Comment déclencher un état d’expérience optimale

Le flow est un levier de changement pour l’individu

Aymeric de Fleurian
Essentiel
8 min readFeb 2, 2019

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Votre attention est focalisée sur le but à atteindre. Rien ne peut venir vous distraire de la tâche à accomplir. Vous éprouvez un sentiment de plénitude où chaque action est évidente et simple à effectuer. Votre perception du temps est différente et vous accédez à chaque composante de la situation avec clarté. Vous aspirez à ce que ce moment ne s’arrête jamais.

Au décours, le bien-être est profond et dans le même temps, le désir de revivre cette expérience est intense. Vous venez de vivre une expérience de Flow ou expérience optimale.

Nous devons la conceptualisation du Flow à Mihaily Csíkszentmihályi, père de la psychologie positive. Dans la continuité, de nombreuses recherches ont été menées autour de ce concept et l’European Flow Research Network le définit ainsi :

« Il s’agit d’un état d’épanouissement lié à une profonde implication et au sentiment d’absorption que les personnes ressentent lorsqu’elles sont confrontées à des tâches dont les exigences sont élevées et qu’elles perçoivent que leurs compétences leur permettent de relever ces défis. Le flow est décrit comme une expérience optimale au cours de laquelle les personnes sont profondément motivées à persister dans leurs activités.” European Flow Research network

Le Flow se situe entre angoisse et ennui :

Quand le challenge est trop élevé par rapport aux compétences, on expérimente de l’anxiété.

Quand le challenge est plus accessible mais que les compétences restent insuffisantes, on expérimente de l’inquiétude.

Si les compétences sont plus élevées que le challenge, alors on expérimente de l’ennui.

L’expérience optimale se situe entre les deux.

En quoi le Flow peut-il vous être utile ?

Martin Seligman, fondateur du courant de la psychologie positive au Etats Unis a défini cinq sources d’épanouissement dans la vie d’un individu :

Les émotions positives apportent du bien-être d’autant plus que l’on peut se focaliser sur elles plutôt que sur les vécus négatifs.

Les relations signifiantes sont centrales dans l’épanouissement d’un individu. Faire partie d’un groupe avec lequel on entretient une connexion forte est source d’un bien-être intense.

Donner un sens à son existence permet de vivre un alignement et une cohérence interne entre ce que l’on est et ce que l’on expérimente dans sa vie.

Obtenir des réussites, accomplir son ambition, atteindre des objectifs fixés permettent d’atteindre une fierté et une joie liée au sentiment de réalisation de soi.

L’engagement profond dans une tâche est la cinquième source de bien être dans la vie. L’état de Flow est source d’un épanouissement intense et durable, de part la dimension expérientielle même, mais aussi dans les effets qu’il produit au décours.

Vivre une expérience de Flow soutient l’épanouissement personnel. Mais ce n’est pas le seul bénéfice que l’on peut y trouver. Réaliser une tâche dans un état de Flow nous rend plus efficients, plus créatifs, moins distractibles. Enfin, la qualité de la performance ainsi produite est source d’un renforcement important de l’estime de soi.

Quand on a fait l’expérience du Flow, on ne peut que souhaiter y revenir encore et encore. Réussir à vivre ces expériences de manière répétée conduit à une personnalité autotelique selon Csíkszentmihályi. C’est à dire une capacité à vivre chaque instant dans l’unique but de trouver de la satisfaction dans l’expérience même.

Quelles sont les caractéristiques du Flow ?

Durant l’expérience d’un état de Flow, quel que soit le champ dans lequel il est vécu (sport, art, travail…), on peut retrouver plusieurs caractéristiques spécifiques :

L’absence de distraction : Être complètement impliqué et concentré sur la tâche, en lien avec une curiosité intense et/ou l’entraînement de sa capacité attentionnelle.

