Comment les politiciens tiennent un discours sans notes ?

Cela semble compliqué, mais repose sur l’application simple de méthodes précises.

Mouhcine Bouamri
Essentiel

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La question peut aujourd’hui sembler incongrue, mais comment faisaient nos ancêtres pour se souvenir, alors que les ordinateurs, l’imprimerie, le papier et le stylo n’existaient pas ? Comment se souvenait-on de la liste des courses à faire ? Comment les orateurs mémorisaient-ils leur discours ?

Simonide de Ceos, un poète de la Grèce antique, est reconnu comme le premier à utiliser une technique de mémorisation. Il vivait à la cour des princes dans une famille d’aristocrate.

En tant que poète, il récitait et composait régulièrement des poésies dans des banquets. Un jour, on l’avait averti que deux jeunes gens l’attendaient à l’extérieur et désiraient le voir. Il quitta le banquet et sortit, mais il ne put trouver personne : une fois revenu le toit s’écroula et tua tout le monde dans la salle, il fut le seul rescapé.

Il fut capable de se remémorer la place exacte de chacun dans la salle. C’est à ce moment qu’il prit conscience que le lieu est une clé essentielle à une bonne mémoire #SpatialiserLesInformations.

Les poncifs à oublier

Dans un premier temps, pour aborder le sujet des « techniques de mémorisation » et de la mémoire en général, il est important de mettre en exergue des idées reçues qui perdurent depuis de longues années.

Ici, nous en verrons quatre, qui à mon sens ont le mérite d’être désinstallés de nos cerveaux !

Idée reçue n° 1 : « J’arrive à apprendre qu’avec le par cœur »

On commence au primaire quand on apprend les tables de multiplication, cela demandait beaucoup de temps et d’effort, mais cela marchait, car notre cerveau était jeune malléable et vif.

Et avec le temps, c’est bien pour ça que l’on pense qu’apprendre par cœur est la façon la plus fiable et la plus rapide de mémoriser des informations.

L’apprentissage par cœur ne donne pas le gout d’apprendre, n’éveille pas la curiosité est, c’est loin de garantir que l’on comprend ce qu’on répète. Il faut « ludifier » l’apprentissage. Le jeu, c’est la fibre optique de la connaissance, plus vous jouez, plus vous apprenez, plus vous vous ennuyez, plus vous perdez votre temps.

Idée reçue n° 2 : « Certains ont une bonne mémoire moi non ». On n’a pas de mauvaise mémoire, on a juste une mémoire non entrainée ! Tout est fait aujourd’hui pour laisser son cerveau au repos : smartphone/les alertes/notifications, pas étonnant qu’on perde confiance en elle et qu’elle rouille.

Idée reçue n° 3 : « Pas la peine de répéter les informations, j’ai tout compris ». L’illusion d’avoir compris, pour être stocké dans la mémoire à long terme, il faut « rappeler » l’information. #LaCourbeDeL’oubli (que l’on verra plus loin)

Idée reçue n° 4 : « Mon cerveau va exploser si je décide d’y faire entrer trop d’informations ». Selon Paul Reber, professeur de psychologie, il est pratiquement impossible de saturer sa mémoire. Nous avons des milliards de neurones et chaque neurone forme 1 000 connexions avec chacun des autres neurones.

Si on utilise le, célèbre « why » de Simon Sinek, pourquoi utiliser des techniques de mémorisation ?

Notre cerveau à une salle d’attente qui correspond à notre mémoire à court terme. C’est par là que passent toutes les informations que l’on voit dans la journée : le dernier snap, la dernière photo Instagram, le cours de math de la journée, la vidéo YouTube d’un chat, etc.

Par conséquent, plus ont rappelle une information, plus elle se gravera dans notre mémoire, c’est-à-dire qu’elle passera de la mémoire à court terme, puis moyen terme pour terminer dans le long terme. Utiliser des techniques de mémorisation, c’est comme si on donne un PASS VIP à nos informations. Toute la différence est là.

Plus haut, j’évoquai le concept de « courbe de l’oubli », elle fut théorisée par un psychologue allemand Hermann Ebbinghaus.

Sous forme d’une courbe, il a mis en évidence un lien entre le temps qui passe et les informations naturellement oubliées, avec en ordonnée « la probabilité de se rappeler de l’information » (en %) et en abscisse le nombre de rappels nécessaires (en jours) pour consolider l’information. En résumé, des rappels ciblés permettent une meilleure rétention d’informations.

Quatre techniques à utiliser

Même s’il en existe évidemment plus que quatre, celle-ci est relativement efficace et simple pour mémoriser :

1 — L’association mentale : lorsque l’on voit un mot, on a automatiquement une image en tête (et si on a du mal, à cela se forcer un peu à se créer une image mentale).

Par exemple, lorsque j’entends ou lis le mot « marteau », j’ai automatiquement l’image en tête d’un vieux marteau en bois de la boite à outils de mon père dans les années 90.

Exercice : à chacun des mots associer une image, un son, un souvenir ou autre « vélo/hamburger/livre ».

POINT ESSENTIEL : pour qu’une image soit mémorable, elle doit être en MOUVEMENT+ABSURDE+DISPROPORTIONNÉE. On parle beaucoup d’images, mais on peut imaginer aussi grâce à nos 5 sens, imaginer les bruits, les sensations au toucher, les impressions, les odeurs, etc.

