Indistractable : Comment contrôler son attention et gérer les distractions au 21e siècle

Découvrez comment développer la compétence la plus importante du siècle

Onur Karapinar
Essentiel

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Photo de Kyran Aldworth sur Unsplash

Temps de lecture estimé : 21 minutes

Dans notre monde moderne hyperactif, certains d’entre nous ne s’y retrouvent plus. Notre attention est sous le siège d’un feu nourri constant.

Notifications téléphoniques, messages reçus, courriels, sonneries, alertes, jeux vidéos, services en streaming illimité, réseaux sociaux…

Face à autant de contenus renouvelé et rapidement accessible, il est facile d’être distrait et de perdre le sens des priorités. Facile d’être surmené, désorganisés et en retard permanent.

Nous pouvons reprendre le contrôle en apprenant à nous défendre des agresseurs d’attention.

Nir Eyal a passé une décennie à rechercher la psychologie cachée que certaines des meilleures entreprises du monde utilisent pour rendre leurs produits si captivants.

Son livre Indistractable propose des techniques simples permettant de regagner son attention, nous concentrer sur ce qui compte vraiment et choisir de mener la vie que nous souhaitons selon nos valeurs.

Basé sur de nombreuses recherches, l’ouvrage nous éclaire sur la façon dont nous pouvons gérer la distraction frénétique dans cette ère hyperconnectée.

Dans cet article, vous allez découvrir quatre stratégies clés qui changeront votre façon de gérer les distractions pour toujours.

  1. Maîtriser les déclencheurs internes
  2. Prévoir du temps pour la traction
  3. Pirater les déclencheurs externes
  4. Prévenir la distraction avec des pactes

Étape 1 : Maîtrisez les déclencheurs internes

La première étape consiste à reconnaître que la distraction commence par l’intérieur. Pour cela, nous devons faire face aux déclencheurs internes qui peuvent nous conduire à la distraction.

Si nous ne contrôlons pas notre impulsion d’échapper aux sentiments inconfortables, nous chercherons toujours des solutions rapides pour apaiser notre douleur.

Retenez bien les deux définitions suivantes :

  • Traction : toutes les actions qui nous rapprochent de ce que nous voulons vraiment
  • Distraction : toutes les actions qui nous éloignent de ce que nous voulons vraiment

Comprenez ce qui nous motive vraiment à agir

« La nature a placé l’humanité sous la gouvernance de deux maîtres souverains, la douleur et le plaisir. »
– Jeremy Bentham, philosophe anglais et fondateur de l’utilitarisme

Depuis des siècles, nous croyons que la motivation est stimulée par la récompense et la punition, mais en réalité toute motivation est un désir d’échapper à l’inconfort.

Épicure, philosophe grec ancien, disait même « Par plaisir, on entend l’absence de douleur dans le corps et le trouble de l’âme. »

La volonté de soulager l’inconfort est la cause fondamentale de tous nos agissements.

Autrement dit, si un comportement a déjà été efficace pour soulager l’inconfort, il est probable que nous continuerons à l’utiliser comme un outil pour échapper à l’inconfort.

Le problème est que nous ne prenons pas le temps d’identifier et de saisir en profondeur les raisons systémiques qui sous-tendent nos problèmes ; on se retrouve à chercher un bouc émissaire pour se détourner des responsabilités qui nous reviennent.

Agir ainsi, c’est se condamner à rejouer la même tragédie. Si nous ne comprenons pas les causes profondes de notre distraction, nous continuerons à trouver des moyens de nous distraire pour calmer l’inconfort.

Tout ce qui met fin à l’inconfort peut générer une dépendance.

La dépendance est une évasion de la réalité dans laquelle nous nous lions avec une ressource qui peut nous donner le sentiment de contrôle et de réussite.

Par exemple, si une personne est dépendante aux jeux vidéos, c’est probablement pour avoir un sentiment de puissance et de supériorité qu’elle n’a pas dans sa vie personnelle ou professionnelle.

Ce n’est qu’en comprenant notre douleur que nous pouvons commencer à la contrôler et à trouver de meilleures stratégies pour composer avec les pulsions négatives.

