10 erreurs à éviter pour créer de bonnes énigmes

11 janvier 2020

Indiana Johan
Essentiel
12 min readJan 11, 2020

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Des jeux d’énigmes, avec le boom des escape games, on en voit de plus en plus : escape games en salle, sur table, en jeu de société, en livre, en ville avec les jeux de piste et autres chasses au trésor… on a droit à tout un panel d’activités pour notre plus grand plaisir.

Du plaisir oui… mais si les énigmes sont de qualité !

Pour qu’une énigme soit bonne, elle peut être amusante, agréable ou intéressante à résoudre… Les énigmes n’ont comme limite que la créativité de leur créateur, et il y a plein de façons de faire de bonnes énigmes.

Mais il y a aussi plein de façons de faire de mauvaises énigmes, en commettant des erreurs. Connaître les erreurs classiques permet de développer son sens critique au sujet des jeux d’énigmes auxquels on participe, et permet surtout de ne pas commettre ces erreurs quand on en crée soi-même.

Depuis quelques années je m’intéresse de près aux jeux d’énigmes en tout genre, et j’ai pu en tester des centaines. Dans tous ces jeux, l’intérêt des énigmes est pour moi le principal critère de qualité.

Et maintenant que je suis passé du côté conception, avec Un Trésor à Paris, je prends d’autant plus le temps d’analyser les erreurs que je rencontre pour les éviter au maximum dans mes propres créations.

Voici 10 erreurs que j’ai trop souvent rencontrées, et que j’aimerais partager avec vous.

1. Faire un jeu de logique

Génial, un sudoku……..

Les jeux de logique, ça n’est pas des énigmes.

Dans une énigme il y a une astuce à trouver : quand on la trouve, on reçoit une petite décharge d’endorphine qui nous motive à nous casser la tête.

Les jeux de logique, ce sont des jeux de réflexion dont la méthode de résolution est déjà connue. C’est donc bien moins excitant de les résoudre. On peut avoir du plaisir à résoudre un Sudoku, un Simon (le jeu de mémoire où il faut reproduire une séquence), ou un Démineur, mais dans un jeu d’énigme ce ne sera pas très original.

Il y a pourtant des façons élégantes d’utiliser des jeux de logique existants pour en faire des énigmes :

  • Dissimuler le jeu pour qu’il ne soit pas directement reconnu par les joueurs comme tel.
  • Changer les règles, pour qu’il faille réfléchir à nouveau.
  • Faire évoluer le jeu dans une nouvelle version.

Par exemple, pour renouveler l’intérêt du Rubik’s cube, il a été inventé la version Mirror Blocks qui, au lieu de faire repérer les faces par leur couleur, utilise des sous-cubes de formes différentes. Le principe de résolution est le même, mais la vision du cube est fortement perturbée, et cela devient un nouveau défi de résoudre le cube.

Une variante intéressante du Rubik’s cube, ou au lieu de mélanger les couleurs on change la forme

Attention par contre, car certains jeux de logique ne sont pas du tout faisables par les non-initiés, ce qui peut facilement créer de grosses difficultés pour certains joueurs. Le Rubik’s cube en est justement un parfait exemple, mais même les Sudoku peuvent poser problème à certains.

2. Plagier une énigme existante

S’il y a bien une règle d’or pour la création d’énigmes, c’est de ne pas copier une énigme issue d’un autre jeu. En le faisant, vous prenez le risque que vos joueurs aient déjà été confrontés à l’autre énigme, et que leur plaisir soit gâché.

S’inspirer d’énigmes existantes, c’est normal, mais il faut essayer de s’en éloigner suffisamment pour que la connaissance de l’autre énigme ne rende pas immédiate la résolution de votre énigme.

De plus, en terme de satisfaction personnelle, il est bien préférable de créer soi-même des énigmes originales que de copier celles des autres. C’est le plaisir de l’artiste qui a créé une œuvre d’art dont il est fier.

3. Les tâches laborieuses

Ma vie est tout à fait fascinante

Certaines tâches ne sont pas assimilées au jeu, mais au travail. Dès qu’une action est longue et sans intérêt, elle peut devenir pénible, et nuire au plaisir de l’énigme.