Le contrôle de l’action : L’individu peut exercer un contrôle total sur ses actions, offrant ainsi la possibilité de les réaliser avec une grande précision et un niveau de réussite plus élevé qu’usuellement.

La dissolution de l’ego et le sentiment de sérénité : durant une expérience optimale, notre attention se détache de l’ego pour être pleinement centré sur la tâche. Cela permet de ne plus être en proie aux ruminations et aux anticipations anxieuses liées à l’ego, d’où l’émergence d’un sentiment de sérénité.

L’altération de la perception du temps : les heures paraissent des minutes et dans le même temps, certaines minutes s’étirent nous permettant une complexité perceptive intense, comme si le temps passait au ralenti. En fait, la disponibilité cognitive liée au relâchement des ressources nécessaires au maintien de l’ego, permet le traitement d’une quantité d’informations bien supérieure. Le temps ne passe pas moins vite, mais nous allouons beaucoup plus de ressources cognitives au traitement de l’information.

Le sentiment d’extase et l’expérience autotélique : Durant une expérience optimale, il est fréquent de se sentir en dehors de la réalité du quotidien. Cela est source d’une motivation intrinsèque majeure pour reproduire cette expérience de bien être.

Quelles sont les conditions de réalisation d’un état de Flow ?

Une expérience optimale ne survient pas par hasard et certaines conditions préalables sont nécessaires pour y accéder.

Savoir que la tâche visée est réalisable avec notre niveau de compétence : Il doit exister un accordage entre la difficulté et notre capacité. Le flow se situe entre l’ennui et l’angoisse. Ni trop dur, ni trop facile. Il doit y avoir un challenge atteignable mais qui nécessite de mobiliser nos ressources au maximum. L’expérience optimale n’est donc pas l’apanage des meilleurs dans une discipline. Chacun peut y aspirer à son niveau.

Se concentrer sur la tâche : Le contexte doit permettre de se focaliser suffisamment sur la tâche pour déclencher l’état de Flow. La répétition des distractions est un facteur empêchant. Notre capacité attentionnelle et notre environnement jouent donc un rôle crucial.

Avoir un objectif clair : Il est indispensable de connaître précisément l’enjeu de la tâche à accomplir pour pouvoir se focaliser sur la manière de l’accomplir. Si l’on en vient à se poser la question de notre objectif, il est difficile d’accéder à une expérience optimale.

Recevoir un feed back immédiat : La tâche doit permettre d’évaluer en permanence et avec clarté si l’on est dans la réussite ou non, si l’on s’approche de l’objectif. Ce feed back est nécessaire à l’expérimentation d’un état de Flow car il permet les micro-ajustements propices à l’accordage entre nos compétences et la tâche.

En quoi le Flow peut-il potentialiser le changement ?

Le changement est un équilibre dynamique. Il se produit progressivement, par étapes successives. Bien qu’il puisse s’opérer de façon naturelle, il est possible de le potentialiser en attachant une attention particulière au processus à l’oeuvre.

C’est ce que David Rock et Jeffrey Schwartz nomme la plasticité cérébrale auto dirigée, soit l’idée que des changements internes sur le plan cérébral sont potentialisés par l’attention que nous portons à ce processus.

Le changement ainsi nécessite un (ré)apprentissage pour pouvoir modifier nos manières de penser et nos manières d’agir. Cela nécessite en premier lieu de s’appliquer à répéter les nouvelles habitudes que nous souhaitons internaliser, bien que cela soit souvent contre-intuitif au début.

Le flow par la satisfaction expérientielle qu’il apporte nous conduit à vouloir revenir vers la tâche dans laquelle nous étions engagés.

Le changement, nécessite aussi de mobiliser une attention particulière sur la manière de s’engager dans une tâche, afin notamment de ne pas revenir sur des manières de fonctionner antérieures. La manière dont on prête attention doit être intense en qualité. Or l’état de flow offre la possibilité de décupler ses capacités attentionnelles.

