Ce que j’ai appris en automatisant des tâches ménagères

De mon robot aspirateur désobéissant à la création de mon app, découvrez mes hacks pour être plus productif à la maison.

Ahmed Men
Essentiel
12 min readOct 14, 2019

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Je peux passer des heures à mettre en place un automatisme qui va me faire gagner un centième de seconde par jour.

Parfois pas rentable pour un sou, mais tous les obsessionnels fous d’outil de productivité de mon acabit le ressentent secrètement : il ne s’agit pas que de gagner du temps, il s’agit surtout de se procurer une dose de plaisir… quand tout fonctionne comme prévu.

Sauf que cette fois-ci, le process que j’ai voulu mettre en place n’a pas pris quelques heures, mais quelques mois. Je me devais de donner quelques explications sur ma dernière obsession — et accessoirement ma disparition — à mon entourage.

Une après-midi presque ordinaire

Un colis Amazon. Un robot aspirateur. Oui, il s’agit bien de disrupter l’industrie du ménage à domicile avec ce charmant robot.

Sans même lire la notice, impatient d’en découdre, j’envoie Gandalf (personne ne se moque, iRobot impose de leur donner un prénom) opérer sa magie partout dans ma chambre.

Pas mauvais le bougre, on s’y attache vite.

Tellement que je commence à me faire du souci pour lui. Et s’il tombait par mégarde dans l’escalier ? Ce genre d’histoire avec un robot, ça te tombe dessus quand tu t’y attends le moins.

Apprendre à mieux communiquer avec un robot

Un colis Amazon. Des capteurs d’ouverture de porte. Oui, il s’agit bien de partager les données d’allée et venue de ma chambre à je ne sais quel fabricant chinois. Parfois, le sacrifice est à la hauteur de la cause, profitez-en les gars, c’est cadeau.

La logique est simple : IF la porte de ma chambre est ouverte THEN Robot aspirateur reste au repos. Ça lui évitera de tomber dans les escaliers le pauvre.

Humain et Robot aspirateur ne font pas bon ménage

On dit que l’amour dure trois ans entre humains… ça n’a duré que 3 jours avec mon robot. Il a beau être efficace, du bruit il en fait beaucoup trop.

C’est décidé, on fait appel à un médiateur, lui et moi on ne communique décidément pas le même langage.

On me recommande IFTTT (If this then that), qui permet de mieux communiquer — entre autres — avec des robots de son espèce. La médiation me permet de le faire taire en JavaScript.

Si vous rencontrez les mêmes conflits à la maison, voilà ce qu’IFTTT m’a permis de lui lancer mot pour mot en pleine figure :

Ça permet déjà de lui clouer le bec entre 21 h et 9 h. Bien, mais insuffisant. Il ignore toujours ma présence. J’installe donc un périmètre de sécurité. Dès que je sors d’un rayon de 5 km de chez moi, il s’active et peut se mettre à faire tout le bruit qu’il veut, ce n’est plus mon problème.

Avec notre médiateur, on a mis le consentement par écrit et chacun d’entre vous peut reproduire les mêmes conditions par ici :

J’ai découvert ensuite que Gandalf était équipé de capteurs de vide pour ne pas tomber dans les escaliers… Toujours lire la notice.

Et maintenant, à quoi bon avoir des capteurs de porte ?

Fini de partager les données de ma chambre avec la Chine. Je brouille les pistes. Il faut que je recycle ces capteurs et ma question préférée devient : qu’est-ce que je vais faire de tous ces capteurs ?

L’idée de la boîte aux lettres apparaît comme une évidence. Recevoir une notification à chaque fois qu’on a du courrier est une commodité à l’ère de l’email. Et pourtant… on ouvre nos boîtes aux lettres potentiellement vides quotidiennement.

Je suspecte que certains continuent à le faire sans broncher parce que « pas de nouvelle, bonne nouvelle » et célèbrent chaque journée sans facture. Mais j’y vois un process à optimiser et une potentielle dose de plaisir à l’horizon.

