Quelques réflexions au sujet de l’ego et du syndrome de l’imposteur.
« Le pire ennemi que vous pouvez rencontrer sera toujours vous-même »
— Friedrich Nietzsche
Sur la route du succès, le combat ne se fait pas avec les autres. Mais avec nous-même.
Nos doutes, notre arrogance, notre impatience et notre ambition sont à la fois nos plus grandes forces et faiblesses.
C’est difficile de trouver le juste équilibre et d’avancer sereinement.
Surtout, quand on essaie de faire de l’art.
Deux grands obstacles se dressent face à nous, avec chacun leurs pièges respectifs :
- Le syndrome de l’imposteur.
- Notre ego, et les mythes qui y sont associés.
Syndrome de l’imposteur
Dans cet article, j’expliquais pourquoi les débuts sont chaotiques. Peu importe ce que l’on fait.
C’est parfaitement normal et tout le monde passe par là. Nous devons simplement l’accepter comme un fait, contre lequel nous ne pouvons rien. Ne pas se décourager et continuer à avancer coûte que coûte.
Même si l’on parvient à passer cette étape initiale, ce n’est pas gagné pour autant. Et le prochain obstacle sur notre route se nomme le syndrome de l’imposteur.
Ce syndrome peut se définir par l’impression que « l’image que les autres ont de nous ne correspond pas à notre réalité interne. »
Ce syndrome est souvent évoqué par certains leaders ou personnalités, vers qui l’on se tourne pour qu’ils nous montrent la voie et nous donnent des conseils. Alors qu’en interne ils n’en savent rien et ont, eux aussi, leurs nombreux doutes.
Ce syndrome peut se matérialiser de plusieurs façons :
- L’impression de ne pas être à notre place. On renvoie l’image que tout va bien, mais les doutes internes sont nombreux.
- L’impression d’un manque de légitimité par rapport aux autres et aux « experts » du domaine dans lequel on souhaite évoluer. On les regarde d’en bas, en se disant que le chemin pour les rattraper est trop long.
- On se dit que l’on doit d’abord faire nos preuves dans une voie traditionnelle pendant plusieurs années avant de pouvoir espérer quoi que ce soit.
Dans cet article, j’expliquais comment le syndrome de l’imposteur me touchait personnellement :
« Quelle crédibilité ai-je à faire ce truc ?
Il y a des dizaines, des centaines, de personnes plus qualifiées que moi dans ce domaine, des experts qui font ça depuis toujours. Alors pourquoi moi, je ferais ça ? Pourquoi les gens liraient ce que j’écris ? Je suis loin d’être le plus intéressant.
Ces questions, je me les suis posées lorsque j’ai publié un article qui tente d’expliquer comment fonctionne notre cerveau et nos biais mentaux. Pourquoi moi ? Je ne suis pas chercheur et je n’ai fait aucune étude de psychologie. »
Lorsque l’on innove, que l’on cherche à faire les choses de manière différente et que l’on ne fait pas comme les autres, notre cerveau n’est pas dans sa zone de confort. Il n’aime pas ça. Il nous dit que l’on serait mieux dans une voie classique. En sécurité.
On assume difficilement ce que l’on fait. On en a presque honte.
Le syndrome de l’imposteur est sa manière de nous le faire comprendre.
C’est parfaitement normal. C’est même le signe d’une bonne santé mentale. Pour faire le parallèle avec le monde des start-ups, Reid Hoffman, le fondateur de Linkedin, nous explique que « si on n’est pas embarrassé par la première version de notre produit, c’est qu’on l’a lancé trop tard. »
Dans une interview accordée à Vogue Magazine, Emma Watson explique qu’elle « lutte » avec son succès, qu’elle se sent régulièrement comme un « imposteur » et qu’elle se sent « inconfortable » avec son métier d’actrice. Elle se demande régulièrement : « pourquoi moi, je ferais ça ? »
Après avoir remporté un Oscar de meilleure actrice, en 1999, pour le film « Les Accusés », Jodie Foster expliquait qu’elle avait peur qu’on lui demande de rendre son Oscar. « Je pensais que c’était un énorme coup de chance. C’était pareil quand je marchais sur le campus de Yale. Je pensais que tout le monde allait me démasquer, et qu’ils allaient me reprendre mon Oscar. Ils viendraient chez moi, frapper à ma porte, “Excusez moi, nous voulions le donner à quelqu’un d’autre.” ».
