Le platform cooperativism : éléments de langage

Note de cadrage produite dans le cadre du cours de Données Urbaines, par Régis Chatellier et Antoine Courmont

Perrine Gernez
Essais sur la ville intelligente
4 min readDec 16, 2016

--

Le platform cooperativism contre l’économie collaborative

Le platform cooperativism : définition

  • Le platform cooperativism est défini par Trebor Scholz comme une alternative positive et critique face à l’économie collaborative. Il propose de reprendre les services du platform capitalism (Uber, Airbnb…) considérés comme innovants mais peu respectueux des droits des travailleurs, en mettant en relation directe clients et vendeurs, grâce à une plateforme non plus détenue par une firme cherchant le profit mais par ses utilisateurs-mêmes.
  • Le platform cooperativism est donc lié à l’économie sociale et solidaire : il s’agit de développer des plateformes respectueuses des valeurs-mêmes de l’ESS sur internet, notamment sur des marchés locaux et/ou de niche, constituant des alternatives aux services proposés par les grandes entreprises américaines.

Le platform capitalism tel qu’exercé par Airbnb ou Uber n’est pas un secteur marginal mais un nouveau reflet du capitalisme dont il convient de relever les effets négatifs :

  • le changement dans les pratiques du digital labour est susceptible d’exclure les pauvres et de rendre les riches plus riches ;
  • s’opère alors une nouvelle forme d’exploitation, le crowd fleecing, où un contrôle centralisé s’exerce sur des millions de travailleurs en temps réel, et où les travailleurs deviennent dépendants de patrons virtuels (exemple d’Uber) ;
  • les garanties d’autonomie et de flexibilité dans le travail reportent les risques lourds (chômage, maladie…) sur les travailleurs qui, même qualifiés, restent sous-payés.

When building platforms, we cannot build freedom on someone else’s slavery. — Michy Mett.

Le platform cooperativism comme projet politique

Ces éléments de critique ouvrent dès lors la voie à un “people’s internet” avec 3 glissements à opérer :

  1. Effectuer le changement de la propriété : structurellement, en reproduisant la technologie de Uber ou Airbnb mais en faisant de tous les participants des détenteurs de la plateforme ;
  2. Établir une gouvernance démocratique : il s’agit d’un recadrage. Les concepts d’innovation et d’efficience sont maintenus, mais le bénéfice ne revient pas à quelques-uns, il revient à tous ;
  3. Revigorer la solidarité : en redistribuant les richesses au sein de la workforce, qui sort de l’anonymat en accédant à la propriété.

En résumé : pour H. Guillaud, l’enjeu principal réside en le dépassement de la tendance monopolistique des start-ups californiennes, ainsi que dans le développement de l’acceptabilité sociale de plateformes plus coopératives.

Actualités

L’actualité fournit plusieurs exemples de plateformes décentralisées, ou plateformes auxquelles on adhère par abonnement mensuel, qui relèvent donc du platform cooperativism.

Il s’agit d’évoluer vers un modèle de “produser”-owned platform, où les utilisateurs sont les producteurs et les protecteurs des normes et données, ainsi que les propriétaires de la plateforme.

10 principes qui trouvent un écho dans des initiatives récentes

  1. La propriété : ne plus détenir les biens mais les plateformes qui les gèrent ;
  2. La sécurité des revenus et un salaire décent : mesures d’encadrement diverses ;
  3. La transparence et la portabilité des données : à l’instar de la coopérative Fairmondo ;
  4. Appréciation et reconnaissance : un objectif de bien-être au travail promu par la Fabrique Spinoza ;
  5. Le co-determined work : associer les utilisateurs à la conception de la plateforme ;
  6. Un cadre légal protecteur : qui dépend surtout du rapport national au coopérativisme ;
  7. La protection du travail : à l’exemple de l’instauration du Compte Personnel d’Activité ;
  8. La protection contre les comportements arbitraires ;
  9. Le rejet d’une surveillance excessive des espaces de travail : et donc de l’organisation du travail telle que développée par UpWork ;
  10. Le droit à la déconnexion : en vogue en France depuis le rapport Mettling, consacré par la loi Travail adoptée en 2016.

Enjeux

  • Le financement à court terme pour le passage à la forme coopérativiste, qui entraîne des coûts de mise en place importants ;
  • La gratuité des logiciels à utiliser lors de la création ou du passage à la forme coopérative, avec pour corollaire la problématique du modèle économique puisque le crowdfunding à répétition n’est pas soutenable économiquement ;
  • L’interface utilisateur pour ce type de plateforme reste à inventer ;
  • La régulation de l’algorithme utilisé : un modèle démocratique est possible techniquement mais il exige des compétences techniques lourdes ;
  • De manière générale, l’orientation de la plateforme pour les communs et le rapport face au platform capitalism classique.

--

--