Identifiez et gérez l’inconfort psychologique qui vous pousse à dévier de votre chemin.

  • Quelle est la véritable source d’inconfort dans votre vie ?
  • À quels déclencheurs internes essayez-vous d’échapper ?

Identifier la cause profonde, c’est non seulement éviter de blâmer les autres, mais aussi être en mesure de mieux aborder le problème une prochaine fois.

La gestion du temps est la gestion de la douleur

« La distraction n’est qu’une autre façon dont notre cerveau tente de gérer la douleur. » — Nir Eyal

Si nous partons du principe que la distraction vient de nous même, alors il est logique d’admettre que la seule façon de gérer la distraction provient de notre capacité à gérer l’inconfort.

Par conséquent, si la distraction nous fait perdre un temps précieux, alors la gestion du temps se traduit par la gestion de la douleur.

Il s’avère que notre cerveau est conditionné depuis des milliers d’années à être dans un état de mécontentement quasi constant.

Se sentir satisfait n’était pas bon pour notre espèce. Nos ancêtres ont travaillé dur et se sont efforcés de faire toujours mieux parce qu’ils ont évolué dans un contexte où ils étaient constamment sous la menace.

Sans cette programmation, nous n’aurions certainement pas eu accès aux outils et à la technologie qui nous permet d’améliorer notre confort et notre qualité de vie.

Autrement dit, l’insatisfaction est responsable des progrès de notre espèce autant que de ses défauts. L’insatisfaction et l’inconfort dominent l’état de notre cerveau, mais nous pouvons les utiliser à notre avantage pour nous motiver au lieu de nous laisser abattre.

Quatre facteurs psychologiques qui nous poussent à rechercher la satisfaction

  1. L’ennui : c’est le désœuvrement causé par l’inaction, par le manque d’intérêt ou d’activité ou par une activité monotone, inintéressante. Avantage évolutif : redoubler d’ingéniosité et d’imagination pour concevoir des solutions nouvelles et moins pénibles. L’ennui, c’est le carburant invisible qui nous pousse à la curiosité et à la création.
  2. Le biais de négativité : phénomène dans lequel les événements négatifs sont plus visibles et exigent plus d’attention que les événements neutres ou positifs. Avantage évolutif : prêter attention à ce qui pourrait mal se passer était une question de survie.
  3. La rumination : est notre tendance à penser sans cesse aux mauvaises expériences. Avantage évolutif : réfléchir à ce qui s’est mal passé nous permet de découvrir de nouvelles sources d’erreurs et d’élaborer de nouvelles stratégies pour mieux faire à l’avenir (c’est le fameux « Voilà ce que j’aurais dû dire ! La prochaine fois, on ne m’y reprendra pas. »)
  4. L’adaptation hédonique : désigne la tendance à revenir rapidement à un niveau de satisfaction de base, peu importe ce qui nous arrive dans la vie. Sans cela, nous n’aurions certainement pas évolué. Imaginez, vous mangez et vous vous dites que vous n’avez plus besoin de rien. Avantage évolutif : l’insatisfaction est une source de progrès.

En acceptant l’état d’insatisfaction et d’inconfort, nous pouvons faire preuve de clarté pour reconnaître la douleur et de discernement pour nous élever au-dessus d’elle.

Réimaginez le déclencheur interne

Bien que nous ne puissions pas contrôler les sentiments et les pensées qui nous traversent l’esprit, nous pouvons contrôler ce que nous en faisons.

Il en va de même pour d’autres distractions comme consulter régulièrement son téléphone. Plutôt que d’essayer de combattre l’envie, nous avons besoin de nouvelles méthodes pour gérer les pensées intrusives.