Un colis Amazon, une boîte aux lettres. Oui, je me suis fait livrer une boîte aux lettres dans ma boîte aux lettres.

J’ai pensé que ça ferait marrer mon facteur autant que moi, mais il reste de marbre.

Moment de solitude.

Je bricole un capteur à la boîte aux lettres, et ça marche :

The Boîte aux lettres was opened!

Parfait pour savoir à quelle heure exactement passe le facteur tous les jours 🕵️

Si toi aussi tu penses qu’on peut disrupter l’industrie du tracking colis et du recommandé avec ce début d’idée, contacte-moi, si tu ne me contactes pas et fais de cette idée une licorne je te respecte aussi. On s’entend sur le fait que les idées ne valent rien.

Bref, je me retrouve avec une autre app pour ma boite aux lettres, en plus de celle de mon aspirateur.

La loi des séries

Je pensais lui avoir réglé son compte à Gandalf, jusqu’au jour où je rentre et… il s’était vengé sur mes rideaux. Eh oui, pour peu que les rideaux pendent de trop, les robots aspirateurs de son genre peuvent se prendre dedans.

Il me fallait donc trouver une solution pour qu’ils soient ouverts quand Gandalf passe. Ne plus devoir les ouvrir tous les matins, et du coup les refermer tous les soirs. Des secondes à optimiser, une dose de plaisir à la clé.

Un colis Amazon. Un moteur de rideaux connectés. Oui ça existe. Et ça marche plutôt pas mal.

Les rideaux sont connectés à une API pour être synchro avec les heures de lever et du coucher du soleil. Ça m’a permis de découvrir le bonheur de se lever en douceur avec la lumière du soleil.

Bref, je me retrouve avec une autre app pour mes rideaux.

Une app par device

Ça commence à faire beaucoup d’app sur mon smartphone pour contrôler tous ces objets. Pour déclencher l’action que je souhaite, je dois à chaque fois me rendre dans l’app respective de l’objet.

« iRobot » pour Gandalf. « Smart life » pour les rideaux. « Lifx », « Phillips Hue » pour les ampoules connectées. « Kasa » pour les prises connectées qui gèrent un ventilo, une machine à café ou une lampe. « Nuki » pour ouvrir la porte. « Sonos » pour faire jouer la musique dans des enceintes, etc.

Tu te trompes une fois d’app, deux fois tu grognes un peu, trois fois et puis… Tiens 🤔 il n’y aurait pas quelques secondes à optimiser par ici ?

J’ai commencé par migrer toutes les actions importantes sur l’app Shortcut, native sur iPhone :

L’idée est de connecter tes objets à IFTTT, et de leur attribuer un webhook — une URL que l’app Shortcut va appeler en background.

On s’embourgeoise

Pour le peu qu’on soit sur iPhone, l’app Shortcut fait le job, mais je me rends vite compte qu’elle devient une nouvelle source de problème.

Quand tu codes, écris un email, ou plus globalement travaille sur un sujet important : tu n’as pas envie d’aller chercher ton smartphone pour allumer une lampe. À ce moment-là, autant revenir à l’âge de pierre et appuyer sur un interrupteur. De plus, je ne sais pas vous, mais j’ai tendance à garder mon smartphone le plus loin possible de moi pour ne pas être distrait. J’ai juste envie de faire un raccourci clavier, que ça allume ma lampe, et que je puisse continuer ce que j’étais occupé à faire.

Il doit bien y avoir une app « Shortcut » sur mac… Eh bien à ma grande surprise, non.

Je comprends que cette fois-ci, le process que je veux optimiser va mettre un peu plus de temps que prévu.

Encore un side project

La meilleure façon d’avoir de nouvelles idées, ce n’est pas de les chercher activement. Un side project, c’est le parfait compromis pour tester des choses, identifier des besoins, créer une expertise presque ésotérique et in fine faire émerger organiquement de bonnes idées.

