Un temps favorable à la déconnexion

Aude Nguyen Van Phu
Essentiel
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15 min readMay 3, 2020

Parmi les personnes que j’ai eu le plaisir d’interviewer pendant ce confinement, il y a celles qui ne voient pas le temps passé, celles qui trouvent le temps trop long, celles qui s’interrogent sur le sens de leur activité, celles qui voient cet événement comme un accélérateur de transformations, celles qui craignent que le monde d’après soit comme celui d’avant, celles qui découvrent les joies du tout numérique et celles qui en comprennent les limites.

Quel que soit notre avis et notre situation de confiné, force est de constater que notre quotidien à tous est chamboulé. Nos rapports au travail, au temps et à l’autre sont particulièrement bousculés en cette période de transition. L’heure est à la réinvention, et pourquoi pas aussi, à la déconnexion ? Réflexion sur les opportunités offertes par ce confinement.

© lemodeavion.com

1. Revaloriser le temps long

Que vous soyez en flux tendu ou au point mort, vous avez sûrement dû revoir la façon dont vous gérez votre emploi du temps. Pour certains, le rythme s’est accéléré alors que pour d’autres, la cadence a ralenti. Quoi qu’il en soit, vous devez composer avec une nouvelle expérience du temps.

Pour vivre ce changement plus sereinement, beaucoup ont imaginé de nouveaux rituels. D’abord, des rituels sociaux avec les e-cafés et les e-apéros, pour lancer et clôturer la journée tous ensemble, mais aussi des rituels sportifs, ou encore des rituels d’aération mentale propices aux activités autres que le travail.

Ces rituels deviennent nécessaires pour mettre des frontières là où les repères spatio-temporels structurant la vie professionnelle et la vie personnelle n’existent plus. Sans eux, il est très facile de perdre cette notion du temps et de se retrouver dans son salon, en chaussons, à travailler jusqu’à pas d’heures.

Philippe Canonne, DRH, nous met en garde :

« La pire des exploitations, c’est l’auto-exploitation : le type qui se sent obligé de répondre à un mail à 22 h ! Il n’y a rien de pire que les gens qui se managent eux-mêmes. Il faut des garde-fous. »

Pour éviter de tomber dans cet écueil, certains managers prennent l’initiative de bloquer dans les agendas de leur équipe des temps de pause et d’arrêt de l’activité. Ainsi, les collaborateurs de Yannick Charron, DRH chez SAS Institute, savent qu’entre 12 h 30 et 14 h et qu’à partir de 18 h, il est temps de déconnecter et de prendre un moment pour soi et pour ses proches.

La flexibilité offerte par cette nouvelle manière de travailler, déspatialisée et asynchrone, nous invite donc à réinventer notre routine et à revoir la gestion de notre temps.

Ce peut être l’occasion de réapprendre à produire sur des temps longs. Souvenez-vous de ce temps où vous étudiez pendant des heures à la bibliothèque, sans aucune interruption. Revalorisez ces longues plages de temps, ces moments où vos petits font la sieste, ces heures matinales où tout le monde dort encore, ces temps où votre conjoint s’occupe des enfants, pour créer votre bulle de travail, vous couper de toute distraction et vous concentrer pleinement sur une seule et même activité.

Le temps long a du bon : il permet de développer vos performances cognitives et de ralentir la cadence. Il donne à votre cerveau le temps et l’espace dont il a besoin pour mémoriser les informations qu’il reçoit, jouer avec ces idées et faire émerger des pensées nouvelles.

Alors, profitez de ce nouvel environnement de travail, où les sollicitations sont moins nombreuses qu’en open space, pour privilégier le travail en profondeur (deep work). Vous accéderez ainsi plus facilement au flow, cet état d’esprit qui survient lorsque vous vous immergez dans une tâche, au point que tout disparaît autour de vous.