Voici 4 étapes pour nous aider à y parvenir :

  1. Recherchez l’inconfort qui précède la distraction en se concentrant sur le déclencheur interne : cela peut être se sentir anxieux, avoir une envie, se sentir agité, ou penser que vous êtes incompétent.
  2. Notez le déclencheur : notez l’heure de la journée, ce que vous faisiez, et comment vous vous sentiez lorsque vous avez remarqué le déclencheur interne/externe qui a conduit au comportement distrayant. Soyez votre propre observateur. Mieux vous remarquerez le comportement, mieux vous pourrez le gérer dans le temps.
  3. Explorez vos sensations avec curiosité : comment vous sentez-vous lorsque vous avez envie de vous distraire ? Accordez-vous une petite pause, prenez un peu de recul pour accueillir et relâcher vos pensées.
  4. Méfiez-vous des moments liminaux : cela désigne les transitions d’une chose à l’autre tout au long de nos journées (ouvrir un onglet par ennui, saisir son téléphone « juste deux secondes », etc.). Pour y remédier, essayez la règle des 10 minutes. Si vous avez envie de succomber à la tentation, attendez 10 minutes avant d’y céder.

L’idée est de reconditionner votre esprit pour qu’il cherche à se libérer des déclencheurs internes de manière réflexive plutôt que réactive.

Vous pouvez aussi faire preuve d’autocompassion lorsque vous subissez un revers de fortune. Parlez-vous à vous-même comme vous le feriez à un ami.

Étape 2 : Prévoyez du temps pour la traction

Dans cette section, nous verrons comment prendre le temps de générer de la traction dans trois domaines de votre vie.

Transformez vos valeurs en temps

« Dis-moi qui tu hantes, je te dirais qui tu es : dis-moi de quoi tu t’occupes, je te dirai ce que tu deviendras. » — Johann Wolfgang Goethe

Pour rappel, la traction désigne toutes les actions qui vous rapprochent de ce que vous voulez dans la vie tandis que la distraction vous en éloigne.

Comment faire pour protéger notre temps ?

D’abord, planifier ses journées, car si vous ne le faites pas quelqu’un d’autre le fera. Ainsi, nous devons commencer par la raison pour laquelle nous voulons le faire. Pour cela, rien de mieux que la définition de nos valeurs.

Selon Russ Harris, auteur de The Happiness Trap, les valeurs sont « ce que nous voulons être, ce que nous voulons défendre et comment nous voulons nous relier au monde qui nous entoure ».

Les valeurs, ce sont les attributs de la personne que nous voulons être. Être une personne honnête, être un ami bienveillant, et un membre apprécié d’une équipe constitue des valeurs.

Une valeur, c’est une étoile directrice. C’est le point fixe que nous utilisons pour nous aider à naviguer dans nos choix de vie.

Nous pouvons classer nos valeurs dans trois domaines de vie dans lesquels nous passons notre temps :

  1. Vous : Si vous n’accordez pas suffisamment de temps pour prendre soin de vous, les deux autres domaines en souffrent, car ils dépendent de votre santé et de votre bien-être.
  2. Vos relations : Manquer d’interactions sociales peut être dangereux pour la santé.
  3. Votre travail : Sans visibilité sur la façon dont vous passez votre temps, vous laissez aux autres le malheur de vous distraire avec des tâches superflues.

Pour vivre nos valeurs dans chacun de ses domaines, nous devons réserver du temps dans nos horaires pour le faire. Ainsi, vous choisissez spécifiquement du temps dans vos horaires pour favoriser la traction.

Sans planification, il est impossible de faire la différence entre la traction et la distraction. Comme le dit Nir Eyal :

« Vous ne pouvez pas appeler quelque chose distraction si vous ne pouvez pas savoir de quoi elle vous distrait. »

Planifier à l’avance est le seul moyen de connaître la différence entre la traction et la distraction.

Planifiez précisément votre temps

Une manière efficace de générer de la traction est via le Time Boxing. Il s’agit d’une approche de planification et de gestion du temps qui consiste à programmer une durée fixe et limitée de temps à la réalisation d’une activité.

Par ce procédé, vous décidez ce que vous allez faire et quand vous allez le faire. L’objectif est d’éliminer tous les espaces blancs de votre calendrier afin qu’il vous reste un modèle de la façon dont vous avez l’intention de passer votre temps chaque jour.

Voici un exemple de Timeboxing. Vous remarquerez que chaque journée à une thématique pour rendre la journée plus lisible (technique avancée de productivité).

Tout ce que vous faites est une distraction à partir du moment où cela vous détourne de vos intentions (passer du temps en famille, travailler sur une présentation) et de ce vous aviez prévu de faire.