Je suis persuadé que, de manière un peu contre-intuitive, ne pas avoir de grande vision long terme et juste être dans l’exécution de la résolution d’un problème concret ouvre justement le champ des possibilités.

Les contraintes favorisent la créativité. Le stress de l’exécution d’une grande vision la tue. Entre les deux, le format side project est le parfait candidat.

Je ne compte plus les side-projects sur lesquels je suis et ceux qui ont été avortés, mais celui-ci survit, car il est fait sans arrière-pensée. Il s’agit juste d’un problème que je souhaite résoudre pour moi. Que ça marche ou que ça ne marche pas, finalement, peu importe.

Le processus de création de l’idée que je décompose dans ce post, je n’aurais jamais pu le construire sans aborder une à une les étapes de manière naïve.

J’aime comparer le monde des idées au Cygne Noir de Nassim Taleb :

« Nous vivons dans un monde incertain et notre penchant platonique pour les raisonnements et les formes pures, élégantes et définies, nous fait croire que nous savons plus que ce que nous ne savons en réalité, d’autant qu’un événement extraordinaire, dès qu’il est survenu, devient ordinaire et rétrospectivement prévisible. L’esprit humain cherchera sans tarder quelles sont les causes de l’événement, comment il est survenu et pourquoi il n’a pas été prévu. Il deviendra vite évident que l’événement était prévisible, du moins a posteriori, car a priori personne n’y avait pensé. »

Dès qu’on a intégré qu’on vit dans un chaos imprévisible et que personne n’a raison a priori : on passe plus de temps à faire et à tâtonner qu’à réfléchir à de grands desseins stratégiques sur ce que sera le futur et à quel point telle idée sera visionnaire comme critère de sélection d’un (side) projet.

On commence par quoi ?

On commence par apprendre Swift pour bricoler une menubar :

J’y ajoute 4, 5 actions, et ça fonctionne bien. Un raccourci clavier et ça allume ma lampe de bureau. What else ? J’y ajoute une dizaine d’actions, et ça fonctionne toujours aussi bien ! Après une longue session, extrêmement satisfait, je fais un raccourci clavier pour éteindre ma lampe de bureau et aller dormir, et ça allume… Gandalf. Encore lui.

De la difficulté de retenir autant de raccourcis

Initialement, l’idée était de trouver une solution au fait que les actions à déclencher étaient dispersées dans plusieurs app sur mon smartphone. Je finissais toujours par ouvrir la mauvaise app. Je venais juste, sans m’en rendre compte, de déporter le problème sur les raccourcis clavier : difficile de tous les mémoriser. L’expérience était à revoir, une menu bar app sous cette forme était insatisfaisante.

Malgré ça, en retombant sur un post de Paul Graham :

When you have an idea, ask yourself: who wants this right now? Who wants this so much that they’ll use it even when it’s a crappy version one made by a two-person startup they’ve never heard of? If you can’t answer that, the idea is probably bad.

J’en arrive à la conclusion que

  1. La version pourrie, c’est bon ça c’est fait.
  2. Je ne sais pas encore qui voudrait de cet outil en l’état, mais qu’il est quand même peut-être temps que je le confronte à la réalité.

Parcours initiatique dans les bas-fonds de Reddit

Je passe mes journées à lire les communautés Reddit autour de l’IoT pour comprendre leur besoin et tenter de valider mes hypothèses. J’y découvre, avec beaucoup de soulagement, que les fêlés dans mon genre y sont légions. Mais surtout que le problème que je souhaitais résoudre pour moi existe aussi pour d’autres.

Y a plus qu’à

Une maquette Figma, une landing page. On est bon pour récolter les premiers feedbacks de potentiels utilisateurs et de mon entourage. Ça fait du bien de rassurer son entourage sur ce qu’on bricole dans son garage depuis des mois. Mais prudence de ne pas partir dans la mauvaise direction à cause de leur retour parce que la seule personne qui a raison à la fin de la journée c’est la cible du produit.