2 — L’association en chaîne : consiste à simplement à relier chaque image mentale (technique 1) entre elles, de façon a créer une chaine. Très utile pour retenir des suites logiques, des dates par ordre chronologique, des listes, etc.

Exemple : Si on besoin de retenir les cinq étapes du « déni » qui sont (DCMDA) : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation ; on transformera chaque notion en image mentale.

Ce qui ferait (pour moi, chacun crée les images qui lui parlent le plus) :

  • Déni= Sarkozy face aux juges,
  • Colère= Finkielkraut le fameux jour où il hurla sur le plateau de Ce soir ou Jamais « mais taisez-vous !! »
  • Marchandage= un marchand de tapis
  • Dépression= une personne dépressive (on en connait tous une !)
  • Acceptation= un couple de futurs mariés à l’église avec le « Oui, je le veux »

Ainsi, si on relie chaque image entre elles, on peut imaginer : Sarkozy face aux juges (déni) qui appelle en tant que témoin Finkilekraut (colère), qui lui accuse un marchand de tapis (marchandage). Le marchand de tapis a agi de la sorte à cause d’une personne dépressive (dépression). Heureusement tout cela se terminera par un heureux mariage (acceptation).

3 — Le voyage : l’idée de cette technique est d’associer ce que vous vouliez retenir a des points de passage à des « lieux » que vous connaissez déjà.

C’est un peu comme si vous vouliez relier vos informations à votre mémoire à long terme ! Un voyage, c’est simplement un parcours d’un point A à un point B, qui a du sens pour vous et qui est logique.

Exemple : de votre lit à votre salon, quand vous vous levez le matin/du domicile au travail/de chez vos parents au médecin, etc.

La semaine dernière, j’avais un oral de 40 min sur « l’accompagnement de personnes schizophrène à l’aide du principe du rétablissement », j’avais préparé cela en choisissant le voyage entre mon ancien lieu de travail-à la maison de mes parents.

Il ne faut pas apprendre phrase par phrase, mais simplement transformer les notions clés en image et les fixer sur un point de passage choisi.

Ici, mon point de départ pour ma prestation oral était le « parking de mon ancien boulot » et j’y ai collé la définition de rétablissement.

Pour m’en souvenir, j’ai alors converti « rétablissement » en « un ami à moi qui marche avec des béquilles ». Et on fait cela jusqu’à la fin voyage, ainsi on ne se perd pas puisque le trajet qu’on aura choisi au préalable a du sens pour nous.

Par conséquent, je serais capable de savoir où j’en suis et quelle pensée arrive avant ou après telle ou telle chose. Je fus le seul de ma promo à être intervenu sans aucune note, sur les appréciations on lira « oral structuré et sans notes » !

POINT ESSENTIEL : j’utilise cette technique 90 % du temps, relativement efficace, puisque la mémoire spatiale (celle qui nous permet de voyager dans notre chambre par exemple alors que l’on n’y est pas) est très fiable.

4 — Le palais de la mémoire : le palais de la mémoire, c’est une extension de la technique du voyage. Elle permet de se téléporter n’importe où dans notre mémoire pour chercher directement l’information qu’on veut.

On peut s’en passer et s’en tenir qu’on voyage. Ça dépend juste de nos besoins et de notre volonté. Elle est utile pour retenir des informations sur le long terme. Des infos à graver à vie.

Exemple : choisir son travail pour y stocker toutes les informations en lien avec son activité, sa maison pour ce qui nous concerne personnellement, un centre commercial pour y stocker toutes les notions en commerce que l’on veut retenir, etc.

Votre profil d’apprentissage

* 3 parties distinctes de notre mémoire : KAV (kinesthésique, auditive, visuelle). On utilise tous les 3, personne n’est seulement visuel ou seulement auditif, etc.

  • Mémoire visuelle : gens qui se souviennent particulièrement des scènes plus que les paroles par exemple. Ils visualisent beaucoup ce qu’ils apprennent.
  • Mémoire auditive : ceux qui « écoutent bien en classe » le savent ! Personnes qui en répétant les informations entendues retiennent bien. Cela se travaille en s’écoutant via un dictaphone.
  • Mémoire kinesthésique : ce qu’on retient via les mouvements, les gestes. Code de notre carte bleu/façon de conduire. Réécrire ce qu’on veut apprendre aide beaucoup.

Le cerveau est multicanal, il n’aime pas apprendre que d’une seule manière. Alors, pour apprendre de nouvelles choses essayez de solliciter ces trois mémoires.

En conclusion, j’aurais simplement une chose à dire : IL FAUT RÉÉDUQUER SON CERVEAU ! Apprentissage doit être un jeu. Le cerveau a évolué dans un monde concret, par conséquent pour lui se concentrer sur de l’abstrait est plus difficile.

Abraham Lincoln disait « si j’avais 6 h pour abattre 1 arbre, j’en passerai 4 a affûté ma hache… », in fine, on prend du temps pour les techniques, mais au final on sera beaucoup plus rapide.

On peut tous, comme les politiciens ou autres, tenir de long discours sans aucune note, je l’ai fait, beaucoup le font, et si vous êtes encore sceptique allez lire cette expérience qui prouve qu’en 40 jours, on peut se rapprocher des champions de la mémoire.

Lecture conseillée : « Boostez votre mémoire » Jean Yves Ponce

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Mouhcine Bouamri
Essentiel

Enseigne l’art de la mémorisation. Fondateur de la marque « Capital Guerrier®️ » . Crois en la capacité de chacun. bouamri11@hotmail.fr