore le Durham County.

Bibliographie

Rapports

Francis Jutand. Mars 2015 Ouverture des données de transport. Rapport remis au Secrétaire d’Etat chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche.

Laurent Chevereau (dir.). Mars 2015. L’Open Data en collectivité à la lumière des données de mobilité. Cerema.

The Family. Janvier 2015. La transition numérique des transports en commun. Etude cofinancée par la Caisse des Dépôts et le Groupe La Poste.

Commission Européenne. 13 juin 2014. Towards a roadmap for delivering EU-wide multimodal travel information, planning and ticketing services. Commission staff working document.

Ouvrages et travaux académiques — généraux

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Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès. 2010. « Instrument », in Laurie Boussaguet et al., Dictionnaire des politiques publiques. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) « Références », (3e éd.), p. 325–335.

Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès. 2012. Sociologie de l’action publique. Armand Colin (2è éd.).

Vincent Simoulin., 2007. « La gouvernance territoriale : dynamiques discursives, stratégiques et organisationnelles ». Droit et société, vol. 44, pp. 15–32.

Ouvrages et travaux académiques — spécifiques

José-Michaël Chenu, « « Rêve de scènes urbaines » : le démonstrateur industriel pour la ville durable implanté sur le territoire de Plaine Commune (Seine-Saint- Denis) ». Annales des Mines — Responsabilité et environnement 2016/4 (N° 84), p. 60–64.

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Simon Chignard, Louis-David Benyayer. 2015. Datanomics : les nouveaux business models des données. FYP éditions.

Articles de presse et blogs

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Charles Foucault. Juin 2015. “”Paris va nommer un Chief Data Officer d’ici la fin de l’année”, révèle Jean-Louis Missika”. in Usine Digitale. Consulté le 3 décembre <http://www.usine-digitale.fr/article/paris-va-nommer-un-chief-data-officer-d-ici-la-fin-de-l-annee-revele-jean-louis-missika.N334779>

Claire Legros. Novembre 2016. “« Open data » : qui pilotera les villes de demain ?”. in Le Monde. Consulté le 3 décembre 2016 <http://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2016/11/23/ouverture-des-donnees-qui-pilotera-les-villes-de-demain_5036712_4811534.html>

Florence Guernalec. Avril 2016. “RATP-CityMapper : passe d’armes sur l’ouverture des données”. in MobiliCités. Consulté le 23 novembre 2016 <http://www.mobilicites.com/011-4950-RATP-Citymapper-premieres-passes-d-armes-sur-l-ouverture-des-donnees.html>.

Julien Duffé. Avril 2016. “Bras de fer entre l’appli d’itinéraires Citymapper et la RATP”. in Le Parisien. Consulté le 2 décembre 2016 <http://www.leparisien.fr/paris-75/bras-de-fer-entre-l-appli-d-itineraires-citymapper-et-la-ratp-14-04-2016-5715175.php>

La Revue du Digital. Avril 2014. “Paris mettra une clause d’Open Data dans tous ses appels d’offres”. in La Revue du Digital. Consulté le 3 décembre 2016 <https://www.larevuedudigital.com/2014/04/24/paris-mettra-une-clause-dopen-data-dans-tous-ses-appels-doffre/>

Lionel Steinman. Novembre 2016. “Grand Paris Express : Keolis lance l’offensive contre la RATP”. in Les Echos. Consulté le 3 décembre 2016 <http://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0211547827714-grand-paris-express-keolis-lance-loffensive-contre-la-ratp-2046924.php>

Prise de position institutionnelle

Groupe RATP. 11 avril 2016. “Open data : la RATP et la question des données de transport en temps réel”. Via Compte Twitter officiel du Groupe RATP. Consulté le 29 novembre 2016 <https://medium.com/@RATP/open-data-la-ratp-et-la-question-des-donn%C3%A9es-de-transport-en-temps-r%C3%A9el-5591b925e860#.d854rkku8>.

Sources juridiques

LOI n° 2015–990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (Loi Macron) : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030978561&categorieLien=id

LOI n° 2015–1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public (Loi Valter) : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031701525&categorieLien=id

LOI n° 2016–1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique (Loi Lemaire) : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=AF0810632C02A81AD1D2B83792B7A6B2.tpdila12v_1?cidTexte=JORFTEXT000033202746&categorieLien=id

Directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32013L0037

Sites institutionnels

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