Si vous avez des enfants à garder, vous avez tout intérêt à planifier des créneaux de travail de 1 à 3 h sans interruption, plutôt que de respecter vos horaires de travail habituels, au cours desquels vous serez constamment dérangé. Cette façon de faire semble réussir à Séverin Legras, Responsable Équipe Transformation Agile chez Rhapsodies Conseil :

« Même si les journées sont plus courtes avec deux enfants de 11 et 6 ans à gérer, je suis 20 à 30 % plus performant en télétravail qu’au bureau. »

Pour Philippe Pichon, Responsable Accélération Transformation Digitale Communication chez Orange, c’est l’occasion de retrouver un rythme de vie équilibré et de se poser des questions essentielles :

« Quelle est la priorité dans nos vies : le travail ou les relations familiales ? Quelles sont les choses qui comptent vraiment pour nous ? »

Le temps long offre les conditions idéales pour se consacrer à des sujets de fond, retrouver le plaisir de la réflexion, et aussi (re) prendre goût à la lecture. En modifiant notre rapport au temps, la lecture nous invite à décélérer et à nous déconnecter de la pression. Contrairement à un article en ligne, lire un ouvrage demande du temps. Lorsque vous plongez dans un livre, vous ne zappez plus, vous vous installez dans le temps. Cette discipline bénéficie à votre faculté d’attention, mais aussi à votre santé mentale.

Que vous soyez en activité ou non, le contexte actuel est particulièrement propice aux temps longs, sans distraction. Sacralisez ces moments pour prendre de la hauteur, favoriser la proactivité à la réactivité, et booster votre énergie et votre créativité, en alternant des phases de concentration intenses et des phases plus légères, consacrées au loisir.

2. Revaloriser le loisir et l’ennui

À ceux qui ont le sentiment de courir après le temps, à ceux qui s’ennuient et qui cherchent désespérément à tuer le temps, ce confinement est justement l’occasion de redécouvrir le plaisir de prendre son temps et de vivre selon sa propre temporalité.

Françoise Sagan, écrivaine, disait :

« Mon passe-temps favori, c’est de laisser passer le temps, avoir du temps, prendre son temps, vivre à contre-temps. »

Dans un monde où tout s’accélère, où il est mal vu de s’arrêter et de ne pas travailler en tout temps, l’heure est à l’oisiveté.

Mais Gaspard Kœnig nous l’accorde :

« Il n’est pas aisé de devenir oisif. […] Il faut une discipline de fer pour se déconnecter des chaînes de messages, s’arracher aux pensées utilitaires, renoncer à l’optimisation logistique. »

Pourquoi redoutons-nous tant le temps libre ?

Pourquoi préférons-nous perdre du temps à procrastiner au lieu de ne rien faire ?

Peut-être parce que le multitâche nous donne l’illusion d’être productifs. Peut-être parce que l’inactivité et le succès sont antinomiques dans notre société.

Ou est-ce là l’œuvre de la dopamine, l’hormone de la récompense, qui nous fait préférer la gratification immédiate aux bienfaits durables que nous apporte une vraie pause ?

Quelle qu’en soit la raison, l’ennui nous est difficile à supporter et chaque temps mort laisse désormais place au clic et scroll frénétiques.

Cette intolérance à l’ennui a été mise en évidence par une étude, réalisée en 2015. Des chercheurs ont demandé à des individus de rester assis pendant 15 minutes dans une salle, sans téléphone, et leur ont offert la possibilité, s’ils le désiraient, d’appuyer sur un bouton pour recevoir un choc électrique désagréable. Aussi surprenant que cela puisse paraître, 66 % des hommes ont préféré appuyer sur ce bouton et s’électrocuter plutôt que de se retrouver seuls face à eux-mêmes.

Pourtant, on sait aujourd’hui à quel point il est vital de recréer des plages de vide, de rien, pour faire taire ces sollicitations permanentes et se reconnecter à soi. Preuve en est : le succès de la méditation et des retraites.

Dans ce rythme effréné, nous en avons oublié les vertus de l’ennui sur nos fonctions cognitives.

Chaque moment de vide est l’opportunité de stimuler votre réseau du mode par défaut — un ensemble d’aires cérébrales qui s’active quand on ne fait rien, grâce auquel la pensée se met à vagabonder et les idées les plus fertiles surgissent.