Les biographies ont cela de puissant qu’elles nous montrent les doutes et failles des gens. Elles nous montrent que même les plus grands de ce monde ne se sentent pas complètement à l’aise avec ce qu’ils font. Qu’ils font avec, tant bien que mal.
Mais, tous ont un point commun : ils voient le syndrome de l’imposteur comme une formidable opportunité pour se bouger, se dépasser et progresser dans ce qu’ils font.
De ne jamais se satisfaire et de toujours essayer de devenir meilleur.
Le mythe de l’ego
L’un des plus grands mythes à propos de la réussite est de penser que les gens doivent leur succès grâce à un ego surdimensionné. On pense que ces gens ne doutent jamais, qu’ils ont une confiance absolue en leurs capacités et qu’ils n’hésitent pas à écraser les autres en chemin.
Ce mythe nous fait également croire que l’humilité est une forme de faiblesse qui nous rend vulnérable aux attaques des plus forts. On nous dit de nous protéger, et de ne rien montrer. De ne surtout pas être vulnérable.
Mais rien n’est plus faux. Historiquement ça n’a jamais été le cas, et ça l’est encore moins aujourd’hui, à l’ère d’Internet.
Ryan Holiday a écrit « Ego is the Enemy », un livre fondateur sur la question de l’ego.
Il y définit l’ego comme « un sentiment non-sain de notre propre importance. »
L’ego peut se manifester de plusieurs façons. L’ego nous fait penser que nous sommes spécial. Que le monde nous doit quelque chose. Que les règles ne s’appliquent pas à nous. L’ego nous rend aveugle. L’ego nous pousse à chercher des gratifications à court terme, au détriment de nos objectifs à long terme. L’ego nous pousse à transformer un petit désagrément en attaque personnelle.
« Confiance en soi devient arrogance, affirmation devient obstination, et assurance devient imprudence » — Bill Walsch
Ryan Holiday décompose la vie d’une personne comme passant par 3 phases :
- La phase dans laquelle on se dirige vers le succès. On ne possède rien de particulier, mais on est ambitieux.
- La phase dans laquelle on a du succès. Nos ambitions ont été assouvies et nous sommes au sommet.
- La phase dans laquelle on a perdu le succès. Et on essaie de le retrouver tant bien que mal.
Au travers de nombreux exemples historiques, il explique comment l’ego peut nous détourner et nous empêcher d’accomplir ce que l’on souhaite, pendant chacune de ces 3 phases. Il montre comment l’ego peut détruire une personne. Et à l’inverse, comment les personnes ayant le plus de succès ont su faire taire leur ego et rester humble toute leur vie.
→ Napoléon s’est laissé submerger par son ego. Ses premiers succès ne l’ont pas rassasié. Il voulait toujours plus. Aller toujours plus loin. Sa dernière campagne en Russie est la preuve d’un homme qui avait perdu toute lucidité. Il n’était plus capable d’analyser objectivement la situation.
→ La situation est similaire pour Alexandre Le Grand qui voulait devenir le maître du monde. Sa folie l’a poussé à vouloir conquérir l’Asie.
→ Dans un autre domaine, Lance Armstrong est également un homme qui s’est laissé prendre par son ego. Il voulait laisser une trace indélébile sur le palmarès du Tour de France, peu en importe le prix. Il pensait pouvoir tricher impunément et que les règles ne s’appliquaient pas directement à lui.
« Si tu ne peux pas ravaler ta fierté, tu ne peux pas diriger. » — Genghis Khan
Sit down, be humble.
À l’inverse, les personnes avec le plus de succès sur la durée ont su rester humbles toute leur vie et ne se sont pas laissés enivrer par leur ego.
- Ces personnes savent remettre les choses en perspectives.
Nous ne sommes rien dans l’immensité du monde. Nous n’en sommes qu’une infime partie, des grains de sable. Le temps va à la fois très vite et très lentement. La Seconde Guerre mondiale n’était qu’il y a 70 ans. La Révolution Française n’était qu’il y a 3 siècles. Et puis tant d’hommes et de femmes ont déjà accompli des choses extraordinaires avant nous.
