Comment entraîner sa mémoire pour se souvenir de tout ? 2B1M #1

Pierre GUILBAUD
Essentiel
Published in
9 min readJul 4, 2018

Nous avons tous vécu ce moment frustrant où l’on cherche à se souvenir de quelque chose en particulier. On l’a “sur le bout de la langue”, mais rien ne vient. Il est pourtant bien enfoui quelque part au fond de notre cerveau.

Aujourd’hui, il suffit de consulter Google sur notre smartphone pour avoir la réponse. Nous sommes constamment connectés à une mémoire externe illimitée. Plus l’information est accessible, moins nous avons besoin de nous en souvenir. Cela fait 6 mois que j’ai un nouveau numéro de téléphone et je n’ai toujours pas fait l’effort de l’apprendre par coeur. Il est dans mes notes.

Dans le cadre de mon challenge 2B1M, j’ai décidé de lire Moonwalking with Einstein de Joshua Foer. Joshua est un journaliste américain qui s’est pris d’une passion démesurée pour la mémoire après avoir assisté au championnat national de mémorisation. Il décidera d’y participer à son tour un an plus tard et remportera la compétition. Une histoire folle qui nous plonge à la découverte de nos fantastiques capacités de mémorisation.

Dans cet article, nous allons découvrir :

  1. L’évolution de notre capacité de mémorisation
  2. Le fonctionnement de notre mémoire
  3. La méthode du Memory Palace pour mémoriser une liste
  4. La méthode du Major System pour mémoriser des nombres

1. L’évolution de notre capacité de mémorisation

Photo by Bruno Martins on Unsplash

L’Homme n’a pas toujours pu compter sur des sources d’informations externes pour se rappeler. Il fût un temps où il n’existait que quelques livres enchaînés dans des bibliothèques et accessibles uniquement aux érudits. Avant que Gutenberg invente l’imprimerie en 1440, la diffusion des livres était très limitée. La mémorisation était alors estimée voire même vénérée.

L’information se transmettait à travers des histoires, des chansons ou encore des poésies.

La poésie n’était pas juste un moyen de raconter des histoires ou de stimuler notre imagination. C’était, d’après Eric Havelock, “un entrepôt massif de connaissances utiles, une sorte d’encyclopédie de l’éthique, de la politique, de l’histoire et de la technologie que le citoyen devait apprendre comme le cœur de son éducation.”

Et puis l’index est apparu dans les livres.

De même que les numéros de page et les tables des matières, l’index a changé la valeur des livres. Ceux-ci devenant plus faciles à consulter, il était de moins en moins pertinent de mémoriser leurs contenus. La notion même de ce que signifiait être érudit commençait à évoluer de la possession interne d’informations à la capacité à savoir où la trouver.

A l’époque, les gens lisaient uniquement quelques livres avec intensité et répétition, jusqu’à les connaitre par coeur (La Bible est le parfait exemple). Aujourd’hui nous lisons un livre une seule fois et nous nous préoccupons plus de la liste de lecture que nous n’avons pas encore commencé. L’historien Robert Darnton parle d’un switch d’une lecture “intensive” à “extensive”.

Nous sommes donc passés d’une mémorisation constante de l’information à une simple consultation. Cependant notre capacité à mémoriser n’a pas évolué. Si l’on compare la capacité de mémorisation d’un nouveau-né avant l’imprimerie et celle d’un nouveau-né en 2018, elle est similaire. C’est donc l’environnement dans lequel nous évoluons et notre rythme de vie qui déterminent le niveau de nos facultés.

2. Le fonctionnement de notre mémoire

Photo by Daniel Hjalmarsson on Unsplash

Tout être humain voit ses souvenirs diminuer à travers le temps. Les processus de mémoire à court et à long terme se produisent dans différentes parties du cerveau. C’est l’hippocampe qui transforme la mémoire à court terme en mémoire à long terme.

Le nombre moyen d’éléments que nous pouvons retenir à court terme est de 7. Cependant il est possible d’augmenter ce chiffre en suivant un entrainement régulier tout en développant une expertise dans un domaine. Nous verrons cela dans les deux méthodes que je décris plus bas.