Dans son livre Petit éloge de l’ennui, la psychothérapeute Odile Chabrillac nous assure que

« L’ennui est un souci tant qu’on y résiste. Dès lors qu’on le laisse nous envahir, cela devient du lâcher-prise. »

D’où l’importance d’avoir un agenda qui respire, qui ne cherche pas à remplir le moindre laps de temps libre, pour souffler, récupérer, laisser son esprit errer, prendre du recul et s’aménager des transitions entre les tâches.

« Ce temps oisif, en apparence “perdu”, est un précieux moyen de maintenir le cap, d’être plus efficace et de ne pas oublier le sens profond de notre action », écrit Rémy Oudghiri dans son livre Déconnectez-vous !

Un constat partagé par Laurent Allary, Fondateur de Magellan and Cheers consulting, qui était jusque là très sceptique sur l’introduction du télétravail auprès de son équipe :

« Ce travail à distance forcé, aux côtés de ma femme et mes enfants, m’a permis de percevoir tous les bénéfices apportés par une nouvelle forme d’organisation du travail, en pointillé, entrecoupée par des temps de détente et des moments de qualité. L’esprit est beaucoup plus productif et la journée beaucoup plus agréable. »

De la contrainte du confinement peut aussi naître la créativité.

« Parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense ! » nous dit Charles Baudelaire.

Rodolphe Bernard, Chief Innovation Officer for Corporate Market chez LCL, a ainsi imaginé un challenge créatif en interne pour réinventer le métier de banquier à distance et repenser leurs modes de fonctionnement.

À défaut d’activer votre réseau par défaut pour nourrir votre imagination, vous pouvez y avoir recours pour vous ressourcer. C’est ce que propose Arthur Kenfack, Responsable Transformation Digitale chez Les Indés Radios. S’imposer des points de déconnexion pour ne se laisser happer par la folie numérique, créer dans son emploi du temps des « rendez-vous avec soi-même », que l’on traite avec la même importance que des rendez-vous avec ses clients ou ses équipes est pour lui, la seule façon de lever le pied sinon « je suis tenté de toujours continuer à avancer sur un projet. », admet-il.

D’après lui, « ces temps offline journaliers, imposés par les temps de vie familiaux, sont plus faciles à respecter en confinement. Ils permettent de renouer avec l’instant présent et d’éviter ces moments de surchauffe. »

Profiter de ces temps d’inactivité pour contempler la nature peut également s’avérer salutaire. La biophilie, soit l’étude des bienfaits du vivant sur l’être humain, nous apprend que l’observation de la nature est une excellente façon d’oxygéner notre cerveau et de retrouver de l’énergie. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’on est enfermé chez soi. Aussi, si vous n’avez pas la chance d’avoir un jardin, vous pouvez peut-être observer les arbres depuis votre fenêtre, ou au moins le ciel. En regardant les feuilles bouger, les nuages passer, la pluie tomber ou le soleil se coucher, votre cerveau se régénère, votre rythme cardiaque ralentit et votre niveau de stress diminue.

D’ailleurs, saviez-vous qu’Isaac Newton a découvert la loi de la gravitation alors que lui aussi était confiné ? Il s’était enfermé dans sa demeure pour échapper à la Grande Peste de Londres, entre 1655 et 1656. La légende dit qu’il était assis contre un pommier, mais en vérité, il se promenait dans son jardin lorsque l’idée lui est venue. C’est au contact de la verdure, au moment où son réseau par défaut était actif, que cette révélation lui est apparue.

Nous vivons dans une société surréactive qui nous demande d’être toujours plus performant, plus innovant, plus créatif et d’avoir des idées en permanence, mais on oublie une chose essentielle : l’oisiveté fait partie de la création, de même que l’inactivité participe à la productivité.

Notre cerveau a besoin de ces temps de non-travail, de ces temps de maturation, de ces temps d’incubation créative pour mémoriser les informations et connaissances acquises, créer des connexions nouvelles entre des zones auparavant non connectées et générer des pensées brillantes, que nous n’aurions pas pu produire consciemment.

