Après la lecture de cet article, vous ne verrez plus jamais cet animal comme avant.

La théorie du Cygne Noir, ou comment faire meilleur usage de votre ignorance

Découvrez pourquoi s’attacher à vos croyances peut vous amener de mauvaises surprises dans votre vie

Onur Karapinar
Essentiel
Published in
9 min readAug 20, 2016

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Temps de lecture estimé : 8–9 minutes

Nassim Nicholas Taleb est un ancien trader reconverti dans l’écriture d’essais philosophiques.

En 2007, il publie « Le Cygne Noir : la puissance de l’imprévisible », un livre qui offre un aperçu sur la manière dont nous percevons le hasard et les limites auxquelles nous sommes confrontés en faisant des prédictions.

Sa théorie devient un bestseller traduit en 32 langues. Le Times of London le décrit comme l’un des 12 livres les plus influents depuis la Seconde Guerre mondiale.

L‘ouvrage explore la nature de ce que l’on perçoit comme des événements aléatoires, ainsi que les pièges de la logique qui nous empêchent de voir ce qu’il appelle les Cygnes noirs.

Le Cygne noir, cet événement supposé improbable

Les croyances que vous avez sur le monde peuvent vous enfermer dans une attitude nocive. Une fois que vous avez une idée sur la façon dont le monde fonctionne, vous avez tendance à vous y accrocher.

Pourtant, être dogmatique sur vos croyances peut entraîner d’énormes surprises. Vous êtes parfois surpris par des événements non pas parce qu’ils sont aléatoires, mais parce que votre perspective est trop étroite.

Un peu comme à l’époque de nos ancêtres qui étaient certains que des monstres marins existaient en Islande (1563).

Tout l’Ancien Monde était convaincu que tous les cygnes étaient blancs, jusqu’à la découverte de l’Australie et des Cygnes noirs, mettant en évidence la fragilité des savoirs et des connaissances scientifiques.

Un cygne noir fait référence à tous les événements qu’on pensait impossibles et qui redéfinissent notre compréhension du monde.

Un cygne noir présente les caractéristiques suivantes :

  • Il s’agit d’une aberration, d’une anomalie.
  • Son impact est extrêmement fort.
  • Sa prévisibilité est rétrospective, et non prospective.

D’apparence aléatoire, le cygne noir a, souvent, de profondes répercussions dans votre vie, mais aussi dans l’économie et la société !

Il ne faut jamais dire « jamais »

L’effet d’un Cygne noir n’est pas le même pour nous tous. Certains sont extrêmement touchés par eux, d’autres à peine. Ils peuvent être positifs et négatifs.

La puissance de leur effet est déterminée par votre accès à l’information pertinente. Plus vous en avez, moins vous serez susceptible d’être frappé par un cygne noir ; et plus vous êtes ignorants, plus vous êtes exposés au risque.

À titre individuel : une rencontre peut tout changer

Imaginons le scénario suivant. Vous êtes invités à une soirée et vous décidez de ne pas y aller. Au lendemain, vous apprenez que votre meilleur ami, qui est allé à cette soirée, a fait une rencontre déterminante dans sa vie.

Cette rencontre importante (partenaire, ami, opportunité) aurait pu vous arriver si vous y étiez allé. Mais ça, vous ne pouvez plus le savoir.

C’est pour cela qu’il faut s’exposer à l’inconnu et à ses bienfaits, parce qu’il peut toujours se passer quelque chose.

À titre collectif : il suffit d’avoir raison une seule fois

Avant de débuter la nouvelle saison, de nombreux fans prennent des paris sur l’identité du futur champion d’Angleterre.

À l’époque, Leicester s’était maintenu de justesse lors de la saison 2014/2015. Des sites de paris accordent au club une cote allant jusqu’à 5 000 contre 1.

Un Cygne noir se produit : Leicester est champion.

Résultat : le triomphe de Leicester va coûter plus de 30 millions d’euros aux sociétés britanniques de paris — soit le plus grand déficit jamais causé par un seul événement sportif. Mais cet événement n’est pas une tragédie pour tout le monde. Les parieurs vont empocher un petit pactole et le club va s’offrir de meilleurs joueurs.

À titre sociétal : un nouveau départ

L’impact d’un Cygne noir peut aussi varier considérablement selon son échelle. Sans la Guerre Froide, il n’y aurait pas eu Internet.

Quand cela se produit, un Cygne noir peut transformer la façon dont le monde fonctionne, affectant de nombreux secteurs de la société, comme la philosophie, la théologie et la physique.

Quand Nicolas Copernic a émis l’idée que la Terre n’est pas le centre de l’univers, les conséquences étaient immenses ; sa découverte a contesté à la fois l’autorité des catholiques au pouvoir, mais l’histoire de la Bible elle-même.

Des mauvaises habitudes de pensées liées à notre référence au passé

Nous avons tendance à croire que le passé est une bonne indication de l’avenir, ce qui est souvent une erreur. Il nous laisse sujet aux erreurs, car il y a trop de facteurs inconnus qui pourraient aller à l’encontre de nos récits.

L’histoire de la dinde n’est pas une farce

Imaginez que vous êtes une dinde vivant dans une ferme. Pendant 1 000 jours, un fermier vous a nourri, laissé errer librement et fourni un endroit ou vivre. En utilisant le passé comme guide, il n’y a aucune raison de penser que demain devrait être différent.

Hélas, demain, c’est Thanksgiving. Vous êtes décapité, rempli d’épices, jeté dans un four et dévoré par votre bienfaiteur.

Même Obama ne pourra pas vous aider ce jour-là.

Appliquée au business, cette histoire permet de distinguer deux types d’activité.