Regarder une série, consulter les réseaux sociaux, jouer à Mario Kart, faire une sieste, vous pouvez à partir du moment où vous avez prévu de le faire.

Pour créer un emploi du temps hebdomadaire, décidez combien de temps vous voulez consacrer à chaque domaine de votre vie :

Combien de temps voulez-vous consacrer à vous-même ?

Commencez toujours par définir vos horaires pour votre santé : sommeil, alimentation, hygiène, pauses.

Ensuite, ajoutez tout ce qui peut permettre d’améliorer votre bien-être et de gagner en compétence : lecture, sport, méditation, formations, écriture, etc.

Combien de temps voulez-vous consacrer à vos relations importantes ?

Prévoyez intentionnellement du temps pour les personnes qui comptent dans votre vie (amis, famille, partenaire).

Je vous recommande de programmer quelques créneaux où vous êtes disposés à retrouver vos amis ou à échanger avec des personnes (messagerie, réseaux).

Personnellement, le vendredi est un jour spécialement réservé à cela dans mon emploi du temps.

Au quotidien, je n’accepte aucun appel avant 14 h (sauf cas exceptionnel : ami à l’étranger avec un fuseau horaire, urgence, nécessité d’appeler selon un cas précis).

Combien de temps voulez-vous consacrer à votre travail ?

Réservez des moments pour travailler et avancer dans vos projets parallèles.

Personnellement, c’est le domaine dans lequel j’investis le plus, car il génère le plus de traction dans mon activité d’entrepreneur. Ainsi, je travaille aussi les samedis et les dimanches.

À vous de voir, ce qui vous convient pour générer de la traction.

Combien de temps dans chaque domaine vous permettrait d’être cohérent avec vos valeurs ?

Ensuite, réservez quinze minutes chaque semaine pour réfléchir et affiner votre calendrier en posant deux questions :

  1. Question 1 (Réfléchir) : Quand ai-je fait ce que j’avais dit de faire et quand ai-je été distrait ?
  2. Question 2 (Affiner) : Y a-t-il des changements que je peux apporter à mon calendrier qui me donneront le temps nécessaire pour mieux vivre mes valeurs ?

Voici 6 étapes simples pour programmer votre journée via le timeboxing :

  1. Faites une estimation du temps que prendra une activité
  2. Ajoutez-les dans un bloc de temps : au moins 30 minutes pour les rendre visibles dans votre calendrier
  3. Ajoutez des pauses
  4. Ajoutez des moments pour pallier les imprévus : prévoyez 50 % de temps en plus au cas où. Si vous estimez qu’une tâche vous occupera 1 h, prévoyez 1 h 30.
  5. Faites votre tâche avec un minuteur : sessions Pomodoro (25 minutes de travail, 5 minutes de pauses, pas d’interruptions).
  6. Évaluez combien de temps vous avez mis : avez-vous réussi selon vos estimations ? Sinon, pourquoi ?

Est-ce votre emploi du temps reflète qui vous êtes ?

Est-ce que vous laissez les autres vous voler votre temps ou est-ce que vous le protégez comme la ressource précieuse qu’elle est ?

Si nous ne planifions pas à l’avance, nous ne devrions ni accuser les autres ni être surpris quand tout devient une distraction vous empêchant de prendre soin de vous-même, de vos relations et de votre travail.

Étape 3 : Piratez vos déclencheurs externes

Les déclencheurs externes désignent tous les stimuli dans notre environnement qui nous incitent à agir. Tout ce qui nous est extérieur peut être une source potentielle d’interruptions qui nous mènent à la distraction.

Dans cette partie, vous allez découvrir des facteurs externes indésirables qui nuisent à notre productivité et diminuent notre bien-être ainsi que des stratégies pour éliminer les sources de distractions.

Pourquoi les entreprises de la Tech piratent délibérément l’esprit des gens

En langage technique, « pirater » signifie « accéder sans autorisation à des données dans un système ou un ordinateur ». Nos appareils technologiques peuvent accéder sans autorisation à notre cerveau en nous incitant à nous distraire.