Byung-Chul Han affirme lui aussi, dans La société de la fatigue, que la contemplation, l’ennui profond sont indispensables à la créativité.

Alors, serez-vous un contemplatif ou un surréactif ?

Si le vide vous donne le vertige, vous pouvez vous adonner à d’autres loisirs déconnectés. Les bienfaits sur votre charge mentale seront tout aussi importants !

Pensez à ces activités que vous avez toujours voulu commencer, mais que vous avez mises de côté par manque de temps. Réfléchissez aux choses qui vous enrichissent et vous donnent de l’énergie.

Qu’aimeriez-vous faire de ce temps perdu dans les usages du numérique ?

Ce peut être l’occasion de redécouvrir des activités que vous aimiez faire par le passé, mais que vous ne faites plus.

Lire, écrire, rêvasser, méditer, dessiner, se cultiver, se mettre au tricot, trouver son ikigaï — soit la raison pour laquelle vous vous levez chaque matin, colorier un mandala, compléter son album photos, cuisiner, redécouvrir le Scrabbe, réécouter ses albums favoris, danser, jouer de la musique sur son balcon… sont autant d’activités qui donneront de la valeur à cette déconnexion et qui vous aideront à vous détourner des écrans.

Cette période de bouleversement est le prétexte idéal pour explorer, tâtonner, tester, se tromper et recommencer ! Aussi bien au niveau personnel que professionnel.

Votre cerveau vous sera d’autant plus reconnaissant de découvrir des activités nouvelles. Pour favoriser votre plasticité cérébrale, vous avez tout intérêt à le surprendre, à le dérouter, à l’ouvrir au changement et à quitter vos automatismes.

Levez-vous plus tôt, modifiez l’ordre de votre routine matinale — par exemple, séance de méditation/petit-déjeuner/douche, installez votre bureau à un autre endroit, faites une journée de travail sans mail, mangez de la main gauche si vous êtes droitier, empruntez un parcours différent pour faire votre jogging, passez un week-end sans écran et sans montre… Bref, profitez-en pour bousculer vos habitudes et renforcez ainsi l’agilité de votre esprit !

Le télétravail nous offre plus de flexibilité, plus de temps pour soi qu’il est important de préserver puisque notre créativité en dépend. Si vous utilisez ce temps précieux pour rattraper le retard dans votre travail, vous risquez de passer à côté de tous les bienfaits offerts par le temps libre et de vous brûler les ailes à la longue.

3. Revaloriser l’humain

Si vous êtes en ce moment en télétravail, vous passez probablement la majorité de votre journée sur Zoom, Skype, Google Meet ou Teams. Alors que certains voient en ces outils de communication collaborative, un moyen formidable de maintenir le lien social, d’autres en découvrent les limites.

C’est le cas de Gabriel Szapiro, PDG du Studio Butterfly, qui regrette le temps où nous pouvions échanger en présentiel :

« Avec Zoom, les réunions sont plus rapides, plus concrètes, plus cadrées, on gagne du temps, mais à quoi bon gagner du temps si on perd en humanité ? Zoom ne laisse pas la place au réel échange. Il manque le charme de l’inattendu, de l’imprévu, de la spontanéité ! Tout est préparé, analysé, hiérarchisé, on suit un ordre du jour bien précis, mais il n’y a plus d’espace pour l’informel. Même lors des e-apéros, avec ce mur du digital, on se force, ce n’est pas naturel. La vie, c’est la rencontre humaine, c’est la joie d’avoir une conversation en face à face, avec le regard, les expressions, le ton, la gestuelle, le sourire, le plaisir, le désir… et c’est ressentir les émotions de l’autre ! Sans ça, la vie n’a plus aucun sens. Cette vision selon laquelle la technologie domine nos relations est un non-sens. Le digital doit rester un moyen, un outil, pas une fin en soi. Si la technologie guide notre vision de la vie, où allons-nous ? Posons-nous des questions de fond : pourquoi vivons-nous ? Ce n’est sûrement pas pour être plus productif via Zoom ! »

Si tous n’ont pas un avis aussi tranché sur le digital, beaucoup partagent le manque de discussions informelles en cette période de télétravail intensif.