Notre mémoire visuelle est largement supérieure à notre mémoire des mots. Nous oublions rarement un visage, mais souvent des noms.

Un professeur l’a prouvé à ses étudiants lors d’une expérimentation. Il a demandé à ses élèves de se concentrer sur un diaporama de 30 images qu’il allait leur montrer. Les images n’apparaitraient que quelques secondes et ils devraient toutes les retenir. A la fin de la présentation, aucun élève ne se sentait capable d’énoncer la totalité des images. Le professeur a alors ouvert une deuxième présentation où toutes les images étaient une à une associées à une autre image qui ne faisait pas partie de la première présentation. A leur plus grand étonnement, tous les élèves ont été capables de retrouver les images faisant partie de la première présentation.

On ne se souvient pas de faits isolés, mais des éléments dans un contexte. Notre faculté à associer des éléments ensemble nous permet de retrouver un souvenir passé. Cela arrive souvent lorsque l’on ne se souvient plus d’un événement et qu’un de nos amis nous décrit le contexte et quelques détails qui nous permettent de resituer la scène.

L’intensité de nos expériences a un impact majeur sur notre mémoire. Lorsque l’on entre dans une routine, métro, boulot, dodo, il est difficile de se rappeler ce que l’on a fait il y a une semaine. Les jours passent et se ressemblent.

En 1962, l’explorateur Michel Siffre passa 2 mois en totale isolation dans un souterrain, sans accès à une montre, un calendrier ou au soleil. Il souhaitait découvrir le rythme de vie naturel d’un être humain sans la notion de temps. Sa mémoire s’est détériorée très rapidement. A partir d’un certain temps, il n’était plus capable de se souvenir du jour précédent. Ses habitudes de sommeil se sont désintégrées et il a fini par devenir amnésique.

Notre sommeil a un rôle primordial dans la consolidation de notre mémoire et la précision de nos souvenirs.

C’est lorsque nous vivons des expériences nouvelles que le temps ralentit. Sortir de notre routine et de notre zone de confort permet d’améliorer notre capacité à mémoriser.

3. La méthode du Memory Palace

Photo by Ravi Shekhar on Unsplash

Le Palais de la mémoire consiste à visualiser un lieu que vous connaissez par coeur afin d’y intégrer les éléments que vous souhaitez mémoriser. Cette méthode regroupe deux concepts : La mémoire visuelle et la navigation spatiale.

La meilleure façon de vous présenter cette technique est de vous la faire essayer. Nous allons prendre une liste de 4 éléments à retenir :

  1. Payer mes impôts
  2. Une paire de chaussette
  3. Envoyer un e-mail à Sophie
  4. Une tablette de chocolat au lait

Vous pourriez les apprendre par coeur là tout de suite en quelques secondes. Le problème c’est que dans une semaine vous les aurez oublié. L’objectif est de les inscrire dans votre mémoire à long terme. Nous allons donc créer des images fortes pour chaque élément tout en les intégrant à un environnement familier. C’est parti :

Vous êtes devant votre maison. Visualisez la façade de votre maison et rapprochez-vous de la porte d’entrée.

Payer mes impôts : Devant la porte d’entrée se trouve un homme imposant en costume. Il a le crâne rasé et porte des lunettes de soleil. Il vous tend votre déclaration de revenus dans sa main droite et une paire de menottes dans sa main gauche. Visualisez bien la scène.

Une paire de chaussette : Puis vous ouvrez la porte. Vous entrez dans la première pièce de votre maison (le salon pour moi). Une paire de chaussettes est accrochée à la lumière du plafond. L’une des chaussettes est bleue, l’autre rouge avec des rayures. Une forte odeur de sueur se répand dans la pièce. Visualisez bien la scène.

Envoyer un email à Sophie : Vous entrez dans la deuxième pièce de la maison (la salle à manger pour moi). Une boule à facette vous plonge dans une ambiance tamisée. Vous tombez nez à nez avec Sophie Marceau en train de faire un slow avec un ordinateur. Visualisez bien la scène.

Une tablette de chocolat au lait : Enfin, vous entrez dans la troisième pièce (la cuisine pour moi). Une vache violette est allongée sur la table, elle mange du chocolat en faisant des abdos. Visualisez la scène.