Les attentes positives à l’égard du changement ainsi que la possibilité d’une expérimentation consciente et maîtrisée sont aussi des composantes centrales au processus de changement.

Encore une fois, l’expérience de flow le permet, au travers d’une expérimentation profondément satisfaisante et d’attentes très positives liées au plaisir ressenti.

Plus largement, l’expérience du flow potentialise l’apprentissage, la motivation et la créativité, compétences centrales du processus de changement.

Comment déclencher un état de Flow :

L’ambition de ceux qui ont expérimenté le flow est de pouvoir déclencher cet état sur commande afin d’en tirer les bénéfices dans toutes les situations où il est nécessaire d’être performant.

Des “triggers” ou déclencheurs ont été repérées :

Psychologiques : des stratégies internes qui permettent de centrer l’attention sur l’instant présent.

Prêter une attention particulièrement intense. Une expérience du flow requiert de longues périodes de concentration en continue. Il est indispensable de renoncer à exercer plusieurs tâches simultanément, et de construire un environnement peu perturbateur.

Avoir des objectifs clairs, posés d’emblée et sur lesquels on ne ressent pas le besoin de s’interroger afin de rester dans l’instant présent.

Recevoir un feedback permanent : il permet de savoir là où on en est dans la réalisation de son objectif et d’ajuster sa manière de faire en temps réel. Il est nécessaire de concevoir sa tâche en intégrant des modalités de feedback bien établies.

Environnementaux : ce sont des qualités liées à l’environnement qui soutiennent la pérennité et l’engagement profond dans l’expérience optimale.

La présence de conséquences importantes liées à la tâche. Le niveau d’enjeu est un soutien important de l’attention portée sur la tâche. C’est pourquoi les sports extrêmes sont souvent des sources de flow intense.

Un environnement riche, proposant de la nouveauté, de l’incertitude et de la complexité. Ces caractéristiques nous poussent à mobiliser plus fortement notre attention favorisant la qualité de l’expérience.

Sociaux : ce sont des moyens d’altérer les conditions d’interactions sociales pour favoriser plus d’expérience de flow en groupe.

Chaque participant doit montrer un même niveau de concentration, ce qui permet la synergie dans l’expérience partagée.

Un objectif clair et partagé entre tous, qui nécessite de l’engagement pour tous, tout en laissant place à la créativité collective.

Une communication efficiente et constructive. Pour avancer, chacun doit s’étayer sur l’apport de l’autre, sans le nier.

Le groupe présente un langage commun, des connaissances partagées, une capacité à communiquer par le non verbal, afin de garantir la continuité de l’immersion dans l’expérience. La fluidité relationnelle est le garant de l’émergence du flow en groupe.

Chaque membre du groupe doit avoir une implication égale et un niveau de compétence suffisamment proche pour qu’il n’y ait pas de déséquilibre dans l’action.

Avoir un sentiment de contrôle de la situation. L’autonomie dans la prise de décision et le niveau de compétence pour affronter la difficulté sont indispensables pour qu’un sentiment d’impuissance n’émerge pas.

Prêter une attention particulière à ce qui se passe dans l’instant présent et avoir une ouverture importante vis à vis de l’autre. Cela nécessite une écoute intense de l’autre dans le but de comprendre et pas dans le but d’imposer une idée préconçue.

Pour aller plus loin :

Le flow est une expérience qui allie efficience et bien être. Créer les conditions propices à sa mobilisation demande de la persévérance mais le jeu en vaut la chandelle.

Potentialiser les apprentissages, la créativité et l’engagement, que ce soit seul ou en groupe représente un support au changement majeur.

Il ne vous reste plus qu’à trouver vos ressorts pour expérimenter ou réexpérimenter une expérience optimale !

Pour en savoir plus sur le flow, venez me retrouver Ici.

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Aymeric de Fleurian
Essentiel

Médecin spécialisé en psychiatrie, observateur et théoricien du psychisme humain et des organisations humaines. www.mind-ontology.fr