Il est important de mentionner que d’après cette étude, 70 % des informations partagées dans une journée de travail le sont de manière informelle. Le concept de sérendipité prend ici tout son sens : les interactions fréquentes avec ses collègues à la machine à café, à la sortie d’une réunion, dans l’ascenseur ou dans l’escalier, sont à l’origine de nombreuses idées neuves et projets novateurs.

Pour pallier la perte de l’informel, des managers ont initié sur WhatsApp ou sur Slack, la création de groupes ou de chaînes dédiées à l’humour, au partage de memes, d’expériences et de passe-temps. Ces soupapes de décompressions favorisent le partage d’émotions, nourrissent le lien à l’autre et contribuent à entretenir la dynamique de l’équipe !

Faute de pouvoir échanger un sourire ou un mot doux quand on se croise dans les couloirs, d’autres privilégient l’envoi de messages de reconnaissance ou de félicitations.

Les plus technophiles d’entre eux ont automatisé sur Slack un message qui apparaît, lorsque vous arrivez à votre bureau virtuel, pour vous poser les questions suivantes :

  • Votre météo du jour ? (Autrement dit, comment vous sentez-vous aujourd’hui ?)
  • Vos objectifs du jour ?
  • Les obstacles que vous rencontrez ?
  • Une victoire pro et/ou perso à partager ?

Vous saluez ainsi vos collègues le matin et prenez quotidiennement de leurs nouvelles, ce qui vous donne l’occasion de leur apporter un soutien psychologique, si certains en expriment le besoin, ou de les aider à résoudre leurs problématiques éventuelles. Un excellent moyen de responsabiliser tous les membres de l’équipe et de favoriser l’entraide mutuelle !

Pour susciter l’enthousiasme et stimuler l’énergie, d’autres sont encore plus imaginatifs ! Paul Féraud, co-fondateur de l’agence de communication Octave x Oscar, invite ses collaborateurs à lancer une musique, à chaque arrivée d’un membre de l’équipe, pour démarrer la réunion virtuelle sur une bonne note. Si vous êtes plus de 10 dans l’équipe, vous préférerez peut-être célébrer les accomplissements de chacun en chanson !

Vincent Dumont, Président de Chaïkana, a quant à lui imaginé une nouvelle façon de vivre l’entreprise en organisant un séminaire virtuel avec toute son équipe. Au programme de cette journée : café virtuel, cours de stretching, célébrations en équipe, séance de brainstorming et happy hour.

Que ce soit via des séminaires, des points journaliers, des appels réguliers et individuels avec ses collaborateurs ou des réunions d’équipe, la clef de réussite du travail à distance, c’est de toujours bien communiquer ! Le contexte actuel nous invite à formaliser l’informel, à partager nos ressentis, nos besoins, nos questionnements, nos accomplissements, les difficultés que l’on rencontre et nos priorités du moment.

C’est l’occasion unique d’initier de nouveaux usages et modes de travail, de prendre de bonnes habitudes organisationnelles et d’adopter un management plus humain, basé sur la confiance et sur la bienveillance.

Si le digital est souvent accusé de déshumaniser nos rapports, il faut admettre qu’il est un excellent moyen de compenser le besoin de l’autre et du contact humain en ces temps de distanciation sociale.

Mais comme le rappelle Gabriel Szapiro, compenser ne veut pas dire satisfaire !

Cette situation inédite agit pour certains comme élément déclencheur : elle marque la nécessité de remettre l’humain au cœur des relations et de privilégier les conversations intimes, ininterrompues par des sons, des vibrations et des voyants rouges.

