Nouveau : L’obsolescence programmée des logements anciens

Le compte à rebours est lancé : les propriétaires bailleurs ont 2 ans pour réduire la consommation énergétique de leur bien.

Djamila KROURI
Essentiel
7 min readMar 2, 2021

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Suite à la crise économique du pays sans précédent en raison de la pandémie du COVID 19, le gouvernement français dans son plan de soutien a fait de l’écologie, un volet stratégique de relance économique du pays.

Une grande économie décarbonée à travers notamment une rénovation thermique des bâtiments.

Le compte à rebours est lancé : les propriétaires bailleurs ont 2 ans pour réduire la consommation énergétique de leur bien.

Qu’est-ce que l’obsolescence programmée ?

Selon Wiképedia, l’obsolescence programmée est aux termes de la loi française, l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement.

C’est une méthode consciente et cynique souvent utilisée par de grandes firmes industrielles.

L’obsolescence programmée est devenue un des maux de notre société.

Elle nourrit la surconsommation ainsi que la surproduction.

Elle participe à l’accroissement des déchets, l’intensification de la pollution et l’augmentation du gaspillage des matières premières et d’énergie.

Pourtant, ce concept partait à l’origine d’une bonne intention.

Cette méthode est tirée d’un ouvrage publié en 1932 : Ending the pression through planned obsolescence, son auteur Bernard LONDON, promoteur immobilier américain défend l’idée de pénaliser les citoyens américains qui conservent trop longtemps leurs objets afin de relancer la croissance économique et sortir ainsi le pays de la grande crise suite au Krach boursier de 1929.

Sa logique était « plus les citoyens épargnent moins ils consomment et moins les usines tournent », ce comportement participant indirectement au chômage de masse.

Aujourd’hui, cette théorie semble complètement anachronique face à l’urgence écologique.

Adopter l’objet durable, mettre fin aux objets jetables

À l’initiative de la secrétaire d’État à la transition écologique Brune POISSON, depuis le 1er Janvier 2021, a été mis en place un indice de réparabilité obligatoire sur 5 catégories de produits électroménagers et électroniques.

Sur une note de 1 à 10, cet outil permet d’informer le consommateur si le produit est non réparable, constitué de pièces collées ou non disponible.

Dans l’esprit d’une économie circulaire, l’objet durable est favorisé, le consommateur est incité à consommer moins.

Mais le gouvernement français ne s’arrête pas là !

Pour accélérer la transition énergétique et répondre à la loi Énergie Climat, l’État décide l’obsolescence programmée de nos logements anciens !

Mettre fin aux passoires thermiques

Une nouvelle version 2.0 du diagnostic de performance énergétique existant (DPE) entrera en vigueur dès le 1er Juillet 2021.

Les logements les plus énergivores seront marqués d’une estampille « passoire thermique ».

Dès 2023, les biens catégorisés G seront interdits à la location.

Ensuite, la loi prévoit que la consommation énergétique soit désormais un critère de décence et un droit opposable.

À l’horizon 2028, ce seront les biens classés F qui seront à leur tour interdits.

Comble de l’ironie, l’État décide l’obsolescence programmée des biens immobiliers dans le but de diminuer le réchauffement climatique en pénalisant les propriétaires bailleurs qui ne rénovent pas leur logement.

Rassurez-vous ! C’est pour le bien de notre planète !

« Une France de 2030 plus verte, plus respectueuse du climat, avec une décarbonation de notre industrie », c’est ce qu’on peut lire dans le plan de soutien présenté le 3 septembre 2020.

Projet très ambitieux et honorable, mais qui soulève plusieurs interrogations.

À commencer par le coût de mise en œuvre d’un tel plan.

Qui va le financer et comment ?

Comment financer l’immobilier « vert » ?

Tout d’abord, il y a le nouveau diagnostic de performance qui sera de toute évidence à la charge du propriétaire.

Ensuite, les dispositifs d’accompagnement pour les ménages existants tels que Ma Prime Renov sont jugés insuffisants à ce jour et ont montré leurs limites.

Force est de constater que la plupart des particuliers qui ont tenté de bénéficier de la prime témoignent d’un long parcours du combattant.

Le site internet est une véritable usine à gaz, plusieurs bugs signalés, les délais de remboursement ne sont pas garantis, ce qui contraint le propriétaire à avancer la somme des travaux.

Le centre d’appel de l’ANAH (Agence Nationale de l’Habitat) qui est pilote pour le Ministère de logement ne répond pas systématiquement aux appels et ne dispose pas de délégation physique en région pour proposer des rendez-vous.

Des propriétaires qui doivent patienter jusqu’à un an avant d’avoir le versement de la prime et dont le montant est inférieur à la simulation de départ. C’est le modèle de témoignages que l’ont peut retrouver sur le forum de 60 millions de consommateurs.

