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Pourquoi je n’aurais jamais pu publier mon livre il y a 15 ans (et je ne suis pas le seul)

Valentin Decker
Essentiel
Published in
6 min readMar 31, 2018

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Il y a quelques mois, j’ai publié mon premier livre, “Devenir remarquable à l’ère du numérique”.

À l’heure où j’écris ces lignes, j’en ai vendu environ 150 exemplaires et il m’a rapporté un peu moins de 500€.

Ces chiffres sont faibles, mon livre ne laissera aucune trace dans l’histoire et je ne suis pas le nouveau Tim Ferriss.

Mais ce n’est pas grave. Ce n’est pas ce que je recherchais.

Ce que je voulais, c’était écrire. Créer quelque chose de mes mains. Me faire plaisir, publier mon livre et trouver une petite audience de lecteurs. De ce point de vue, ce projet est une réussite.

Ce livre, je l’ai publié en décembre 2017. Mais, si j’avais voulu le faire quelques années plus tôt, il y a 15 ans par exemple, je n’aurais pas pu. Cela aurait été impossible.

Ce n’est pas lié au contenu du livre, mais à l’économie des hits.

Une économie de hits

Il y a une quinzaine d’années, le monde du livre, et de n’importe quelle industrie culturelle (films, musique, jeux vidéo, etc.), était un monde dans lequel les blockbusters et les hits régnaient sans partage.

Seuls les créateurs qui avaient un succès gigantesque, avec des milliers / millions de fans, pouvaient exister. Pour tous les autres, c’était impossible de se faire une place.

Seuls ceux qui parvenaient à toucher le marché de masse existaient. Pour ceux qui possédaient une petite audience, c’était comme s’ils n’avaient pas de fans.

Retournons 15 ans en arrière.

Imaginons que je parvienne à dépasser le premier obstacle qui s’oppose à tout écrivain débutant : trouver un éditeur.

Le deuxième obstacle, celui de la distribution, aurait été infranchissable.

Les librairies et les magasins qui vendent des livres faisaient face, et c’est encore le cas aujourd’hui, à une contrainte difficilement surmontable : la taille finie de leurs rayons et de leur point de vente.

Les gestionnaires de points de vente doivent faire une sélection des produits qu’ils mettront en rayon. Chaque place qu’occupe un livre doit être rentabilisée. La pire chose qui puisse arriver à ces gestionnaires, c’est de proposer des produits qui ne se vendent pas. C’est de gaspiller leur espace avec des flops commerciaux. Ceux-ci représentent un grand risque :

  • Ils ne génèrent aucun chiffre d’affaires
  • Ils prennent la place d’autres oeuvres qui se vendraient potentiellement beaucoup mieux
  • Ils engendrent des coûts de stockage et de conservation additionnels

À cette contrainte d’espace en boutique, s’en ajoute une supplémentaire, tout aussi difficile à surmonter : la contrainte géographique.

Un magasin physique ne peut attirer une clientèle que dans une certaine zone donnée, qui s’étend plus ou moins entre 20 et 30km autour de l’emplacement du point de vente.

Prenons par exemple, un cinéma de taille moyenne. Pour que la projection d’un film soit rentable et qu’elle couvre les coûts du cinéma, elle doit rassembler au minimum 1 500 spectateurs en 2 semaines.

Aujourd’hui, de très nombreux films ont la capacité de rassembler une audience de 1 500 spectateurs sur 2 semaines à travers le monde. Mais cela n’a aucune importance. Le film doit rassembler ce même nombre de personnes dans un rayon géographique donné, d’une 30aine de kilomètres. Et le challenge est beaucoup plus compliqué.

Avec les contraintes des emplacements physiques, ce qui compte, ce n’est pas l’audience globale d’un créateur ou d’une oeuvre, mais son audience locale.

Les 150 lecteurs de mon livre sont disséminés un peu partout en France : ils ne m’auraient été d’aucune utilité pour convaincre un libraire de mettre mon livre en rayon. Mon livre n’aurait pas rentabilisé l’espace qu’il occupe en rayon. Je n’aurait eu aucune chance.