On a tendance à oublier cette perspective et il est facile de tomber amoureux de sa propre grandeur. De se laisser porter par son ambition et de se focaliser sur ses propres aspirations. Pour en oublier tout le reste.
Les personnes à succès savent que, pour d’innombrables raisons, tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Que la vie ne tient qu’à un fil.
Dans sa biographie, Phil Knight le fondateur de Nike, raconte comment la mort de son fils lui a fait l’effet d’un électrochoc. Il était à la tête d’une des marques les plus puissantes du monde. Cette perte lui a violemment remis les pieds sur terre et lui a rappelé de toujours rester humble.
2. Ces personnes, comme Aristote, « savent qu’elles ne savent rien. »
C’est certainement l’une des choses qui m’a le plus frappé quand je repense aux nombreuses biographies de personnes à succès que j’ai eu l’occasion de lire. Tous soulignent à quel point la quête de la connaissance dans un domaine est infini et que personne ne peut avoir la prétention de tout savoir. Plus ces personnes en savent et plus elles se rendent compte qu’ils leur restent énormément d’autres choses à connaître.
C’est le sens de la citation de John Archibald Wheeler : « Nous vivons sur une île entourée d’une mer d’ignorance. Au fur et à mesure que notre île de connaissance grandit, de même le rivage de notre ignorance. »
Une nouvelle fois, le milliardaire Warren Buffett propose un bel exemple de ce rapport entre connaissance et ignorance. Buffett a basé sa carrière d’investisseur financier sur le principe du cercle de compétences. Le concept est assez simple. Plutôt que de vouloir se diversifier et essayer de maîtriser tous les domaines (ce qui est impossible, surtout en finance de marché), il faut se concentrer sur un seul point précis que l’on connaît à la perfection, en fonction de ses qualités et appétences propres, et dans lequel on a très peu de chances de se tromper.
“What an investor needs is the ability to correctly evaluate selected businesses… You don’t have to be an expert on every company, or even many. You only have to be able to evaluate companies within your circle of competence. The size of that circle is not very important; knowing its boundaries, however, is vital.”
— Warren Buffett
Buffet ne sort jamais de ce cercle, sous aucun prétexte. C’est la raison principale qui fait qu’il n’a jamais investi dans les nouvelles technologies. Il ne les comprend pas.
À sa place, combien se serait laissé prendre par leur ego ? Ayant déjà amassé une fortune colossale, combien aurait commencé à penser qu’ils avaient compris les rouages de la bourse et qu’ils étaient capables d’avoir raison sur n’importe quel sujet ?
L’ego à l’ère d’Internet
Nous l’avons vu, un ego surdimensionné n’est pas un prérequis indispensable quand on parle de réussite.
C’est même tout le contraire. Et c’est encore plus vrai à l’ère du numérique.
Il y a quelques années, il était encore possible d’arnaquer ses clients ou de mal traiter ses collègues sans en subir les conséquences.
Si les clients avaient une expérience d’achat détestable, cela s’arrêtait là. Et comme les choix étaient assez limités, ils étaient contraint de revenir chez vous.
Ce n’est plus possible aujourd’hui. Plus aucun chef d’entreprise ne peut se permettre d’afficher une attitude détestable en public. Le sort de Travis Kalanick, fondateur et ancien CEO d’Uber en est un bon exemple. Plus aucune entreprise ne peut se permettre de mal traiter ses clients ou ses salariés, sous peine de se prendre des mauvais commentaires sur Booking, Airbnb, Glassdoor, Tripadvisor, La Fourchette, Yelp, Google, Facebook, etc.
Avec Internet, plus aucun secret n’est secret.
Les consommateurs ont tellement de choix, qu’il leur est très facile d’aller voir ailleurs. Et de s’identifier à la marque concurrente qui les traitera mieux et dont le PDG diffusera des valeurs plus humaines.
Écraser les autres pour son propre son succès ne fonctionne pas.
L’heure est à l’empathie. Pas à l’arrogance ou la supériorité.
L’ego peut permettre de gagner des petites victoires à court terme, mais la vie est un jeu qui se gagne sur le long terme.
“Every man I meet is my superior in some way. In that, I learn of him.”
— Ralph Waldo Emerson
Cet article est extrait de mon premier livre : “Devenir remarquable à l’ère du numérique”.