Vous avez dit… « évident » ?

Anne-Paule DUBOULET
Essentiel
Published in
5 min readNov 27, 2020
photo chris Liverani pour Unsplash

Vous l’avez peut-être déjà remarqué : pour les parents, c’est souvent plus facile d’aider un enfant à comprendre des choses un peu compliquées, que des choses qui nous semblent évidentes.

Par exemple, on envisage naturellement que le cours de SVT sur la photosynthèse soit compliqué.

Dans ce cas, si notre ado est perdu, on peut reprendre le cours à deux et essayer de le comprendre avec lui. Mais s’il ne comprend pas quelque chose qui nous semble évident, on se sent vite démuni pour l’aider.

Comment expliquer ce qui est devenu automatique pour nous, comme une addition simple ou une conjugaison basique de verbe du 1er groupe ?

Ce qui se passe dans ces cas-là, c’est qu’on a du mal à comprendre que l’autre… ne comprenne pas, pour pouvoir se mettre à son niveau et chercher ensemble, comme si cela n’était pas évident.

C’est pour progresser sur ses aspects que je viens de suivre une formation sur les troubles du calcul et la remédiation en mathématiques. Et c’est cette formation qui m’a inspiré la suite de la lettre.

Si à ce stade de votre lecture vous ressentez comme un malaise et une furieuse envie de cliquer dans « supprimer le message », alors votre réaction correspond à ce que notre formateur nous a expliqué d’entrée de jeu : il y a de l’affect dans les mathématiques !

Bien plus que dans les autres matières scolaires. Lorsque quelqu’un se remémore ses cours d’histoire-géo, il y a bien moins de chances qu’il ait une réaction forte, comme « Oh la la c’était l’horreur, je ne comprenais jamais rien… ».

Alors je fais un pari : je vais vous expliquer 5 principes de base en mathématiques, vous allez tout comprendre, et vous allez même trouver cela intéressant, quel que soit votre rapport aux mathématiques !

Mon but est de changer votre regard sur « l’évidence », et de vous enlever vos complexes si vous vous croyez mauvais en maths. Au passage, vous aurez des pistes pour aider vos enfants. On y va ?

Ces 5 principes concernent le comptage, ou le dénombrement, c’est-à-dire la façon dont on s’y prend pour compter le nombre de pommes qu’on a cueillies ou le nombre de jours jusqu’à Noël. Ils ont été définis en 1983 par Rachel Gelman, qui était psychologue.

1 : Le principe de suite stable : les mots nombres doivent toujours être récités dans le même ordre

Quand on compte, on doit dire 1, 2, 3… toujours dans le même ordre. Rappelez-vous la façon dont vos enfants ont commencé à compter !

Cela donnait souvent quelque chose comme 1, 2, 4, 6, 4, 7… avec un ordre complètement aléatoire et parfois plusieurs fois le même nombre.

En grandissant, les jeunes enfants doivent apprendre par cœur cette suite de mots, dans l’ordre exact. Ce n’est pas facile pour eux d’intégrer qu’il y a cette contrainte à respecter, et qu’après 5 on dit 6 et pas autre chose.

Une façon de les aider consiste à compter les marches quand on monte un escalier, ou les carreaux du carrelage au mur dans la baignoire.

2. Le principe de l’indifférence de l’ordre : les unités peuvent être comptées dans n’importe quel ordre

Quand on a un alignement de 12 petits LEGO devant soi, on peut les compter de droite à gauche ou de gauche à droite, on peut compter d’abord les rouges puis les bleus, ou inversement : il y en a toujours 12.

C’est évident ?

Oui, mais pas pour un petit, qui aura besoin de compter « dans tous les sens » pour vérifier par lui-même qu’on tombe bien toujours sur « 12 », quelle que soit la façon dont on compte.

3. Le principe de correspondance terme à terme : à chaque unité on fait correspondre un mot nombre

Quand on compte une série d’objets, il faut dire UN mot pour chaque objet, et ça non plus cela ne va pas de soi pour un petit.

On le voit bien avec de jeunes enfants qui comptent des objets : leur doigt se promène ici et là, pointe un objet pendant qu’ils disent « 3 », puis en pointe un autre pendant qu’ils disent « 4, 5 ».

Il faut les entraîner à compter les objets un par un, en avançant d’un nombre à chaque fois qu’on change d’objet.

4. Le principe cardinal : le dernier mot-nombre prononcé se réfère à l’ensemble

Quand on compte des objets et qu’on dit « 7 » sur le dernier, cela veut dire qu’il y a 7 objets. Et quand on les compte dans un ordre différent, on va finir sur un autre objet, et on dira toujours « 7 » !

Cela aussi peut paraître étrange pour un petit, et il faut le faire expérimenter lui-même cette curiosité.

5. Le principe d’abstraction (mon préféré !) : toutes sortes d’éléments peuvent être rassemblés et comptés ensemble

On peut compter des choses concrètes, comme les voitures sur le parking, mais on peut aussi compter des choses abstraites, comme son âge en années, le prix en euros d’un paquet de bonbons.

Et on utilise toujours les mêmes mots ! C’est loin d’être évident pour un petit de comprendre que le même mot peut désigner le nombre de paires de chaussures dans l’entrée et le nombre de jours jusqu’aux vacances.

C’est quand même très bizarre d’attribuer le même mot pour des choses qui n’ont rien à voir entre elles, non ?

Et la cerise sur le gâteau, c’est que pour compter, il faut « mettre en œuvre tous les principes simultanément de façon coordonnée » !

Est-ce que vous mesurez maintenant la difficulté que cela représente ?

Nous y arrivons très bien aujourd’hui, car nous l’avons répété et pratiqué de très nombreuses fois, mais pour un enfant, cela demande des années de pratique progressive avant d’y arriver.

Alors, est-ce toujours évident d’additionner 5 bonbons et 4 bonbons ? Maintenant vous savez que non, et que c’est le fruit de tout un apprentissage !

Et c’est pareil pour la géométrie, les fractions, et tout ce qu’on fait en maths : ce n’est pas facile, et il faut qu’à un moment quelqu’un nous l’explique. Et alors, cela peut devenir « évident ». D’ici là, il n’y a pas de complexes à avoir.

Portez-vous bien, et retrouvez-moi toutes les deux semaines dans la lettre de www.coachetplus.fr !

--

--