Une action sans intérêt par excellence, c’est la liste de choses à compter. Devoir compter jusqu’à 10, c’est raisonnable, mais jusqu’à 20, ça commence à devenir long. D’autant que compter, en soi, ne procure pas de plaisir : c’est juste une tâche mécanique sans valeur ajoutée.

Une solution est de faciliter le comptage, avec par exemple des groupes contenant le même nombre d’éléments (pour pouvoir faire des multiplications), une numérotation, des graduations, etc. Mais attention à ce que cette façon d’aider soit suffisamment évidente, car un joueur préférera souvent se lancer directement dans une tâche longue que de chercher une méthode pour lui faire gagner du temps.

Il y a le même problème quand une salle d’escape game commence dans le noir, et qu’on peut commencer à résoudre des énigmes sans allumer la lumière. Si le joueur n’arrive pas à allumer la lumière facilement, il sera tenté de commencer la résolution d’autres énigmes, et cette résolution sera bien plus laborieuse que s’il arrive à allumer la lumière.

Une autre chose laborieuse qu’on voit souvent, c’est de devoir chercher un élément dans une zone beaucoup trop grande. Dans ces cas-là, il faut soit réduire la zone de recherche, soit donner des indications de là où chercher. Mais sinon la recherche devient au bout d’un moment pénible.

De façon générale, lorsque c’est un même mécanisme qu’il faut répéter un grand nombre de fois, la tâche sera laborieuse, donc pas intéressante.

4. Les longs textes à lire

Lire, ça peut être très agréable, mais beaucoup de lecture dans le cadre d’un jeu d’énigmes, cela peut poser plusieurs problèmes.

Déjà concernant la lecture en tant que telle, certains textes ne sont pas agréables à la lire. C’est le cas quand il y a des fautes d’orthographe, que le style est maladroit, ou que le récit contient trop d’informations décousues difficiles à suivre.

Si le jeu est dans un format court, type escape game, sur 1h de jeu on n’a pas forcément envie de passer 10 min à lire du texte : il y a certainement plus intéressant à faire.

Dans le cas où le texte est en un seul exemplaire, cela oblige parfois une des personnes à lire pour les autres. Et si sa lecture n’est pas assez prenante, cela peut devenir compliqué pour les joueurs de se concentrer dessus.

Une alternative aux textes, ce sont les vidéos, qui sont souvent plus agréables à consulter et plus immersives.

Mais le pire avec un long texte, c’est si des informations importantes sont cachées dedans. Personne n’a envie de relire tout un long texte pour y chercher des informations.

Si des choses sont cachées, il faut soit qu’elles aient suffisamment été mises en avant par le récit, soit qu’on puisse rapidement les retrouver grâce à la mise en page (l’information est sortie d’un paragraphe) ou la mise en forme (le mot est en gras).

Inclure de longs textes dans un jeu d’énigme est donc à faire de façon réfléchie, en s’assurant que leur présence est un vrai plus.

5. Nécessiter des prérequis culturels

Une énigme ne devrait en théorie pas nécessiter de prérequis culturels, ou ne faire appel qu’à des choses très connues, pour s’assurer que la majeure partie des joueurs aient la référence.

Chercher à résoudre une énigme alors qu’on n’est pas en mesure de la résoudre parce qu’il nous manque une référence, c’est très frustrant. Le contrat implicite entre un joueur et le créateur d’une énigme, c’est que l’énigme soit résoluble par le joueur. C’est ce qui va permettre au joueur d’accepter de mettre toute son énergie pour tenter de la résoudre.

S’il s’avère qu’il ne pouvait en réalité pas la résoudre, il va avoir du mal à se réinvestir dans d’autres énigmes du même créateur qui auront le même risque.

Si des éléments de culture générale sont nécessaires, il faut s’assurer au moins une de ces choses :

  • L’élément de culture générale est vraiment très connu
  • Les éléments peuvent être trouvés par le joueur sur internet
  • L’énigme met à disposition du joueur les éléments de culture générale dont il va avoir besoin

Lorsque l’énigme est résolue en équipe, ça devient moins gênant, car les gens sont souvent complémentaires en termes de culture générale. Mais il y a toujours un risque.

