L’impuissance apprise, l’application malveillante qui bride notre potentiel

Kamélia Sassi
Essentiel

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Vous est-il déjà arrivé d’avoir l’impression que, quoi que vous fassiez, vous n’alliez pas y arriver, et ce, avant même d’avoir essayé ?

Dans ce cas, vous êtes sûrement atteint d’impuissance apprise ! Ce paradigme désigne « le renoncement suscité par la répétition d’échecs dans une situation donnée, malgré les efforts fournis pour atteindre un objectif. »

L’impuissance apprise est ce que l’on ressent quand on pense que, quoi que l’on entreprenne, le résultat sera vain. C’est un sentiment permanent, en latence dans l’esprit.

Pour les personnes qui y sont confrontées, cette croyance ne dépend pas d’éléments exogènes, celle-ci émane bien de l’intérieur. Elles sont convaincues qu’elles ne disposent pas des ressources nécessaires pour atteindre leurs objectifs, passer à l’action…

Autrement dit, nous pensons fatalement, et de façon permanente que nos efforts sont inutiles et insuffisants, ce qui induit une démotivation constante dans l’action. En somme, l’impuissance apprise est un frein à notre évolution et notre apprentissage.

Définir l’impuissance apprise

Martin Seligman, professeur de psychologie expérimentale et père du concept, a prouvé que l’impuissance apprise est une « discipline » qui s’enseigne consciemment (ou non) à n’importe quel individu.

Son illustration parfaite est une expérience réalisée par le Dr Charisse Nixon. Pour ce faire, elle a scindé une salle de classe en deux groupes d’individus et leur a confié des anagrammes.

Le premier groupe dispose de trois anagrammes assez faciles à reconstituer ; le second groupe a trois anagrammes, dont les deux premières sont impossibles, tandis que la troisième est similaire à celle du premier groupe. Bien évidemment, tous pensaient avoir le même sujet. Les élèves devaient lever la main dès que l’anagramme était résolue.

En voyant le premier groupe résoudre très rapidement les deux premières anagrammes, les personnes du second groupe — d’abord stupéfaites — ont fini par douter d’elles-mêmes et de leurs capacités, à tel point que certaines n’ont même pas essayé de résoudre la troisième anagramme qui était pourtant complètement à leur portée. C’est comme si leur cerveau leur avait murmurait : » n’essaye même pas, tu n’en es pas capable ».

Il a suffi d’une simple confrontation à un groupe supposé plus performant pour installer l’application « n’essaye même pas » dans le cerveau du deuxième groupe.

Soyez honnêtes, n’avez-vous jamais entendu en vous résonner cette phrase ?

L’impuissance apprise peut avoir plusieurs vecteurs

Les méthodes d’instructions, dispensées dans nos écoles, dans leurs fondements profonds peuvent lourdement contribuer à induire ce paradigme d’impuissance.

Nous évoluons dans une société où l’échec est une maladie et la comparaison, une échelle sociale de valeur et de mesure. Les professeurs, très peu au fait des mécanismes naturels d’apprentissages du cerveau et des neurosciences d’une manière plus générale, sont souvent malgré eux, à l’origine de ce phénomène.

Ce qui est alarmant aujourd’hui, c’est que lorsqu’un élève est en échec scolaire, le corps enseignant est incapable de dire si la cause de cet échec est due au niveau insuffisant de l’élève, ou à son impuissance apprise. Dans une grande majorité des cas, l’échec est attribué à un niveau insuffisant.

À la suite de ses nombreuses expériences, Martin Seligman a tiré les conclusions suivantes : « Un traumatisme ou des expériences traumatiques bloquent toute motivation à trouver une solution et empêchent l’individu de chercher de nouvelles façons de faire pour l’éviter à l’avenir. Cela a alors pour conséquence de rendre apathiques les personnes ayant vécu un traumatisme — quel qu’il soit — si celui-ci se répète. »

Pire, l’impuissance apprise s’exprime par l’accomplissement d’actions animées par la désespérance qui, à long terme, peuvent engendrer des pathologies similaires à l’asthénie.

Quelles sont les solutions ?

Il est important de comprendre que l’impuissance apprise n’est qu’une chaîne invisible qui bride notre cerveau et ses capacités infinies. C’est donc une reprogrammation cérébrale qu’il convient d’opérer.

Il serait judicieux dans un premier temps de revoir notre rapport à l’échec. Dans la culture française, l’échec est toujours perçu comme une fin à éviter par tous les moyens.

Or, l’échec est le berceau de la progression. W. Churchill disait « le succès est l’aboutissement d’une succession d’échecs », car effectivement, il fait partie intégrante du chemin. Ne pas échouer, c’est ne pas apprendre.

Force est de constater qu’il est primordial de réformer notre perception du couple « essai/erreur », car il s’agit bien d’un binôme. Selon Céline Alvarez, ne pas se tromper, c’est stagner au même niveau de connaissance.

Un échec est une leçon, une expérience empirique que l’on mène malgré soi, à laquelle il faut donner du sens pour en tirer les meilleurs enseignements. Il faut dédramatiser l’échec qui n’est ni plus ni moins qu’une étape nécessaire à l’aboutissement de tout projet.

Il faut valoriser les essais, les efforts, et la persévérance, peu importe le nombre d’échecs. Essayez, trompez-vous et recommencez ! Alors vous vous donnerez l’opportunité d’échouer encore et encore et ainsi seulement vous évoluerez. Vous sortirez de votre zone de confort, et désactiverez cette application malveillante qui a été induite en vous.

Il existe bien d’autres démarches à mettre en place pour pallier ce réflexe insufflé par notre histoire. Reprendre confiance en ces capacités peut également se traduire par une multitude d’actions propres à chacun.

Il faut simplement prendre le temps d’analyser nos moteurs intérieurs pour comprendre quels sont les leviers à actionner. Cela permettra à notre cerveau de constituer de nouveaux chemins neuronaux et abolir ce frein à l’évolution.

Vous êtes prêt ? Feu… Échouez…

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Kamélia Sassi
Essentiel

Fondatrice du blog www.lecerveauenebullition.com je m’intéresse à l’immense potentiel du cerveau #sciencescognitives #neuroergonomie #cerveau #potentiel