Il est essentiel de savoir comment contrer les pratiques de ceux qui cherchent à attirer notre attention. Pour cela, nous devons comprendre comment les entreprises de la Tech utilisent les déclencheurs externes pour nous inciter à l’action.

Dans son premier livre, Hooked, Nir Eyal avait expliqué aux entreprises comment créer un produit ou un service qui ancre des habitudes pour aider leurs utilisateurs à améliorer leur qualité de vie.

Pour résumer, le modèle Hook suit quatre étapes :

  1. Le stimulus : est une information qui incite l’utilisateur à l’action. Un stimulus est dit externe lorsqu’il intervient dans l’environnement de l’utilisateur (comme une publicité télévisée ou une notification). Un stimulus est dit interne lorsqu’il provient des pensées de l’utilisateur (émotions négatives : tristesse, ennui, anxiété, solitude).
  2. L’action : c’est ce que nous devons faire pour utiliser le produit, comme s’inscrire en ligne, taper une requête. Plus c’est simple à faire, plus l’utilisateur aura de facilité à interagir sans conscience avec le produit.
  3. La récompense : est ce qui nous a initialement motivés à prendre des mesures, comme être amusé si la motivation était l’ennui. Offrir des récompenses variables à chaque problème résolu renforce l’engagement de l’utilisateur à refaire l’action.
  4. L’investissement : correspond à la phase qui installe l’anticipation des récompenses à l’avenir. Autrement dit, plus vous investissez du temps, des efforts, de l’argent, vos données personnelles dans un produit et plus il sera difficile pour vous de le quitter, car vous y avez accumulé une valeur se traduisant sous forme de contenus, de données, d’abonnés, de réputation ou de compétence. Ce qui vous donne envie de… revenir !

Pour résumer, si vous parvenez à créer un produit ou un service qui répond rapidement à une émotion négative (1) par le biais d’une action simple (2) qui vous donne droit à une récompense aléatoire liée à une reconnaissance sociale (3) et qu’en plus, vous donnez envie aux gens de réaliser des choses dessus (4), alors vous aurez réussi à créer quelque chose d’addictif !

Et devinez qui sont les plus grands experts de la psychologie comportementale ? Les concepteurs de jeux vidéo et d’applications !

Pour ceux qui veulent approfondir ces étapes et découvrir comment concevoir un produit ou un service addictif, je vous invite à lire mon résumé de Hooked.

Si certaines se sont prêtées au jeu, de nombreuses entreprises de la Tech ont délibérément exploité les connaissances de la psychologie comportementale pour rendre accros leurs utilisateurs dans l’intérêt de faire tourner un modèle économique immoral.

Dans un entretien, Roger McNamee, ancien investisseur de Facebook et ancien mentor de Mark Zuckerberg, nous avertit sur les dangers de la technologie :

« Le moteur de recherche de Google et YouTube me préoccupe aussi beaucoup. L’hébergeur de vidéos est le repaire des fakes news. L’algorithme met en valeur les contenus les plus “engageants” [qui créent des réactions] et les deux tiers de la population réagissent à la peur et à l’indignation. Vous appuyez sur le cerveau reptilien, c’est-à-dire la partie de notre câblage la plus basique. L’idée qu’une entreprise déclencherait ce genre de réactions émotionnelles pour des raisons financières, c’est aussi immoral que de rendre les gens accros à la nicotine. Et c’est jouer avec le feu. Il existe trois catégories de contenus qui déclenchent ces réactions : le discours de haine, la désinformation et les théories du complot. »

Oui, le modèle économique de Google, Facebook, Microsoft et Amazon repose sur le fait de prédire et de retenir notre attention. Et ils réussissent à le faire en connaissant toujours plus de choses sur nous.

Mais pourquoi les géants de la Tech agissent ainsi ?

Eh bien… dans ce contexte de concurrence extrême, tout est permis.

Si un produit n’est plus utilisé, il perd de la valeur et donc de son intérêt et valorisation auprès d’investisseurs.

Les entreprises cherchent alors à générer de la rétention, c’est-à-dire maintenir ses utilisateurs engagés pour qu’ils puissent revenir utiliser leurs produits ou services.

À terme, cela permet à l’entreprise de récolter des données précieuses, d’améliorer les fonctionnalités pour continuer à maintenir un taux d’engagement élevé et ainsi générer encore plus d’argent.