Pour des raisons économiques basiques, on voit bien que les magasins ne peuvent pas se permettre de mettre en rayon des livres, films ou CDs qu’ils ne sont pas certains de vendre un minimum. Ils ont beau être des amoureux de lecture avec la volonté d’aider les petits créateurs, cela n’a aucune importance.

La seule chance pour un magasin spécialisé d’exister et de proposer des oeuvres de créateurs indépendants, c’est de se trouver dans une zone géographique suffisamment dense, pour rassembler assez de personnes prêtes à acheter des produits de niche.

Sinon, la seule option est d’être un magasin généraliste et de mettre en rayon des produits grands publics. Parce qu’on est sûr qu’ils vont se vendre.

Une économie qui écrase les petits créateurs

Dans l’économie des hits, il n’y avait que deux options :

  • Tu es un petit créateur indépendant et tu n’as aucune chance qu’une audience ne découvre et ne consomme tes produits
  • Tu as un niveau de succès incroyable, car tu parviens à produire des hits et tu es distribué partout

Seuls ceux qui parvenaient à produire des hits étaient récompensés ; et ils l’étaient de manière phénoménale. Les riches s’enrichissaient et accumulaient toujours plus de succès.

Il y a une quinzaine d’années, le nombre de CDs différents que l’on pouvait acheter dans les magasins Wal-mart étaient de 4 500. Parmi ceux-ci, le Top 20 des ventes générait à lui seul 90% des revenus.

Pour Wal-mart, le calcul était simple : ils avaient intérêt à maximiser la présence en rayon des Top 20 albums et à ne vendre que ce type de produits. Au détriment de tous les autres.

Pour un créateur, les règles du jeu étaient limpides : il parvenait à toucher le grand public, ou n’existait pas.

Le problème, c’est que produire des hits est difficile et n’est pas à la portée de tout le monde. En plus d’une grande part de chance, cela demande beaucoup de moyens :

  • De l’argent et du matériel pour faire des films
  • De l’argent et du matériel pour enregistrer des albums
  • Du temps (et donc de l’argent) pour écrire des livres
  • Des contacts pour faire distribuer son oeuvre
  • De l’argent pour pouvoir financer un stock en avance
  • etc

Les créateurs indépendants sont écrasés, abandonnent devant la difficulté de la tâche ou échouent face au goulot d’étranglement qu’est la distribution de ses produits.

Une économie qui standardise les goûts

De l’autre côté, le consommateur est encouragé à consommer ces hits. Les budgets Marketing sont colossaux et les magasins concentrent leurs efforts pour les mettre en avant.

Il est très difficile de trouver des produits de niche. Impossible si l’on ne se trouve pas dans une très grande ville.

Le marché de masse et l’uniformisation forcée des goûts des consommateurs ont fait s’imposer une croyance que l’on peut remettre en question :

Si une oeuvre est populaire et se vend beaucoup, c’est parce qu’elle est de grande qualité. Si un produit est mainstream, c’est parce qu’il est excellent et que tout le monde l’apprécie.

Le succès commercial d’un produit s’explique t-il par sa très bonne qualité ? Ou plutôt, par le fait qu’il ait été martelé à une très large audience, à coup de grands plans marketing ?

C’est un débat et une question difficile à trancher.

La réponse se situe sûrement entre les deux.

Le système était fait de telle manière qu’il favorisait les hits et les gros succès commerciaux. Il leur créait un cercle vertueux. Et créait un cercle vicieux équivalent, pour les non-hits.

C’est pour cette raison que Michael Jackson est parvenu à vendre 82 Millions d’exemplaires de son album Billy Jean et à produire $1,7 milliards de valeur, le plus haut total de l’histoire.

Aujourd’hui, avec Internet, cette économie des hits meurent progressivement.

Et c’est tant mieux.

D’un marché de masse, on se dirige vers un marché composé d’une multitude de petites niches, qui donne la possibilité aux créateurs de tous horizons de trouver leur propre petite audience.

C’est l’objet de mon second livre. Tu veux être tenu au courant de sa sortie et voir comment j’avance sur son écriture ? Laisse-moi simplement ton mail !

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