Peut-on se transformer en profondeur ?
Quels sont les leviers d’un réel processus de changement ?
Être plus performant. Changer ses habitudes. Se développer.
La société nous martèle la nécessité d’être plus que ce que l’on est au risque de ne pas réussir.
Il ne se passe pas une journée sans qu’on nous vante les mérites d’une approche révolutionnaire pour changer.
Mais est-il réellement possible de se transformer, de se réinventer avec d’autres attributs que ceux que l’on a toujours cru avoir ?
Petit détour par mon histoire. Octobre 2015. Avez-vous déjà ressenti une angoisse telle à l’idée d’aller au travail qu’une peur intense vous a envahi ?
Cette nuit là, j’ai envisagé de ne pas aller travailler le lendemain, de tout claquer. Je ne l’ai pas fait, mais ça a été le début d’un long processus qui aboutit aujourd’hui à un profond changement dans ma vie professionnelle.
Ce changement n’a été possible que parce que j’ai été transformé personnellement durant ces trois années. Mais cette transformation n’est pas le fruit d’une méthode tout en un qui garantie le bonheur si vous appliquez quelques principes simples. Elle est l’expression des modifications graduelles qui se sont opérées dans ma manière d’interpréter le monde.
Ce dont on se pense capable, ce que l’on croit nous caractériser, ces habitudes qui régissent notre quotidien sont le fruit des représentations de nous-même que nous avons mis plusieurs années à construire. Elles sont les filtres qui altèrent notre interprétation des données brutes du monde qui nous entoure.
Le sens que l’on donne à son expérience de vie est pleinement dépendant de ce que l’on pense déjà. On nomme cela des croyances limitantes. Notre cerveau nous pousse à privilégier les informations qui valident ces croyances. Il nous enferme dans une routine sécurisante mais antagoniste au changement.
Aujourd’hui, j’arrête mon activité médicale pour créer mon entreprise. Je quitte la sécurité d’un emploi à l’hôpital publique parce que je suis convaincu que j’ai plus à apporter à la société. Cette conviction est née de mon parcours transformationnel.
Il n’a pas été simple et rapide. Il a nécessité de se confronter à de nouvelles réalités qui m’étaient imperceptibles auparavant. Il a été source d’expérimentations relationnelles et comportementales plus ou moins fructueuses. Il m’a conduit à reconsidérer de nombreux aspects de ma vie qui auparavant m’apparaissaient des évidences. Les abandonner a souvent été douloureux.
Il m’a permis de ne plus me sentir aliéné par la contrainte sociale et le regard de l’autre et de m’autoriser à affirmer ce que je pensais être juste. L’autre n’a alors plus été une menace contre laquelle je devais me défendre mais une source perpétuelle d’enrichissement.
Ce parcours, comme tout processus de changement s’est enraciné dans un besoin vital qu’il se passe quelque chose pour continuer à avancer. Confronté à cette tension interne bien trop envahissante, je n’avais d’autres choix que de trouver des solutions.
La solution la plus aisée est souvent de renforcer son organisation usuelle, sa routine, pour retrouver un sentiment de sécurité. Je l’ai pratiquée de nombreuses années. Mais ce n’est que transitoire et surtout profondément aliénant. C’est une solution solipsiste qui conduit à la rigidification et empêche le développement.
Pour croître et accepter la menace que représente le changement, il est nécessaire d’embrasser le risque inhérent de la confrontation à l’autre. On ne change jamais seul. On ne change que parce qu’on accepte que l’autre nous remodèle.
Ce processus transformationnel s’est construit dans l’acceptation de la multiplicité des réalités et de l’absence d’une vérité unique. S’ouvrir au regard de l’autre sur le monde nous ouvre à une compréhension bien plus vaste.
Je crois avoir expérimenté la poursuite du développement naturel de l’adulte. La société a su créer un contexte porteur du développement de l’enfant et de l’adolescent. Et puis, arrivé à l’âge adulte, elle oublie de nous rappeler que l’on peut continuer à se développer.