Enfin, le plus problématique concerne les acteurs du bâtiment.

En effet, pour bénéficier de Ma Prime Renov, le propriétaire doit choisir un artisan agrée RGE (Reconnu Garant de l’Environnement).

Face à l’absence d’obligation de réaliser un audit énergétique après travaux, certaines entreprises peu scrupuleuses en ont profité pour bâcler les travaux d’isolation.

Tandis que des artisans plus sérieux ont renoncé à l’obtention du label tant les démarches sont lourdes

Les programmes neufs, la solution ?

Face à l’urgence écologique, la solution de facilité serait alors de se tourner vers les logements neufs.

Mais il faut avoir conscience que le marché du neuf n’est pas à la portée de tous les portefeuilles.

En effet, pour acquérir un bien neuf, il faut compter au départ un coût d’acquisition évalué de 20 à 40 % au-dessus des prix du marché ancien.

Cette différence de prix est due au coût supérieur des matériaux écologiques utilisés, des normes de construction, prix du parking souvent inclus, le montant de la TVA, la rémunération des intermédiaires (promoteurs, gestionnaires).

Par ailleurs, la situation géographique n’est pas toujours optimum pour l’acquéreur. En effet, les programmes neufs sont rarement construits en centre-ville.

De plus, depuis la Crise du Covid, on constate une nette baisse de la construction : – 6 % en 2020 et une diminution des permis de construire de 14 %.

Tandis que l’on constate une hausse de 3,2 % du prix au m² en 2020 du logement neuf.

Selon le baromètre LPI Seloger, le prix au m² s’élève à 5609 € en 2020 contre 3553 € pour l’ancien.

Cette hausse est due à la demande qui reste supérieure à l’offre.

L’écart risque de se creuser encore plus si l’on retire du marché les logements dits « énergivores ».

Tous ces facteurs vont conduire à moyen terme le pays vers une pénurie de logements.

Vers un marché immobilier encore plus tendu

Alors que dans les grandes villes, le marché est déjà très tendu. Je vous renvoie à l’article de Marianne « Ces villes dans lesquelles plus personne ne peut acheter » avec un triste palmarès des villes interdites aux pauvres, aux classes moyennes ou encore aux cadres.

Dans le même temps, on relève une hausse des prix dans les petites villes en 2020.

Un tassement des prix déjà élevés dans les grandes villes.

Le bilan en ce début d’année 2021 est un rattrapage par le haut du prix du m² moyen en France.

En dépit de la crise sanitaire, le marché de l’immobilier connait une inflation des prix.

Les dispositifs d’accompagnement à ce jour étant insuffisants, les propriétaires bailleurs devront puiser dans leur trésorerie s’ils veulent continuer l’exploitation locative de leur bien.

En même temps, la construction étant en baisse dans les grandes villes, les loyers restent plafonnés.

La rentabilité locative risque donc d’en prendre un coup.

L’explosion des taxes foncières, la soumission des loueurs en meublé professionnel aux cotisations sociales et le rapport des finances CAP 2022 laissent présager des mois incertains pour les propriétaires bailleurs.

Dans notre monde civilisé où tout va très vite, le temps court de la politique semble s’opposer au temps long des projets d’écologie et à la complexité de leur mise en œuvre.

Nul doute qu’une transition énergétique efficace ne pourra se faire que par une régulation thermique de tous les bâtiments publics comme privés.

Ainsi, le marché de l’emploi sera relancé et les petites villes revitalisées.

Pour ce faire, d’après la Cour des Comptes Européenne, le besoin de financement s’élève à :

  • Plus de 1000 milliards d’euros entre 2020 et 2030 pour la reconversion de l’économie de transport, du logement et de l’industrie des services.
  • Cela représente 300 milliards d’euros par an.

Il faudrait donc 100 milliards d’euros par an juste pour le secteur du bâti.

Avec les 30 milliards du plan de relance avancé par le gouvernement, nous sommes loin du compte.

Pour rappel, sur les 100 milliards d’euros avancé par le gouvernement dans son « Plan de relance » :

  • 40 milliards correspond aux fonds de dette communautaire européenne (argent qui ne nous appartient pas)
  • 30 milliards correspond au budget lié aux dépenses contraintes de l’État.
  • 30 milliards restant représentent l’argent « neuf.

Pour parvenir à une relance “verte” du pays, il faudra des mesures à la hauteur de l’enjeu et le temps pour les mettre en place. Certainement au-delà du temps d’un mandat présidentiel…

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Djamila KROURI
Essentiel

Consultante immobilier, coach expert, anime le blog www.dja-chez-moi.com sur la sociologie urbaine, l'immobilier d'aujourd'hui et de demain.