Faut-il faire réviser les enfants pendant les vacances ?

Anne-Paule DUBOULET
Essentiel
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5 min readJul 8, 2020

Que le parent qui ne s’est jamais posé cette question vers la fin du mois de juin me jette le premier cahier de vacances « Passeport pour le CM2 » !

À l’orée de la longue coupure estivale, il est légitime de craindre qu’un enfant perde des connaissances qu’il a pu avoir du mal à acquérir. Le laisser deux mois sans conjuguer un verbe ou poser une opération, est-ce bien raisonnable ? Faut-il alors les faire travailler, au moins un peu, pendant les vacances ?

Tout d’abord, il me semble salutaire de revenir sur l’étymologie du mot « travail ». Il existe une sorte de légende urbaine selon laquelle il viendrait du latin « tripalium » qui désignait un instrument de torture.

Je trouve cette explication tout à fait déprimante : ainsi il faudrait se lever chaque matin pour aller se faire torturer ? Voire torturer ses semblables ? Et c’est dans cette idée que nous élevons nos enfants ?

Comme j’ai étudié le latin avec bonheur quand j’étais jeune, et que le peu de points communs entre les deux mots a piqué ma curiosité, et je suis allée sur différents sites de linguistique pour faire quelques recherches.

Grâce aux éditions Persée, et à un certain Nicholson, éminent linguiste du début du XXe siècle, j’ai trouvé une autre origine pour le mot Travail. Il viendrait en fait de « trabaculum », qui désigne un assemblage de pièces de bois. Une charpente, par exemple, ou un échafaudage (un « travers » désigne encore aujourd’hui un certain type de poutre utilisé dans le bâtiment).

(photo Hreisho pour Pixabay)

Cela voudrait donc dire qu’on travaille dès qu’on est en train « d’assembler » quelque chose, qu’on rapproche et unit des objets pour fabriquer un autre objet, en vue d’un certain usage.

Et on en revient alors à la définition du travail, mais cette fois avec une vision bien plus positive : travailler consiste à réaliser certaines actions pour produire une œuvre utile.

On est loin de la contrainte et de la souffrance, inhérentes à la torture, même si le fait de travailler peut parfois relever de la contrainte et générer de la souffrance. La question de la nécessité du travail pour l’Homme est matière à réflexion philosophique depuis l’Antiquité, mais ce n’est pas l’objet de cet article.

On voit bien que les actions peuvent être matérielles ou intellectuelles : on peut assembler des pièces de bois ou de tissus, ou bien des mots et des idées (ce que je fais en ce moment en écrivant).

Ainsi, un enfant travaille dès qu’il : fait des cookies, fabrique une mangeoire pour les oiseaux, change l’arrangement des meubles de sa chambre… mais aussi lorsqu’il renseigne un touriste en lui parlant anglais, répond aux questions d’un quizz dans un musée, cherche à quel oiseau appartient la plume qu’il a ramassée au parc, etc.

Et c’est cette façon-là de travailler qui a ma préférence pour les grandes vacances !

Ceux qui me connaissent déjà savent que je ne suis pas une adepte des cahiers de vacances. Premièrement, je crois que nos enfants ont besoin, tout comme nous, d’une coupure. Cette fin d’année scolaire 2019–2020 chaotique ne change rien à l’affaire, bien au contraire : l’école à la maison, puis le retour en classe en pointillés, dans un environnement anxiogène, des examens qui n’ont pas eu lieu…

Tout cela a été nerveusement épuisant pour toute la famille. Prenons donc tous le temps de nous retrouver en famille, sans cahiers d’exercices pour eux, et sans document à lire pour faire de la vieille technique ou rattraper du retard sur un projet pour nous.

Deuxièmement, vous avez certainement remarqué que les enfants apprennent bien mieux quand ils arrivent à donner du sens à ce qu’ils sont en train de lire ou d’écouter.

Comment se fait-il que le même enfant puisse connaître par cœur une bonne dizaine de nom de dinosaures, et ait toutes les peines du monde à retenir une petite poésie ?

C’est bien parce que les dinosaures l’intéressent qu’il trouve du sens dans l’apprentissage de noms compliqués formés de nombreuses syllabes (comme Tyrannosaurus Rex…) alors que la poésie à apprendre par cœur le barbe.

Cette notion de « sens » est personnelle à chacun de nous. Elle est liée à la notion de plaisir, ou d’intérêt que l’on trouve à quelque chose.

(photo Parker_West pour Pixabay)

Pour reprendre l’exemple des dinosaures, il est judicieux de chercher à comprendre ce qui a motivé un enfant à retenir ces mots compliqués : est-ce que c’est l’histoire un peu mystérieuse de ces animaux qui peuplaient une bonne partie du globe et ont disparu soudainement ?

Ou le défi personnel que constitue la mémorisation de mots composés de 7 ou 8 syllabes sans que personne ne le lui ait demandé ?

Ou encore la sonorité de ces noms, qu’il aime bien répéter ?

Ou encore les images qu’il connaît de ces gigantesques lézards verts ?

Les vacances sont le bon moment pour explorer ce qui intéresse nos enfants, et ce qui a du sens pour eux : c’est là qu’on peut trouver leurs sources de motivation pour apprendre quelque chose de nouveau.

Pour cela on peut leur proposer une sortie, un bricolage, emprunter des livres au hasard à la médiathèque (c’est gratuit, ce n’est pas gênant si finalement ça l’ennuie), et toujours écouter ce qu’ils ont à nous dire sur ce qui les a amusés, surpris, questionnés… quitte à leur poser des questions pour stimuler leur réflexion.

Pour les plus grands, on peut partir de ce qui les intéresse sur les réseaux sociaux, de ce qui les a marqués dans l’actualité récente, et en parler avec eux : on a le temps, c’est les vacances…

Nous allons apprendre quelque chose (c’est comme ça que j’ai découvert ce qu’est la K-pop, ou ce que veut dire « stalker »), et eux vont faire l’effort d’expliciter leur pensée, d’argumenter, de donner des exemples…

À chaque fois que nous les amènerons à faire quelque chose de leurs dix doigts, ou à rassembler des idées pour raconter quelque chose, ils seront en train de travailler.

Mais tout cela est-il suffisant pour un enfant en difficulté scolaire, ou bien dont le passage dans la classe supérieure s’est fait de justesse ? Dans ces cas-là, je préconise plusieurs choses.

Déjà, leur laisser quand même et absolument une vraie coupure de quelques semaines, sans leur faire faire du travail scolaire, mais en les faisant travailler différemment (cf. ce que j’ai écrit plus haut).

Ensuite, quand la rentrée approche, on peut reprendre les cahiers de l’année scolaire qui vient de s’écouler, pour progressivement réactiver certaines notions.

Pourquoi ces cahiers-là plutôt que des cahiers de vacances ?

Parce que cette année encore plus que les autres années, en faisant la classe à leurs enfants, les parents ont dû s’adapter, bon gré mal gré, à la logique et à la façon de présenter les apprentissages utilisés par les enseignants.

Les cahiers de vacances, selon les éditeurs, présentent les exercices et les notions encore différemment : avez-vous vraiment envie de vous y plonger ?

Anne-Paule de Coach&Plus

http://www.coachetplus.fr

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