Pourquoi ne dit-on pas que la croissance et le développement est quelque chose qui se poursuit toute la vie ? Nous restons malléables jusqu’à notre mort. Notre potentialité à croître est là, mais nous l’avons perdue de vue. Il nous appartient alors de prendre la décision de réinvestir cette croissance.
Mais comment faire ?
Le premier pas : Se confronter à l’adversité, accepter sa présence sans être dans l’évitement. Puis, réussir à accepter que l’on n’est, pour le moment, pas suffisamment outillé pour la dépasser.
Le deuxième pas : accepter de se confronter à de nouvelles manières de voir le monde. Accepter de les intégrer pour commencer à changer. « Je peux être différent. » Accepter que l’autre, que ce soit une personne ou simplement sa pensée, qu’il soit en accord, ou en contradiction avec vous, soit une source de changement.
Le troisième pas : chercher activement ces autres qui vous aident à remodeler votre façon de vous confronter au monde pour pouvoir lui donner un sens différent, plus à même de vous soutenir dans votre développement et votre transformation.
Il est possible de décomposer ce processus de transformation :
La phase d’initiation, lorsque que l’on se confronte à une situation qui nous perturbe et dépasse notre manière usuelle de concevoir le monde. On y ressent une tension qui doit trouver une voie de résolution au travers de la construction de nouvelles manières de penser le monde.
C’est une phase où la crainte de l’inconnu peut nous déborder et nous pousser à retourner vers nos modes de fonctionnement usuels.
La phase de collision des perspectives qui nous confronte aux limites de nos modèles de pensée et nous offre de nouvelles perspectives dans la rencontre avec des systèmes de pensée différents du notre.
C’est une phase de découverte où l’angoisse laisse la place à l’excitation d’assembler les pièces du puzzle. Le sentiment que l’on approche un niveau de compréhension nouveau est grisant et nous pousse vers l’avant.
La phase d’intégration, où nous articulons ces nouvelles perspectives avec l’existant, nous réorganisons nos croyances et nous atteignons un nouveau stade de développement. Il nous permet d’apporter un nouveau regard sur les challenges auxquels nous nous confrontons et de trouver des solutions différentes de celles que nous avons toujours apportées.
L’intégration de ces nouveaux modes de pensée est coûteuse et potentiellement déstabilisante. interpréter et donner un sens différent au monde qui nous entoure, à nos relations, à nos investissements et à nos comportements est loin d’être aisé. Cela nous confronte même à la nécessité d’opérer de nouveaux changements.
Il est peut-être alors nécessaire d’être soutenu dans cette démarche. Que ce soit un proche, un collègue, un coach, trouver quelqu’un qui peut interroger notre statu quo et nous pousser à regarder le monde d’une autre manière est une étape déterminante de notre croissance en tant qu’adulte.
Et maintenant ?
J’aborde ce nouveau défi avec une certaine angoisse pour être franc. Les étapes franchies jusque là m’ont donné la certitude que créer mon entreprise était le chemin que je voulais suivre. Mais j’avais oublié la solitude face à l’angoisse de ne pas réussir à franchir ces nouvelles étapes.
Se transformer est un cycle perpétuel si on accepte de s’y lancer. Ce n’est pas une tâche aisée mais elle est autant source de craintes, que d’une profonde satisfaction.
Lorsque l’on accepte que notre réalité n’est pas la seule et que d’autres réalités peuvent nous aider à mieux comprendre le monde qui nous entoure et à y fonctionner de manière plus fluide, il devient aisé de porter un intérêt franc et sincère à ceux qui nous entourent.
S’appuyer sur les autres, prêter à attention à ce qu’ils nous disent réellement et pas à ce que l’on veut entendre, être attentif à eux. C’est à partir de là que l’on peut commencer à changer.
Même si ce n’est pas simple, la réponse est oui, il est possible de se transformer en profondeur, avec les autres.