6. Les énigmes trop simples

Les énigmes très faciles ne sont pas les plus intéressantes, car elles ne provoquent pas de grande satisfaction à être résolues. Un jeu dont les énigmes sont toutes trop simples n’est pas intéressant. Néanmoins ces énigmes, à petite dose, ont plusieurs intérêts :

  • Au début d’un jeu d’énigmes, commencer par des choses simples permet à un joueur de s’échauffer, et d’avoir plaisir à rapidement rentrer dans le jeu.
  • Après avoir passé beaucoup de temps à résoudre une énigme compliquée, une énigme simple permet de se redonner confiance en soi.
  • Les énigmes simples ont le bon goût de pouvoir se résoudre rapidement, et donc de ne pas ennuyer les joueurs trop longtemps.

La difficulté d’une énigme, c’est souvent très subjectif : certains arrivent à faire très rapidement des choses que d’autres trouvent très difficiles, et inversement.

La meilleure façon de jauger la difficulté d’une énigme, c’est de la faire tester par un nombre significatif de personnes aux profils variés. Si tout le monde trouve rapidement, l’énigme est sans doute trop facile, et a contrario si personne n’y arrive, l’énigme est trop difficile.

7. Les énigmes trop difficiles

Beaucoup de choses peuvent rendre une énigme trop compliquée :

  • une référence culturelle pas si connue
  • une grande quantité d’informations à traiter
  • les fausses pistes
  • une association d’idées pas évidente
  • une longue succession de choses à faire sans confirmations intermédiaires (exemple : plusieurs cryptages successifs complexes)

Il n’est absolument pas rare, surtout quand on commence à écrire des énigmes, d’en construire de trop difficiles. Car les astuces mises en place nous semblent évidentes à nous. Pourtant des choses évidentes pour nous peuvent très bien être très compliquées pour d’autres.

Les énigmes trop compliquées sont potentiellement bien plus gênantes que les énigmes trop simples, car elles peuvent devenir une grande source de frustration. Il est alors important que les joueurs puissent recevoir de l’aide pour ne pas rester bloqués indéfiniment. Mais si les joueurs ne trouvent rien par eux-mêmes, ils ne vont pas avoir beaucoup de plaisir à résoudre les énigmes.

Il suffit généralement, pour simplifier une énigme, d’ajouter des étapes intermédiaires à sa résolution. Les étapes ajoutées doivent évidemment rester subtiles sous peine de rendre l’énigme trop facile.

Résoudre une énigme ne doit pas devoir se faire par hasard, en trouvant la bonne astuce par chance. Chaque action à faire doit idéalement émaner d’une certaine logique, pour en faire une énigme élégante.

Il ne faut pas non plus pouvoir échouer sans être prévenu que ça peut arriver. Par exemple dans un cas où la place de certains objets serait importante pour résoudre une énigme, mais que les objets peuvent être réordonnés et faire perdre l’ordre initial permettant de résoudre l’énigme.

8. Les énigmes illogiques

Moi quand on m’explique une énigme, mais que ça n’est pas logique.

Il peut très bien y avoir plusieurs réponses logiques à une même énigme (avec des logiques différentes). Dans une énigme bien construite, la bonne réponse est la réponse la plus logique, et il n’y a pas d’ambiguïté avec plusieurs réponses. Une façon élégante de procéder est de faire en sorte que la réponse confirme automatiquement qu’elle est la bonne.

Quand un joueur trouve une réponse logique pour une énigme, et que cette réponse est en réalité fausse, ça n’est pas gênant, car il va juste chercher autre chose. Mais s’il s’avère que la vraie réponse est moins logique que celle qu’il a trouvée, il risque de grincer des dents.

Le pire étant le cas où un joueur, en connaissant la solution de l’énigme, ne la trouve pas logique. À ce moment on peut considérer qu’il y a un problème.

Si par exemple des éléments d’une énigme donnent très fortement l’impression d’être des indices, et qu’en réalité ils ne servent pas, c’est illogique. C’est également frustrant pour les joueurs de passer beaucoup de temps à réfléchir dessus sans qu’ils servent.

