Je m’appelle Rami. Je suis victime de singlisme.

Rami Mestiri
Essentiel
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5 min readOct 5, 2018
Photo Credit: Hutomo Abrianto

Le « singlisme » est un terme inventé par la psychologue américaine Bella DePaulo pour désigner tout acte ou jugement discriminatoire envers les personnes célibataires. “Le singlisme est la stigmatisation des adultes célibataires. Cela inclut les stéréotypes négatifs sur les célibataires et une discrimination à l’égard de ceux-ci”, explique-t-elle dans un article publié sur Psychology Today.

Cette violence symbolique, je la subis régulièrement de la part de ma famille et de mes amis. Et je crois que si j’étais une femme, mon statut de célibataire à vie aurait pu être plus contrariant. Mais, dans cet article, je ne vais pas vous raconter les conséquences d’une telle stigmatisation. Je vais plutôt expliquer que le célibat pourrait être un choix pour certains, et le meilleur en plus.

Après avoir passé pas mal de tests psychologiques, j’ai découvert que j’ai une personnalité obsessionnelle de type INTJ. Un profil comme le mien utilise beaucoup les listes. Il planifie tout. Moi, je suis un extrémiste. J’ai mis tout un système de règles afin de codifier ma vie. Sans ce système-là, je ne peux pas même me réveiller le matin. Du coup, je vois une partenaire comme une menace pour mon univers rigoureusement ordonné. Intégrer quelqu’un d’autre dans mon code de vie est presque impossible. En d’autres termes, je considère le célibat comme un état d’équilibre parfait que je n’ose jamais toucher. Alors, quand tout le monde s’est mis à quêter le grand amour, j’ai excellé à me protéger de cette fièvre. En bon stratège, j’ai essayé même de comprendre l’ennemi.

Qu’est-ce que c’est l’amour ?

Parmi les textes qui ont traité de ce sujet, « L’art d’aimer » d’Erich Fromm reste à mon avis la pièce maîtresse. Quoique l’auteur défende la thèse selon laquelle l’amour est l’unique solution à l’angoisse de la séparation, la lecture de ce livre m’a attaché encore à mon célibat. J’ai tout simplement saisi qu’aimer vraiment est beaucoup plus difficile que l’on pense, surtout dans la société actuelle.

En effet, Erich Fromm énonce que l’amour n’est pas un affect passif qu’on subit par hasard, suite à un coup de foudre, mais c’est plutôt un pouvoir actif qu’on acquiert par l’effort et la maturité. En conséquence, être amoureux n’est pas un problème d’objet mais plutôt un problème de faculté. Si on est capable d’aimer, on peut aimer n’importe qui ; mais la plupart de gens cherchent à être aimés et non pas à aimer ; l’homme par la quête de biens et la femme par l’entretien de sa beauté. Ce qui donne généralement un couple précaire où un masochiste se soumet provisoirement à la domination d’un partenaire sadique.

Les travaux d’Arthur Aron et son équipe de l’université de Stony Brook ont confirmé la difficulté de l’amour. Leurs recherches ont conclu que pour maintenir une relation solide, les couples doivent pratiquer ensemble des activités stimulantes et, de temps à autre, relever de nouveaux défis. D’autres études similaires soulignent l’importance de bien connaître son partenaire et de garder envers lui le romantisme du premier rendez-vous. Alors, en écoutant mes amis mariés insister que le mariage n’est pas la mer à boire, je me disais qu’il y avait un truc qui cloche dans leurs discours. Sinon, comment peut-on expliquer les taux alarmants du divorce ?

En fait, après les cérémonies, les couples s’excitent trop pendant la lune de miel à cause d’une surproduction d’ocytocine. Cette hormone diminue ensuite et rend les défauts de chacun plus visibles. Elle remonte avec le nouveau-né et redonne l’espoir, puis rechute dramatiquement jusqu’à l’extinction. Au bout de trois ans, l’amour disparaît et laisse la place au devoir conjugal. Le mari, chasseur par nature, cherche ailleurs. Désespérée et insatisfaite, sa femme concentre son énergie sur son enfant ou s’aventure avec un autre prince charmant. Dès lors, les conflits se multiplient et le divorce s’impose. Quand le comportement amoureux est déterminé par la possessivité et la peur d’être abandonné, l’échec est inévitable.

Sachez aussi que plus vous étiez chouchouté à l’enfance, moins vous serez satisfait en couple. Dès le jeune âge, la maman subvient aux besoins en arborant un sourire permanent. Elle nous met dans la tête qu’un jour on épousera une femme qui va nous dorloter. Une mère de rechange en quelque sorte. De leur côté, les adolescentes rêvent d’un amant bien aisé, protecteur comme un père et censé avoir des érections à la demande. Un cliché alimenté en continu par le cinéma américain. À la fin, deux victimes de gâterie et d’endoctrinement, désillusionnés par la réalité, coincés dans un même lit. Ce gap entre nos attentes et nos trouvailles nous rendent frustrés. Donc, afin d’atténuer la déception, il faut baisser les attentes. Réussir un engagement nécessite qu’on soit parfaitement autonome et indépendant. À cette condition-là, on cessera de prendre l’autre pour un complément et on comprendra qu’un bon couple est une relation d’égal à égal, basée sur le partage et le respect, deux cercles en intersection et non pas un cercle inclus dans l’autre. Fonder une deuxième famille n’est pas un choix aussi évident qu’il n’y paraît. Bien au contraire, cette décision demande, hormis un revenu suffisant et stable, un intense dialogue intérieur.

Quant à moi, j’ai inspecté longtemps ma comptabilité psychologique avec la vie de couple et, finalement, j’ai opté pour le célibat à vie. Une situation que je trouve plus confortable. En parallèle, j’ai essayé d’investir plus de temps avec les amis. L’amitié est aussi importante que l’amour. Le seul problème, c’est que, parfois, mes amis me font des critiques inappropriées. Pire encore, ils utilisent des articles scientifiques pour argumenter leur insolence. Ce sont majoritairement des articles prouvant que les couples vivent mieux et longtemps. Personnellement, je ne crois pas qu’une partenaire va retarder ma fin. Je crois plutôt que si on n’est pas heureux seul, on ne le sera jamais à deux. Donc, au lieu de se jeter aveuglement dans les bras d’un inconnu, les malheureux feraient mieux d’adopter un animal.

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