Seulement, ce qui rend les produits engageants et faciles à utiliser peut aussi les rendre terriblement distrayants.

Ne comprenant pas en profondeur l’objet de la manipulation dont ils sont victimes, de nombreuses personnes sombrent dans la distraction et la dépendance ; leurs mauvaises habitudes les détournent de ce qu’elles veulent vraiment dans leur vie.

Dans cette ère, si vous n’êtes pas équipé pour gérer la distraction, votre cerveau sera manipulé par d’autres qui sauront exploiter vos vulnérabilités psychologiques.

Et ne comptez surtout pas sur les entreprises pour rendre leurs produits moins attrayants, leur modèle économique en dépend.

Aujourd’hui, une grande partie de notre lutte contre la distraction est une guerre menée contre des déclencheurs externes.

En 2003, BlackBerry a lancé le push mail. Pour la première fois, les courriels pouvaient être réceptionnés comme des textos. Plus besoin de vérifier constamment votre boîte de réception de peur de manquer des messages importants.

Bien entendu, Apple et Google se sont empressés d’intégrer les notifications dans leurs systèmes d’exploitation technologiques.

Seulement, ça pose un petit problème… Ils n’avaient pas pensé aux coûts que cela allait avoir sur l’attention des utilisateurs à long terme.

Depuis, n’importe qui peut réclamer votre attention par défaut. Les réglages des téléphones sont ainsi faits pour vous interrompre à tout instant et vous placer dans un mode de communication instantanée.

Ainsi, on tombe dans le piège. On réagit aux déclencheurs externes et on se laisse entraîner dans une boucle stimulus-réponse sans fin. On se conditionne à réagir immédiatement.

Heureusement, nous pouvons reprendre le contrôle en éliminant les déclencheurs externes inutiles et les distractions indésirables.

Le plan de défense pour déjouer les déclencheurs externes

Déjouer les courriels

L’employé de bureau moyen reçoit une centaine de messages par jour. Si l’on compte deux minutes pour traiter un courriel, cela fait plus de 3 h par jour !

Si une journée de travail moyenne est de 8 heures par jour, alors traiter ses courriels grignote presque la moitié de la journée !

Cette estimation ne compte pas le temps perdu pour se remettre à la tâche entre deux vérifications de courriels.

D’après une étude, les employés de bureau mettent en moyenne 64 secondes après avoir consulté leurs courriels pour se réorienter et se remettre au travail.

Le courriel à tous les ingrédients pour générer rapidement une accoutumance. Il offre une récompense variable (bonne ou mauvaise nouvelle, information inconnue) qui nous plonge dans l’incertitude. Chaque actualisation est comme tirer sur le levier d’une machine à sous pour apaiser l’inconfort de l’anticipation.

De plus, le courriel exploite un levier psychologique indispensable pour nourrir des relations avec autrui : la réciprocité. Si l’on ne veut pas être mal vu, on répond aux autres.

Et enfin, le courriel est un outil indispensable qui est ancré dans la vie professionnelle et personnelle. Sans courriels, on ne peut pas pleinement interagir ni exploiter les produits et services proposés dans l’Internet.

Nir Eyal propose une équation :

Le temps total consacré aux traitements des courriels par jour (T) est fonction du nombre de messages reçus (n) multiplié par le temps moyen (t) passé sur chaque message.

Ainsi, T = n × t.

Pour réduire le temps total que nous passons par jour sur le courrier électronique, nous devons traiter à la fois les variables n et t.

Voici quelques techniques.