  1. Côté dindon : les pertes peuvent effacer d’un coup les années de profit (banques et certaines classes d’assurance).
  2. Côté fermier : les pertes restent marginales pour les profits espérés (investisseurs immobiliers, technologie).

Le biais de confirmation

Une erreur similaire est le biais de confirmation : nous cherchons souvent des preuves que nous avons déjà formées, même dans la mesure où nous ignorons tout élément de preuve qui les contredit.

Lorsque vous tombez sur des informations qui vont à l’encontre de ce que vous croyez, il y a peu de chances que vous vous décidiez à les accepter et encore moins de les étudier davantage.

Ce genre de comportement fait partie de notre nature humaine. La personne qu’on déteste contredire le plus est soi-même.

Le Mediocristan et l’Extremistan, pour percevoir l’information scalable et non-scalable

Nous avons développé beaucoup de méthodes et de modèles pour catégoriser l’information et lui donner un sens au monde. Mais nous ne sommes pas très bons pour distinguer les différents types d’informations plus décisives entre l’information scalable et non-scalable.

Pour illustrer cela, Taleb définit deux mondes : le Mediocristan et l’Extremistan.

Le Mediocristan : le monde régi par les moyennes

Dans le Médiocristan, chaque événement ne représente pas grand chose individuellement.

  • Les informations et les événements sont non-scalables a une limite statistique supérieure et inférieure : le poids du corps, la taille, la consommation de calories, etc.
  • Ils sont soumis à la gravité : des freins et des quantités physiques limitées.

Prenons un échantillon aléatoire de 100 personnes, si l’homme le plus grand du monde était inclus, la taille moyenne du groupe sera à peine perceptible.

  • Les personnes vivant dans le Mediocristan sont celles qui privilégient la sécurité des revenus en choisissant des activités réglées par des moyennes (travailleurs salariés).
  • Leur production/prestation/rémunération est limité par la nécessité de leur présence pour la réaliser et le temps.
  • Ils vivent dans le hasard modéré —très peu sensible au Cygne noir.
  • Ils laissent de côté les aberrations (rêves, désirs, projets risqués) et vivent dans l’ordinaire qui constitue une norme (CDD, CDI).

L’Extremistan : le monde régi par les extrêmes

Dans le monde de l’Extremistan, c’est tout le contraire. Un seul élément peut avoir un effet disproportionné sur le tout.

  • Les informations et événements sont scalables comme les choses non-physiques ou abstraites : la distribution de richesse, le prix des marchandises, les ventes de livres par auteur, etc.
  • Ils ne sont pas soumis à la gravité.

Reprenons un échantillon de 100 personnes, si Bill Gates est inclus, la valeur moyenne des fortunes rassemblées explose — soit plus de 750 millions de dollars par personne.

  • Les personnes vivant dans l’Extremistan n’ont aucune garantie quotidienne dans leurs activités extrêmes (entrepreneurs, artistes, joueurs).
  • Leurs activités ont des effets de leviers : sujettes à d’extrêmes variations. Très peu gagnent beaucoup d’argent et beaucoup presque rien.
  • Ils sont très sensibles au hasard sauvage — celui du Cygne noir.
  • Ils peuvent perdre beaucoup de temps, d’énergie, d’argent, mais si ça marche, leurs gains sont extrêmement forts et peuvent changer leur vie.

Nous sommes trop confiants sur ce que nous croyons savoir

Nous aimons tous nous garder à l’abri des dommages. Malheureusement, nous sommes beaucoup trop confiants sur ce que nous connaissons de tous les risques possibles contre lesquels nous devons nous protéger.

Cela est appelé l’erreur ludique, nous avons tendance à gérer les risques comme nous le ferions dans un jeu, avec un ensemble de règles et de probabilités que nous pouvons déterminer avant de jouer.

Comme le joueur de poker, sachez ce que « vous ne savez pas »

Ce que nous ignorons est bien plus grand que ce que nous connaissons. Si vous déterminez ce que vous savez et ce que vous ne savez pas, alors vous seriez en mesure de réduire considérablement votre risque.

C’est ce que comprennent très bien les bons joueurs de pokers. Ils connaissent les règles du jeu, et les probabilités que leurs adversaires aient de meilleures cartes.

« Allez j’ai rien à rien perdre : all-in avec un paire de 2 ! »

Ils sont aussi conscients qu’il y a certaines informations pertinentes qu’ils ne savent pas — comme la stratégie de leur adversaire, et combien leur adversaire peut supporter de perdre.

La connaissance de ces inconnues contribue à une stratégie qui ne se concentre pas uniquement sur leurs propres cartes, leur permettant aussi de procéder à une évaluation beaucoup plus informée du risque.

Avoir une bonne représentation de nos limites peut nous aider à faire de meilleurs choix

Peut-être que la meilleure défense contre tous ces pièges cognitifs est une bonne compréhension des outils que nous utilisons pour faire des prédictions, et leurs limites ; tout en sachant que nos propres limitations ne nous aideront pas à éviter toutes les gaffes que nous ne ferons jamais.

Méfiez-vous du « parce que » et des experts

Il est dans notre nature de chercher à être linéaire, de rechercher les relations de causalité entre les événements afin de donner un sens à ce monde complexe.

C’est en ce sens que Taleb se méfie beaucoup des experts parce qu’ils imposent une simplification du monde à force de catégoriser, moyenner, et limiter la réalité à quelques schémas.

Il est préférable d’envisager un certain nombre de possibilités plutôt que d’être attaché à une seule vision des choses.

Vous ne pouvez pas triompher sur le hasard — ce que vous ne savez pas — parce qu’il y aura toujours des variables qui vous échapperont. Et cela est une certitude.

« L’avenir est un pur hasard, on perd son temps à le prédire. » — Nassim Nicholas Taleb

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