Quoi, tu connais pas les podcasts ?

Anne-Paule DUBOULET
Essentiel
Published in
5 min readOct 29, 2020
(photo : Erzetich poyr Pixabay)

C’est après en avoir entendu parler deux fois dans la même journée que j’en suis venue à m’interroger sur ce phénomène : écouter des podcasts. Pour celles et ceux qui ne sauraient pas ce que c’est, je précise que les podcasts sont des fichiers audios, que l’on peut écouter sur son téléphone par exemple. Leur accès est très simple, d’autant qu’il existe quantité de podcasts gratuits.

C’est un média en pleine expansion, et il existe des podcasts pour tous les goûts. Certains sont simplement des enregistrements d’émissions de radio, tandis que d’autres ont clairement un contenu qui a pour objectif de nous apprendre quelque chose, voire de nous former. On ne compte plus les podcasts sur l’Histoire, la cuisine, le yoga, les œuvres d’un musée…

Un argument avancé par ceux qui les proposent revient très souvent : on peut écouter un podcast en faisant autre chose, ce qui représente un gain de temps formidable. C’est sur ce point que je me suis interrogée un peu plus : qu’est-ce qu’il y a derrière cette simultanéité ?

Il est clair que de nos jours, le gain de temps, ou au moins une meilleure gestion du temps, est une préoccupation pour des millions de gens. Comment faire pour « caser » tout ce qu’on a à faire dans une journée qui fera toujours 24 heures ? La tentation est grande de faire plusieurs choses en même temps : faire réciter une leçon à son enfant en repassant du linge, appeler un.e ami.e en allant faire ses courses (merci le kit mains libres dans la voiture !), regarder une série en déroulant le fil d’actualité d’un réseau social, etc. Les podcasts s’inscrivent tout à fait dans cette logique : on peut écouter un livre audio en faisant son footing, écouter un podcast sur l’Histoire de France en lavant les sols de sa maison, ou encore écouter, tout en faisant ses courses, l’interview d’un pâtissier qui explique comment il a quitté un emploi dont il ne pouvait plus pour enfin faire quelque chose qui a du sens pour lui.

Mais n’est ce pas étrange qu’en même temps, des voix s’élèvent régulièrement pour nous enjoindre à … faire une seule chose à la fois !?

Christophe André par exemple, auteur de nombreux ouvrages sur la méditation, explique régulièrement les bienfaits de la pleine conscience : faire quelque chose et ne faire que cela, en portant son attention sur ce que l’on est en train de faire, ou bien sur ce qui nous entoure. Même s’il ne s’agit pas nécessairement de méditer, c’est se faire un cadeau à soi-même que de prendre son café le midi tranquillement, sans traiter ses mails en même temps, et sans commencer à essayer de résoudre les problèmes qui vont se poser pendant la réunion tout à l’heure. Idem pour le fait d’aller marcher en appréciant de sentir ses muscles travailler, l’air frais qui entre dans les poumons, le paysage autour de nous… sans rien faire d’autre en même temps.

Dominique Loreau, auteure de « Faire le ménage en soi, faire le ménage pour soi », dit tout le bonheur qu’il y a à ranger et nettoyer sa maison. Elle explique même que cela peut devenir un exercice spirituel, et on peut en déduire qu’il serait par conséquent inconcevable de le pratiquer en écoutant un podcast sur les trésors du musée du Louvre !

J’apporterai ici une précision sur le cas particulier de la musique : faire quelque chose en écoutant de la musique, ce n’est pas la même chose que le faire en écoutant quelqu’un parler. L’activité cognitive n’est pas la même : quand quelqu’un parle, il s’agit de l’écouter, de donner du sens à ce qu’il dit, éventuellement d’envisager ce qu’on va en faire, surtout si on veut se rappeler certaines choses. Je dis d’ailleurs souvent aux jeunes qu’ils peuvent faire leurs devoirs en écoutant de la musique, mais de préférence avec des paroles dans une langue étrangère. Cela évite les interférences avec ce qu’ils sont en train de lire ou de se réciter mentalement.

Que penser alors des podcasts, qui nous invitent à gagner du temps en faisant plusieurs choses à la fois, nous empêchant par là même d’être pleinement présents à ce que nous faisons ?

Cette question est révélatrice des injonctions contradictoires dont nous sommes victimes tous les jours (1). L’exemple typique, qui confine au ridicule, est celui de ces magazines qui nous proposent, dans un même numéro, un article sur des astuces pour maigrir et une super recette de gâteau au chocolat au mascarpone… Et je ferai prochainement un article sur la contradiction qu’il y a à préconiser de lâcher prise (pour aller mieux), tout en ne lâchant rien (pour réaliser nos rêves) : comment sommes-nous, pauvres mortels, censés faire pour concilier les deux ?!

Entendons-nous bien : je ne remets pas un instant en cause tout l’intérêt des podcasts, qui peuvent s’avérer distrayants, amusants, instructifs… Tout l’enjeu est de se demander pourquoi on l’écoute.

Si c’est pour que le temps passe plus vite pendant qu’on est en train de faire une quelconque activité qui ne nous motive pas du tout, fort bien. Les podcasts permettent d’accéder à des contenus bien plus variés et qualitatifs que ce qui peut passer à la radio au moment où on a envie d’écouter quelque chose. Autant en profiter !

Si c’est pour apprendre quelque chose, pour en retirer un savoir qu’on voudrait utiliser plus tard, je ne peux que vous inviter à lui porter toute votre attention, et là c’est l’orthopédagogue qui parle !

Alors et vous, quelle utilisation faites-vous des podcasts ?

Amicalement,

Anne-Paule de www.coachetplus.fr

(1)J’avais trouvé une jolie contradiction entre ces deux citations : « Il n’est pas de vent favorable à celui qui ne sait pas où il va » (Sénèque), et « On ne va jamais aussi loin que lorsqu’on ne sait pas où on va » (Christophe Colomb). La réflexion sur cette contradiction m’avait amenée à expliciter la notion de sérendipidité, sur laquelle je travaille régulièrement avec les jeunes qui cherchent leur orientation. L’article que j’ai écrit sur le sujet est accessible ici.

--

--