  1. Envoyez moins de courriels. Cela semble évident, mais lorsque nous sommes embarqués dans la réciprocité, nous répondons aux messages quelques instants après leur réception.
  2. Ne répondez pas à tout le monde. Préférez accorder votre attention aux messages qui sont urgents et importants.
  3. Ralentissez et retardez la livraison. Il existe des programmes (Gmail : Boomerang, MixMax) qui permettent de retarder la livraison d’un message. À chaque fois que vous répondez à un courriel, demandez-vous : « Quand est-ce que cette personne a besoin de voir ma réponse au plus tard ? » Par exemple, s’il est vendredi après-midi, retarder la livraison jusqu’au lundi vous évite de stresser vos collègues et aide à protéger votre week-end contre les réponses potentielles.
  4. Éliminez les messages indésirables. Désabonnez-vous des messages promotionnels et newsletters que vous ne trouvez plus utiles.
  5. Balisez vos courriels selon le moment où le message nécessite une réponse. Posez-vous la question : « Quand ce courriel nécessite-t-il une réponse ? » Marquez chaque courriel comme « Aujourd’hui » ou « Cette semaine » permet de joindre les informations les plus importantes à chaque nouveau message. Répondez aux courriels pendant une heure prévue dans votre calendrier. Par ce procédé, vous consultez le courriel que deux fois : la première pour le qualifier, la seconde pour y répondre.

Déjouer le téléphone

Voici quatre étapes pour contre-pirater votre téléphone et vous épargner d’innombrables heures sans réfléchir.

La mise en œuvre du plan prend moins d’une heure à faire.

  1. Supprimer : désinstallez les applications dont vous n’avez plus besoin. Pensez à vos valeurs. Supprimez les applications de nouvelles avec des alertes.
  2. Remplacer : trouvez le meilleur moment et le meilleur endroit pour utiliser les applications potentiellement distrayantes les choses que vous voulez faire. Par exemple, vous pourriez prévoir un temps pour regarder des vidéos sur YouTube, consulter vos réseaux sociaux ou jouer à un jeu. Achetez une montre pour ne pas avoir à regarder votre téléphone pour l’heure.
  3. Réarranger : Déplacez toutes les applications qui peuvent déclencher une vérification sans réfléchir à partir de l’écran de votre téléphone. L’objectif est de ne plus être accueilli par des applications distrayantes lorsque nous déverrouillons nos appareils. Organisez ainsi l’écran d’accueil de votre téléphone pour qu’il affiche vos principaux outils qui génèrent de la traction (pas plus de 5–6 applications).
  4. Réclamer : Modifiez les paramètres de notification pour chaque application. Soyez très sélectif quant aux applications qui peuvent vous envoyer des notifications sonores et visuelles. Apprenez à utiliser les paramètres « Ne pas déranger » de votre téléphone.

Déjouer le bureau de votre ordinateur

N’importe qui peut se retrouver submergé par l’encombrement du bureau. Malheureusement, ces débris numériques nous font perdre du temps, dégradent les performances et nuisent à la concentration.

Ça me donne mal à la tête, pas vous ?

Avec autant de déclencheurs externes, il est facile de cliquer sans réfléchir à la tâche à accomplir.

Les solutions sont simples :

  • Supprimez toutes les icônes qui ne se rapportent pas à vos projets en cours pour la semaine.
  • Ensuite, désactivez toutes les notifications de bureau pour vous assurer que divers déclencheurs externes inutiles ne puissent plus vous vous interrompre.

Un fond d’écran avec une citation inspirante peut être un bon moyen de garder vos valeurs dans votre champ de vision.

Voici mon fond d’écran à l’heure où j’écris ces lignes.

C’est mieux là, on respire.

Déjouer les articles en ligne

Les articles en ligne sont remplis de déclencheurs externes potentiellement distrayants.

À la place, définissez une règle : ne lisez plus jamais d’articles dans votre navigateur Web et réservez la consultation du contenu en utilisant une application comme Pocket.

Si un article vous intéresse, cliquez sur le bouton Pocket. Cela va extraire le texte de la page Web et l’enregistrer (sans pub ni contenu superflu) dans l’application de votre téléphone.

En plus, Pocket dispose d’une fonctionnalité lecture audio pour tous les articles. Pratique pendant vos déplacements ou vos séances d’entraînement.

Déjouer les feeds (fils d’actualité)

Les feeds sont conçus pour vous garder engagé. Ils sont bourrés de déclencheurs externes pour exploiter une de nos vulnérabilités psychologiques : satisfaire notre recherche perpétuelle de nouveauté.