Ce besoin d’humanité dans le monde du travail est ressenti par Stéphanie Kanor, Responsable du service QVT à la Mairie de Saint-Ouen :

« On a oublié la politesse avec le digital. On perd énormément dans la qualité de l’échange. On transmet beaucoup plus facilement la pression et le stress par mail. Quand on se retrouve face à une personne, on réagit différemment, avec plus d’humanité. »

Isabelle Rahe Journet, Directrice Générale chez We agency Paris, note que ses équipes plébiscitent désormais moins le télétravail :

« Ce qui est surprenant, c’est que beaucoup d’entre eux redécouvrent l’importance des relations humaines, du travailler ensemble, physiquement, côte à côte. Même les Millenials ont hâte de retrouver le bureau. Le lien social est un élément fondamental de nos métiers. »

Des témoignages qui vont dans le sens de cette étude d’Harvard, réalisée sur 75 ans, qui a découvert que le bonheur réside dans la qualité des relations humaines. Trois générations de chercheurs se sont succédé pour scruter la vie de 724 personnes et découvrir au bout du compte que les relations profondes suffisent à nous rendre heureux ! Celles-ci auraient par ailleurs un impact positif sur notre état de santé et sur nos capacités cognitives.

Alors, n’oublions pas ce sentiment, à la sortie du confinement, qui vous incitera peut-être à vous octroyer des pauses déconnectées en présence de vos collègues, de votre conjoint ou de vos enfants, pour leur accorder toute votre attention et recréer ainsi des liens profonds.

Ces moments de qualité sont si précieux que vous pourriez même inviter votre entourage à faire pareil, en ludifiant cette déconnexion : Donnez un gage à votre enfant s’il consulte son portable à table ou proposez à vos collègues de faire une tour de smartphones lors vos futurs afterworks. Le premier qui vibre offre sa tournée !

Connectés ou non, il est fort à parier que nos échanges vont s’améliorer et que nous allons revenir à l’essence même de notre humanité, à ce besoin de coopérer et de prendre soin de l’autre pour avancer.

Un pas vers la sagesse

Dans une société hyperconnectée et hyperactive, où nous sommes sans cesse sollicités, le confinement introduit un temps de pause qui modifie notre rapport au temps et nous ramène à l’essentiel.

Dans ce contexte où le numérique est mis à l’honneur, la déconnexion apparaît comme l’une des clefs pour réapprivoiser le temps long, le loisir et l’ennui. C’est en perdant l’interaction physique que beaucoup se sont rendu compte de l’importance de la dimension humaine — libre, spontanée et informelle, dans notre rapport à l’autre.

Finalement, redonner de la valeur au temps long, au loisir et à l’humain, c’est redonner de la valeur à la vie et faire contrepoids à la virtualisation des relations et au diktat de l’immédiateté.

En nous invitant à faire un pas de côté, à questionner nos habitudes et nos modes de vie, cette crise nous offre le renouveau nécessaire pour en sortir plus sage.

Si vous êtes arrivé. e au bout de cet article sans vous êtes laissé. e distraire, faisons connaissance ! En cette période de confinement, je privilégie les rencontres virtuelles pour comprendre votre rapport au digital, appréhender les changements auxquels vous êtes confronté. e et apporter des réponses aux enjeux numériques du moment, par l’entremise de conférences en ligne. Si vous êtes curieux.se, contactez-moi ou découvrez les offres digital détox que propose le mode avion !

J’en profite aussi pour remercier sincèrement les professionnels qui m’ont accordé leur temps précieux pour échanger sur leurs modes de vie, de travail et de fonctionnement en cette période de chamboulement. Un GRAND merci à :

Philippe Canonne, Stéphanie Kanor, Philippe Pichon, Rodolphe Bernard, Gabriel Szapiro, Séverin Legras, Yannick Charon, Laurent Allary, Arthur Kenfack, Samuel Dadia, Inanna Martin, Valérie Attard, Antoine Macquart, Gilles Assa, Alain Mauries, Marie Chamontin, Adil Zégane, Mathias Bustamante, Jacques Garois, Vincent Dumont, Isabelle Rahé-Journet, Valérie Lecasble, Claire Innavong, Amaury de Bourleuf, Nora Meyer et Leslie Sawicka Namer.

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Aude Nguyen Van Phu
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