Fermez les yeux, recommencez ce chemin depuis votre porte d’entrée. Essayez de vous rappeler des 4 éléments en visualisant ces scènes.

En recommençant ce parcours plusieurs fois, vous allez l’intégrer de manière plus profonde dans votre mémoire. Dans quelques semaines, il suffira de fermer les yeux en revisitant les pièces de votre maison pour vous en souvenir.

D’après l’ouvrage Ad Herrenium, plus l’image que vous allez associer à chaque élément est drôle, bizarre ou même obscène, plus vous avez de chances de vous en souvenir. Une fois que vous avez bien pris en main le fonctionnement, vous pouvez vous entrainer avec une liste beaucoup plus longue dans différents lieux que vous connaissez.

Cette méthode était déjà utilisée au temps des Romains par l’Empereur Cicéron pour mémoriser ses discours. Il ne mémorisait pas chaque phrase, mais chaque topic qu’il allait devoir aborder.

4. La méthode du Major System

Photo by JESHOOTS.COM on Unsplash

Le Palais de la mémoire est parfait pour se souvenir des mots, mais comment faire pour se rappeler des nombres ?

Le Major System permet de convertir les chiffres en lettres, puis en sons et enfin en mots. La première étape consiste à apprendre ces associations :

Une fois le code en tête, il suffit de suivre 2 règles simple :

  1. Chaque chiffre est associé au son de la lettre.
  2. Il est possible d’ajouter des voyelles entre les consonnes afin de créer des mots.

6 => Chat = Ch = 6 (On n’entend pas le t)
99 => BéBé => 2 B à la suite = 99
68 => CheF=> Ch et F à la suite = 68
19 => TuBa
0142 => SaTuRNe
991996 => Un BéBé avec un TuBa dans la BouChe

Voici l’exemple que nous propose Wikipedia:

En quelle année Marie Curie découvrit-elle le radium ? Réponse : 1898.

Il s’agit maintenant d’inventer une phrase (un peu ridicule) qui facilite le rappel. En laissant de côté les deux premiers chiffres, on pourrait avoir : « Le radium était un typhon qui a détruit la bouffe de Mme Curie ». Pour les mots typhon nous avons les sons gutturaux T et F et pour bouffe les sons B et F, qui correspondent aux chiffres 1,8,9,8 (les sons de voyelles restants ne sont pas comptabilisés). Avec de l’entraînement, au mot « radium » succèdent directement les mots « typhon » puis « bouffe ».

Le seconde étape consiste à associer un mot à chaque nombre de 1 à 100. A partir de cette liste de mots, vous pouvez créer des associations pour vous souvenir des nombres les plus longs. A vous d’élaborer la liste vous permettant d’être à l’aise :

1 = Toit ; 2 = Nid ; 3 = Mat ; … ; 11 = Toutou ; 12 = Tonneau ; … ; 21 = Natte ; … ; 30 = Maison ; … ; 99 : Pompier.

Comme vous avez pu le comprendre, l’objectif est d’associer les nombres que vous avez besoin de retenir avec une phrase et une image unique. Cette méthode demande de l’entrainement mais peut s’avérer très efficace. J’aurais aimé la découvrir quand je devais apprendre les dates en cours d’histoire par exemple.

Le livre de Joshua Foer évoque d’autres méthodes comme le PAO ou encore le Mind Mapping. Il est bourré d’histoires et d’expériences passionnantes. Si la mémorisation est un sujet qui vous intéresse, foncez les yeux fermés, il se lit tout seul.

“Si vous voulez vivre une vie mémorable, n’oubliez pas de vous rappeler” — Joshua Foer

J’espère que cet article vous a plu, n’hésitez pas à laisser un commentaire pour me donner vos avis ou me partager la partie qui vous a le plus intéréssé.

De mon côté je vais reprendre mon challenge avec une nouvelle lecture dont l’auteur a été mentionné plusieurs fois dans ce livre : Peak de Anders Ericsson.

Je partage mes avancées sur mon compte Instagram @pierreglbd

A dans 2 semaines pour le résumé :)

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