Pourquoi je ne prends plus de compléments alimentaires multivitaminés

Près d’un Français sur trois consomme régulièrement des compléments alimentaires. La promesse des labos ? Satisfaire parfaitement nos besoins nutritionnels, et nous permettre d’être en meilleure forme et en meilleure santé avec un effort minimum. Urbain pressé d’une trentaine d’années, cible idéale, j’en ai pris pendant longtemps. Mais je vais vous expliquer pourquoi je n’en prends plus — et par quoi je les ai remplacés.

Les Français sont de plus en plus accros aux compléments alimentaires

Aujourd’hui 1 Américain sur 2 prend des compléments alimentaires régulièrement. Sans surprise il s’agit du plus gros marché pour ces produits au niveau mondial. Nous sommes loin de ces chiffres en France — où les compléments alimentaires se sont développés dès les années 80 — mais la tendance est là : entre 2007 et 2015, le taux de pénétration des compléments alimentaires est passé de 20 à 29 %, soit une augmentation de 50 % en 8 ans.

À l’échelle mondiale, on parle d’une industrie pesant 107 milliards d’euros en 2018, qui devrait doubler d’ici 2025 pour atteindre 218 milliards d’euros. C’est donc une tendance lourde, aux États-Unis, en France, mais aussi dans des pays émergents tels que la Chine et l’Inde. Les médecines traditionnelles de ces géants asiatiques ont à cœur la complémentation alimentaire, et leurs dépenses en matière de santé augmentent de façon exponentielle.

Est-ce surprenant ? Pas vraiment. Le terrien moyen est aujourd’hui plus stressé et sédentaire qu’avant, de plus en plus connecté aux réseaux, a donc des problèmes de sommeil et moins de temps à consacrer à l’exercice physique et à son alimentation. Prendre un complément alimentaire chaque matin promettant de combler tous ses apports en nutriments est donc un « no brainer » — une action qui paraît totalement évidente.

Il faudrait pourtant réfléchir à la question.

Des pilules surdosées qui peuvent aussi tuer

Au fil de mes recherches et lectures sur ce sujet qui me passionne, j’ai trouvé de nombreux articles de médias de référence démontrant l’inutilité et la dangerosité des compléments alimentaires multivitaminés. Voici un petit recueil à faire s’étouffer l’avaleur de gélule le plus confiant :

Are supplements killing you: the problem with vitamins and minerals, The Atlantic

We should never have told people to start taking vitamins, Business Insider

Why vitamin pills don’t work, and may be bad for you, BBC

The vitamin myth: why we think we need supplements, The Atlantic

Compléments alimentaires : des produits très connus épinglés, Le Progrès

Si vous n’avez pas le temps de lire ces articles, voici un aperçu des études scientifiques évoquées :

• Des scientifiques souhaitant vérifier l’effet positif de la prise de sélénium et de vitamine E sur la prévention du cancer de la prostate ont réalisé une étude à grande échelle (étude SELECT). À leur grande surprise, ils ont constaté une augmentation de 17 % du risque de développement d’un cancer de la prostate chez les hommes prenant de la vitamine E quotidiennement. Les scientifiques ont dû arrêter l’étude précipitamment compte tenu des nombreux cas de cancer qui se déclaraient.
• Une étude réalisée en 2017 a montré que la prise d’antioxydants sous forme de compléments alimentaires augmentait le risque de mort de 5 %.
• Une étude réalisée sur 23 000 Suédois a démontré que la prise excessive de vitamine C multipliait par deux le risque d’avoir des calculs rénaux.
• Une étude réalisée sur 10 ans a démontré que la prise régulière d’acide folique (ou vitamine B9, recommandée généralement aux femmes enceintes) par les femmes était responsable d’une augmentation de 20 % du risque de cancer du sein.
• Une « méta » étude réalisée par le National Cancer Institute (États-Unis) concernant 230 000 personnes prenant ou non des vitamines a montré que la prise de vitamines était responsable d’un risque accru de cancer et de maladies cardiaques.

Et il y en a beaucoup d’autres comme ça. Sans rentrer dans le détail des explications scientifiques, deux messages ressortent :

Le problème de nombreux compléments alimentaires multivitaminés est qu’ils sont pour la plupart surdosés

Un exemple avec une boite de Bion 3 « Énergie continue », un complément très répandu et consommé en France : il contient 300 % des VNR (valeur nutritionnelle recommandée) pour les vitamines B1, B2, B8, 250 % pour les vitamines B5, et toujours plus de 100 % pour les vitamines B3, B6 et C.

