Qu’est ce qu’un bon livre de management ?

Daniel Kahneman, Robin Hanson et Victor Ferry

Fabien Dussaucy
Essentiel
5 min readNov 10, 2020

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Chaque année, plusieurs milliers de livres “non littéraires” sont publiés en France. Ce genre regroupe les thématiques suivantes : l’art, la culture, la société, la nature ou plus généralement l’ensemble des livres liés au savoir. Parmi cet univers très large, une catégorie a particulièrement explosé ces dernières années: les livres de management, de gestion et de développement personnel. Face à tant de contenus, comment distinguer le bon grain de l’ivraie?

Comment juger de la qualité d’un livre de management? de sa valeur?

Un premier critère: “la qualité du contenu”

Avant de se lancer dans la rédaction de son ouvrage, un auteur commence par rassembler et organiser ses connaissances. Son objectif est de transmettre un savoir et de faire découvrir de nouvelles perspectives à ses lecteurs. L’auteur doit lui-même être compétent, et expert des sujets sur lesquels il écrit.

Un livre qui peut servir de référence pour la qualité de son contenu est Thinking Fast and Slow de Daniel Kahneman. Dr Kahneman résume dans ce livre, l’ensemble de ses 40 années de recherche scientifique. Il y décrit par exemple nos différents modes de pensées, les limites de l’homo economicus, ainsi que nos biais qui nous empêchent de voir le monde et d’y réagir tel qu’il est vraiment. En tant qu’éminent psychologue, prix Nobel d’Économie, Dr Kahneman propose un livre avec un contenu très riche et une vraie profondeur d’analyse, validée par ses pairs.

Thinking Fast and Slow — Daniel Kahneman

Mais la qualité du contenu n’est pas un critère suffisant pour affirmer qu’un livre est bon, il manque une dimension importante, le lecteur.

Un deuxième critère: “notre compréhension du livre”

Au-delà de la qualité et de la pertinence du contenu, un bon livre dépend aussi de la réception que nous en faisons. L’auteur doit s’attacher à rendre son livre lisible et compréhensible. Retranscrire directement des connaissances complexes sans effort de synthèse rendra l’ouvrage indigeste.

Bien sûr, l’auteur ne peut pas satisfaire tous ses lecteurs, entre le néophyte et l’expert, les attentes sont différentes. Cibler un public donné, choisir un niveau de complexité adapté et marketer son livre en conséquence sont des étapes indispensables pour s’assurer que les lecteurs ont bien identifié le niveau d’expertise nécessaire avant d’acquérir un livre.

Un bon exemple d’erreur d’appréciation est The age of EM(ulation): work, love and life when robots rule the earth de Robin Hanson, que j’ai lu il y a quelques mois.

The Age of EM — Robin Hanson

L’auteur y présente à quoi ressemblerait une société uniquement composée d’Intelligences Artificielles. La grande singularité est arrivée, les machines et les émulations sont reines, et l’homme est devenu littéralement hors sujet. Le livre explique alors dans le détail les relations sociales entre IA, leurs activités économiques, leurs distractions, ainsi que leurs activités reproductrices… Malgré un contenu très riche et intéressant, le livre m’était très pénible à lire. Le niveau de complexité proposé par l’auteur dépassait mes compétences et capacités d’abstraction.

Un bon livre serait donc un livre avec un contenu de qualité, adapté à notre niveau d’expertise et qui nous permet donc de comprendre simplement la pensée de l’auteur.

Mais ces critères ne sont pas suffisants, et oublient la raison principale qui nous pousse à lire ce type de livres.

Un troisième critère: “la mise en action”

“Pourquoi lisons-nous des livres de management ou de développement personnel?”

Qu’est ce qui nous motive à investir 5 ou 10h de notre temps dans un ouvrage? Est-ce simplement l’envie d’apprendre de nouvelles choses?

Oui, nous lisons ces livres là pour apprendre. Mais nous les lisons surtout parce que nous croyons qu’ils peuvent améliorer nos vies.

Et c’est rarement le cas: lire un livre ne suffit pas pour devenir meilleur. Ce n’est même pas une condition nécessaire.

Il est en effet beaucoup plus facile d’ouvrir un nouveau livre en espérant que celui-ci provoquera un déclic dans notre vie que de passer à la pratique sur les nouveaux concepts appris. Si lire ne s’accompagne pas d’une mise en application concrète, ce temps investi devient du temps gâché. Tout autant que de regarder une série pour se distraire.

Et c’est la grande force du premier ouvrage de Victor Ferry, 12 leçons de rhétorique pour prendre le pouvoir. La structure est assez linéaire et didactique. La prose est soignée, avec quelques formules chocs bien senties, comme dans ses vidéos Youtube.

12 leçons de rhétorique pour prendre le pouvoir — Victor Ferry

Mais le livre réussit à nous pousser à l’action dès les 15 premières pages. Il nous met face à nos contradictions :

  • Qui n’a jamais souhaité changer les choses, s’affirmer et reprendre le pouvoir sur ce qui l’entoure?
  • Et après quelques élans belliqueux s’est rassis dans son canapé devant Netflix ou un jeu vidéo?

En pointant du doigt nos faiblesses, nos contradictions et nos incohérences, Victor Ferry réussit à nous pousser à l’action, à nous réveiller pour les causes qui nous semblent importantes.

Son livre est un peu à l’image d’un pep talk d’un coach à la mi-temps d’un match de football américain:

Coach Gaines’ Final Pep Talk

Il devient un moyen d’atteindre une idée plus grande et plus forte:

Gagner un match contre Chiefs de Kansas City, ou se lever pour changer sa vie.

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Fabien Dussaucy
Essentiel

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