Comme pour la difficulté d’une énigme, le fait de la trouver logique ou pas est subjectif. C’est en demandant aux joueurs leur avis, après qu’ils aient résolu l’énigme, qu’on peut réaliser qu’une énigme est peut-être un peu trop tirée par les cheveux. Il faut bien évidemment demander à des gens qui ont un peu d’expérience en termes d’énigmes.

On peut également considérer comme illogique le fait de devoir faire une action assez complexe, sans avoir d’indication pour la faire. Si par exemple on doit combiner deux objets ensemble alors que rien ne l’indique, c’est une forme d’illogisme (et on rejoint le problème des énigmes trop difficiles).

9. Négliger l’aspect visuel

Cette erreur n’est pas la plus grave, car une énigme peut-être bonne même si l’aspect visuel est négligé.

Néanmoins une énigme pauvre visuellement renvoie une mauvaise image de l’énigme, et donne moins envie de la résoudre. Quand un créateur déploie peu d’énergie dans le graphisme de ses énigmes, le joueur peut à juste titre se demander si le contenu du jeu sera, lui, davantage travaillé.

De beaux visuels permettent de bien s’immerger dans les énigmes. Et ce n’est pas le cas lorsque l’énigme est faite au traitement de texte sans mise en forme (ce que j’appelle les énigmes sur Word).

Même chose côté escape game : les salles sans décoration où on voit les murs d’origine (ce que j’appelle les salles « Placo ») n’ont pas du tout bonne presse.

10. Ne pas bêta-tester une énigme

Si vous ne faites pas tester vos énigmes avant de les faire jouer, il y a de grandes chances pour qu’elles présentent des problèmes.

Il peut y avoir tout simplement des bugs (des erreurs dans l’énigme), ou des choses trop difficiles, voire impossibles à comprendre.

Il peut y avoir aussi de fausses pistes involontaires : des pistes qui semblent logiques et qui pourtant ne sont pas les bonnes. Si suivre une piste qui semble pourtant logique fait perdre trop de temps aux participants et que c’est pénalisant pour eux, c’est une erreur. Et ce type d’erreur est difficile à anticiper, d’où les bêta tests.

Les problèmes de conception sont monnaie courante, et revérifier soi-même ne suffit souvent pas. Faire tester à des gens acceptant de bêta-tester ses énigmes est un gage de qualité, et ne pas le faire sur un jeu qui accueille beaucoup de monde peut avoir des effets dramatiques.

Beta tester donne aussi l’occasion aux testeurs de corriger les photos d’orthographe. Un jeu avec des fautes d’orthographe donne évidemment une très mauvaise image, bien plus qu’un jeu dont les visuels sont pauvres.

En conclusion

Voilà j’ai fait le tour des principales fautes qui me semblent importantes d’éviter. Toutes ces erreurs peuvent sembler évidentes, mais on les rencontre malheureusement souvent. J’espère que ça pourra inspirer les créateurs d’énigmes, et qu’on les rencontrera moins.

Pour chacune de ces erreurs, il y aura toujours des gens que ça ne dérangera pas. Mais pour d’autres joueurs, ça posera fatalement problème. Le bon enjeu, c’est de faire des énigmes qui plaisent universellement, et pas juste à certaines personnes. Lorsque l’on cible des personnes en particulier, qui par exemple aiment la narration, ou réfléchir très longtemps, on peut détourner ces règles, mais il faut avoir conscience que l’énigme risque de ne pas plaire à une bonne partie des gens.

Si d’autres choses vous semblent importantes, n’hésitez pas à en parler en commentaire. Je suis intéressé par tous les retours que vous pourrez faire, et ça permettra d’en faire profiter d’autres lecteurs.

Ah oui et si vous êtes intéressés de voir comment ces règles ont été mises en application dans mes créations, venez donc participer à une des chasses au trésor de Un Trésor à Paris. Comme j’organise encore certains jeux, on pourra peut-être même en discuter de vive voix 😉

PS : Merci à mes relecteurs d’avoir bêta-testé cet article 🥰

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Indiana Johan
Essentiel

Créateur de Un Trésor à Paris / Découvrez la capitale en vous amusant : www.tresoraparis.fr