La conclusion des scientifiques ayant réalisé ces études est que ce ne sont évidemment pas les vitamines et minéraux en soi qui sont dangereux, mais leur surdosage. Par exemple, il s’avère qu’un excès d’antioxydants (comme la vitamine C) est mauvais pour notre corps (on parle du « paradoxe des antioxydants »).

Il n’est pas équivalent d’ingérer une même quantité de nutriments avec une gélule et avec un aliment

On observe un « effet cocktail » positif lorsque nous mangeons un fruit par exemple, avec une interaction entre vitamines, minéraux et autres composés (pour beaucoup méconnus) qui fait que l’assimilation des nutriments est optimisée, et qu’un surdosage est presque impossible.

La plupart des compléments alimentaires multivitaminés posent un autre problème, relevé notamment par 60 Millions de Consommateurs dans un dossier récent sur le sujet : la dangerosité avérée ou suspectée de certains excipients utilisés (additifs tels que des colorants, des arômes, ou utilisés pour la composition de la gélule).

De la nécessité d’une approche mesurée, et plus globale

Même en mangeant équilibré, il est impossible de couvrir parfaitement tous ses besoins en nutriments, d’autant plus que l’apport nutritionnel des fruits et légumes a baissé ces dernières décennies compte tenu de la généralisation de l’agriculture intensive (même s’il ne s’est pas effondré comme on a pu le voir dans de nombreux articles).

Partant de là, plusieurs solutions se profilent pour celles et ceux souhaitant avoir des apports nutritionnels « optimaux ».

Choisir ses compléments alimentaires de façon plus avisée et personnalisée.

Un fumeur par exemple aura besoin de plus de vitamines C qu’un non-fumeur, et il pourra donc choisir un complément spécialisé d’une part, et pour autant non surdosé en vitamine C d’autre part. On peut avoir des besoins particuliers à certaines périodes de la vie, c’est le cas des femmes enceintes par exemple, ou l’hiver quand nous sommes moins exposés au soleil et produisons donc moins de vitamine D.

Partant de ce constat, plusieurs startups se sont récemment lancées dans le secteur, avec des cures de compléments alimentaires personnalisées en fonction de nombreux critères tels que l’âge, le sexe, les habitudes alimentaires ou l’hygiène de vie. Leurs produits sont peut-être un début de solution.

Il faut dans tous les cas en référer à son médecin traitant, le plus à même de valider l’intérêt ou non de tel ou tel complément alimentaire en fonction de sa situation.

Diversifier et enrichir son alimentation quotidienne avec des aliments très riches en nutriments

La règle simple sur laquelle tous les médecins nutritionnistes sont d’accord est que plus notre alimentation est diversifiée, meilleure est notre santé. Car en consommant de nombreux aliments aux caractéristiques et apports nutritionnels différents et complémentaires, nous avons beaucoup moins de chance de manquer d’un nutriment en particulier — et on ne passe pas à côté de nombreux composés organiques (connus et inconnus) qu’on ne trouve pas en gélules.

Évidemment on parle ici d’aliments sains à la base, qu’il s’agisse de fruits et légumes, de bonnes huiles, de poisson, etc.. Et non d’aliments nutritionnellement « vides » comme des pâtes de blé raffiné ou de la mayonnaise.

Et comme tous les aliments ne se valent pas, l’idéal est d’intégrer à son régime alimentaire des « aliments exceptionnels » (aussi appelés « super aliments ») qui apporteront plus de nutriments que la moyenne, et permettront de maximiser nos chances de couvrir nos besoins nutritionnels. Je parle ici d’aliments tels que la spiruline, le ginseng, le cacao cru ou le curcuma (nous avons réalisé des dossiers sur plusieurs de ces aliments sur notre blog). Des aliments exotiques, mais pas seulement, l’œuf, tout simplement, est un des aliments les plus riches qui soient.

Attention ces aliments ne sont pas magiques, et manger de la spiruline ou des œufs matin midi et soir ne vous apportera rien de bon, mais — sauf carence spécifique — leur intégration intelligente dans votre régime alimentaire quotidien devrait vous éviter de prendre des compléments alimentaires multivitaminés. C’est en tout cas le choix que j’ai fait.

Même s’ils peuvent être dangereux, il ne s’agit pas de bannir les compléments alimentaires multivitaminés. Mais, comme ce secteur est très peu réglementé, contrairement aux médicaments, il ne faut pas avoir une confiance aveugle vis-à-vis des industriels. Il s’agit de choisir ses produits avec intelligence, en faisant la part entre l’utile, le superflu et le nocif. Et surtout aller chercher son bien être et ses nutriments dans la nature, chez des aliments particulièrement bénéfiques, à intégrer dans une alimentation la plus diversifiée possible !