Je fais quand même une démo à quelques copains que je pense pertinents sur le sujet, tout en restant très méfiant. Les amis optimistes sont souvent trop polis pour te dire à quel point c’est une idée de plouc, et les amis sceptiques sont dangereusement déprimants. Mais on n’est jamais à l’abri d’un éclat de génie :

« T’as besoin d’un command+k ! Il te faut trop un ⌘K avant le launch ! »

me martèle Mehdi Boudoukhane, comme pour me rappeler que je me suis fait recaler par Superhuman une semaine plus tôt.

Oui, ils peuvent refuser que tu leur donnes 30 $ par mois si tu ne corresponds pas parfaitement à leur persona.

Le ⌘K c’est le raccourci clavier du client mail pour accéder à toutes les actions dont tu as besoin pour faire inbox zéro.

Mehdi explique dans ce brillant post pourquoi c’est important de s’inspirer de Superhuman de la bonne manière et comment aller plus loin que le ⌘K pour développer ses propres super pouvoirs.

Superhuman Launcher

Le ⌘K semble en effet être le parfait candidat pour résoudre mon problème d’oubli et de confusion de raccourcis clavier.

Moi qui suis aussi fou d’Alfred que Jonathan Lefèvre, j’utilise un « launcher » similaire au ⌘K jusqu’à 120 fois par jour (par exemple, pour lancer le bon tableau Trello avec la commande « t »). Et pourtant… le franc n’était pas tombé.

Alfred Launcher

La solution est parfois sous ton nez et le feedback des copains reste un excellent moyen pour provoquer des déclics.

Je replonge dans le code impatient de confronter cette nouvelle feature au réel, et après cette update, je me promets de lancer cette version en l’état.

Lazy Launcher, one shortcut to rule them all.

Introducing Lazy

‘I will always choose a lazy person to do a difficult job because a lazy person will find an easy way to do it.’ – Bill Gates

Même si ce n’est pas sûr que cette citation vienne de Bill Gates, elle n’en demeure pas moins inspirante. L’app s’appellera Lazy, parce qu’elle a vocation à trouver des moyens faciles pour réaliser des tâches difficiles.

Une vidéo vaut mieux que mille mots.

L’app est encore loin d’être parfaite, je la considère comme un MVP et j’ai voulu la garder minimaliste pour 3 raisons :

  1. La solution est suffisante pour résoudre mon problème. Aujourd’hui, je m’injecte plusieurs fois par jour ma dose de plaisir avec Lazy — sans jamais dépendre de mon smartphone, sans jamais me distraire et sans jamais me tromper de raccourci — que ça soit pour déclencher des objets connectés chez moi ou au bureau, jusqu’à déployer www.lazy-app.com en production via Netlify.
  2. À l’image d’un appartement vide peint en blanc, cette version me donne le cadre pour pouvoir se projeter et le décorer en fonction des feedbacks des utilisateurs jusqu’à ce qu’il y fasse bon vivre.
  3. J’ai énormément appris autour de Swift/Objective-c mais je suis encore limité techniquement pour construire quelque chose de plus ambitieux dans un temps raisonnable. Si tu penses avoir identifié les prochaines étapes pour Lazy et que cette perspective t’excite aussi, allons prendre un café ! Je suis principalement à Bruxelles et à Paris une fois par mois.

C’est le moment, c’est l’instant !

On peut débattre sur la question de launcher ou pas sur Product Hunt, il n’est pas toujours pertinent de le faire. On y a vu de supers produits y être un flop total et à l’inverse des produits inutilisables exploser les charts.

Mais je voulais quand même avoir cette expérience pour me faire ma propre opinion. Je pars avec un a priori très positif et si tu es arrivé jusqu’ici dans la lecture de ce post : je vais avoir besoin de ton soutien !

Lazy est disponible en early access et le lancement sur Product Hunt est ce lundi. Inscris-y toi pour assister au décollage 🚀

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