Heureusement, nous pouvons supprimer les déclencheurs externes gênants avec des extensions de navigateurs gratuites comme :

  • News Feed Eradicator for Facebook : élimine le fil d’actualité et le remplace par une citation inspirante.
  • Todobook : remplace le fil d’actualité Facebook par la liste des tâches de l’utilisateur.
  • Newsfeed Burner : élimine le flux LinkedIn, Facebook et YouTube.
  • DF Tube : supprime de nombreux déclencheurs externes distrayants de YouTube et permets de regarder une vidéo en toute tranquillité. Plus de suggestions, plus de recommandations, plus de lancement automatique. Tant pis pour les découvertes musicales, votre cerveau vous remerciera.

Étape 4 : Prévenez la distraction avec des pactes

La dernière étape consiste à nous empêcher de céder à la tentation d’être distrait.

Pour ce faire, nous devons apprendre une technique puissante appelée « pré-engagement » qui consiste à supprimer un choix futur afin de surmonter notre impulsivité et à nous en tenir aux décisions que nous avons prises à l’avance.

Dans cette section, nous explorerons les trois types de préengagements que nous pouvons utiliser pour nous maintenir sur la bonne voie.

D’après Nir Eyal, les préengagements ne devraient être utilisés qu’après que les trois stratégies aient déjà été appliquées.

Pacte d’effort

Un pacte d’effort prévient de la distraction en rendant les comportements non désirés plus difficiles à faire.

Vous pouvez utiliser la technologie pour rester à l’écart de la technologie. Des applications comme SelfControl, Forest et Focusmate peuvent vous aider à faire des pactes d’effort.

Personnellement, j’utilise Cold Turkey Blocker Pro. Avec l’option « Frozen Turkey », je peux choisir des horaires où je ne pourrais plus utiliser mon ordinateur. C’est un peu mon garde-fou pour m’empêcher de prolonger mes recherches ou de me laisser distraire jusque tard dans la nuit.

À 21 h, je ne peux plus utiliser mon ordinateur. Connaissant cette limite, je me déconnecte même bien avant (vers 19 h 30–20 h juste avant de dîner), cela me discipline à respecter mes horaires et à opérer la transition entre travail et détente.

Bien entendu, je pourrais désactiver l’option, mais cela engage quelques efforts supplémentaires qui ajoutent un peu de friction pour me décourager de le faire.

Pacte de prix

Le pacte de prix est un type de pré-engagement qui consiste à mettre de l’argent en jeu pour nous encourager à faire ce que nous disons que nous allons faire.

Le pacte de prix ajoute un coût réel à la distraction. Grâce à cette technique, de nombreux fumeurs ont arrêté de fumer.

J’ai utilisé un pacte de prix pour terminer la conception de ma formation Productivité Maximale, en promettant à mon partenaire de responsabilité 50 € par séances de travail pomodoro ratées (je devais en faire au moins 12 par jour, soit 6 heures de travail intenses).

Tous les jours, je devais lui envoyer des captures d’écran des 12 séances accomplies. J’ai gardé mon argent et j’ai pu terminer ma formation deux semaines après l’engagement.

Les pactes de prix fonctionnent lorsque la distraction est temporaire. Définissez une date limite pour vous imposer une pression consciente et agir dans le temps imparti.

Pacte d’identité

Un pacte d’identité est un engagement préalable à une image de soi. Vous pouvez prévenir les distractions en agissant en fonction de votre identité.

En psychologie, l’identité désigne un caractère stable et permanent d’un individu ou d’un groupe.

L’identité influence grandement notre comportement. Les gens ont tendance à aligner leurs actions sur la façon dont ils se perçoivent eux-mêmes. Par exemple, les végétariens ne mangent pas de viande, les musulmans ne mangent pas de porc.

En adoptant une nouvelle identité, vous vous donnez le pouvoir de prendre des décisions en fonction de qui vous croyez être.

Vous vous définissez comme un lecteur ? Lire quelques pages par jour renforce votre identité.

Vous vous définissez comme un artiste ? Produisez chaque jour une œuvre qui interroge votre environnement et vous allez développer votre créativité.

Une identité, c’est aussi des rituels et des routines. Gardez un emploi du temps chargé pour respecter vos engagements ou définissez d’autres routines qui renforcent votre identité et influence vos actions futures.

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