L’image de la France souffre à l’international.

« Absurdistan autoritaire », « empereur absolutiste qui émet des décrets depuis le sommet », confinement « répressif » mais de quoi, ou de qui, parle-t-on ainsi ? De la France. Et, plus précisément, de la gestion de la crise sanitaire par le Gouvernement français et de ses conséquences pour l’image de notre pays à l’étranger. Et ce sont les journalistes européens et américains qui en parlent le mieux : ils sanctionnent clairement les méthodes employées. Les mots utilisés traduisent incompréhension et étonnement face aux décisions politiques prises. Mais aussi une certaine peur face aux changements du régime politique à la française. Maîtriser les mots et la façon de les communiquer est alors un enjeu encore plus capital en temps de crise.

Le propos de cet article n’est pas de juger l’action politique mais d’analyser les changements qu’elle provoque dans les mots utilisés pour définir notre pays à l’étranger. Les mots définissent et ont toujours défini un pays, ne serait-ce que sa structure politique : république, monarchie, dictature, autocratie, régime, méritocratie, junte, absolutisme …

La France, terre de liberté, d’égalité, de fraternité, des droits de l’Homme et des Lumières, République fièrement laïque, ne serait plus. Le mode de communication aurait changé, entraînant notre pays sur la pente glissante de l’autoritarisme. Mais, que l’on se rassure, ce n’était que passager, les discours évoluent rapidement vers une restauration de l’image de la France et une réconciliation, entre les mondes politique et citoyen. Pourquoi les mots choisis par les media étrangers nous touchent-ils autant, pourquoi sont-ils si importants, que nous disent-ils finalement ?

Le lecteur retient avant tout la sévérité du jugement : la France semble perdre sa place de super puissance européenne, partenaire d’un couple franco-allemand, ciment et leader, de facto, de l’Union Européenne. Les mots récemment choisis par les media étrangers pour expliquer la situation en France traduisent l’incompréhension et la surprise face non pas aux décisions politiques prises mais à la façon dont elles ont été annoncées, des sentiments partagés par beaucoup de Français.

La crise sanitaire montre l’importance du choix des mots dans la prise de parole politique dans la construction de l’image d’un pays. Les mots sont durs et font référence à notre passé monarchique, révélant ainsi la peur, de certains journalistes, que la République française ne s’effondre et laisse place à un régime autoritaire et peu enclin à la discussion avec ses citoyens.

Le doute s’installe car si la France, emblème de la liberté et de la démocratie, cède aux sirènes de l’autoritarisme, quel pays serait alors à l’abri d’un effondrement politique ? C’est bien un modèle démocratique que les media défendent afin de rappeler à leurs lecteurs et internautes que les dérives despotiques restent possibles.

Première illustration : l’hebdomadaire allemand Die Zeit qualifie le second confinement d’« absurdistan autoritaire » et explique que « le confinement français est si répressif que même les règlements sensés sont discrédités », et juge, enfin, la politique sanitaire « quasi monarchique ». Le New York Times souligne, quand à lui, le « brouhaha, chaos et confusion » de la parole publique sur la définition des produits essentiels, quand Le Temps, en Suisse, parle d’un « pays piégé par son labyrinthe administratif ».

Autre exemple, l’anglais Spiked déplore que face à « un empereur absolutiste qui émet des décrets depuis le sommet », la « France d’en bas n’ose plus bouger, sa résistance brisée comme elle ne l’a encore jamais été auparavant. Tel est le sens du Covid-19. La maladie sert désormais de justification à la domination d’une société par l’État qui dépasse le cadre de la politique, un État qui gouverne par la peur ».

Que nous disent ces citations ? La France est et doit rester une république, une démocratie au sein de laquelle les gouvernants travaillent main dans la main avec les gouvernés et non pas en imposant des choix. On retrouve ici les craintes associées au surnom d’Emmanuel Macron : « Jupiter ». De roi des dieux imposant son style depuis l’Olympe, il est devenu un empereur autoritaire pratiquant l’information descendente et l’autoritarisme. Autant de mots durs représentatifs d’un système politique qui fait peur aux media étrangers.

Ces derniers reflétant les opinions de leurs lecteurs et internautes, c’est l’opinion internationale qui a peur d’un retour en arrière en France. Cette crainte est exagérément entretenue par les mots et le ton choisis par les journalistes qui, par leur grandiloquence, veulent mettre en garde leurs propres gouvernants contre ce genre de dérives totalitaires.

C’est le véritable message derrière ces prises de parole alarmistes : attention, regardez ce qui se passe chez nos voisins français, pourtant champions de la démocratie qui ont résisté à tant de tempêtes politiques, cela pourrait aussi nous arriver ! Les journalistes rappellent que la démocratie reste fragile et doit continuer à être protégée et défendue. Ces choix linguistiques sont aussi une façon de rassembler les opinions et de les rassurer sur la qualité de leurs propres systèmes politiques.

Cependant, une note d’espoir émerge : l’optimisme reste de vigueur depuis les dernières prises de parole du Président Macron qui a commencé, selon Die Welt, une forme autocritique, un bon début pour regagner la confiance des Français et leur adhésion à la politique sanitaire.

Pour restaurer cette confiance, le quotidien allemand rappelle que le Gouvernement doit s’exprimer autrement et mieux expliquer ses choix afin de susciter l’adhésion sans laquelle les Français ne sortiront que difficilement de la crise sanitaire. Pour faire amende honorable, il doit, à nouveau, adopter le champ lexical de la démocratie, de l’échange, de l’écoute et de la compréhension.

L’enjeu est énorme car c’est cette même adhésion qui permettra, à moyen terme, de vaincre le virus et d’en finir avec une épidémie qui met à mal la santé, l’économie, la société et nos modèles politiques.

La feuille de route est claire : clarifier le discours, rassurer en tenant des propos fermes, et les tenir à court et moyen termes, expliquer les prochaines étapes, rappeler les essentiels et les éléments de solution, adopter la posture de leadership.

Ces expressions et mots, qui appartiennent au même champ lexical, répondent tous au même objectif : réussir sa prise de parole en étant convainquant. Faire adhérer n’est pas, seulement, qu’une question de posture affichée mais bien d’utilisation des bons mots pour faire passer ses messages.

Lorsque Emmanuel Macron change de ton et d’éléments de discours, les journalistes étrangers jugent moins sévèrement son action et retrouvent la France telle qu’ils veulent la voir : démocratique, éprise de liberté et ouverte sur le monde.

Une des leçons à tirer de cette crise sanitaire réside bien dans l’importance du choix des mots dans toute prise de parole mais aussi des postures, puisque 70 % de notre langage passe par la communication non verbale : la voix, les yeux, la bouche, les mains, l’ensemble des mouvements du corps, conscients ou non, parlent pour nous. Et nous aident à être convainquants, que nos interlocuteurs soient face à nous, à travers un écran, une télévision ou au téléphone.

Faire passer les bons messages passe autant par les gestes, les regards ou les expressions que les mots choisis. Ils reflètent ce que nous sommes à l’instant T mais s’inscrivent également durablement dans l’imaginaire collectif. Maîtriser les mots et la façon de les communiquer devient une compétence clé dans toute prise de parole pour conserver sa réputation et être convainquant.

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Hélène Boulanger
Essentiel

Spécialiste des mots depuis plus de 20 mots, je suis formatrice en prise de parole en public : je vous aide à maîtriser vos discours et votre langage corporel.