Les DNVB face à Amazon : pourquoi elles vont résister.

Camille Kriebitzsch
Eutopia VC
Published in
5 min readJan 24, 2018

Les DNVB (Digital Native Vertical Brands) désignent ces nouvelles marques qui se distinguent à la fois par leur modèle intégré (de la production à la distribution en passant par la communication) et par leur maitrise des codes du digital pour s’adresser à une nouvelle génération de consommateurs. Sous ce nom se cachent certaines des plus belles success-stories des startups américaines de ces dernières années : Bonobos, Warby Parker, Glossier ou encore Casper pour n’en citer que quelques-unes. Alors qu’elles franchissent une à une la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires et que le phénomène arrive juste en France, certains prédisent que la stratégie d’Amazon de lancer ses marques en propre pourrait mettre à mal ce modèle. Chez Otium Brands, nous sommes convaincus qu’elles ont encore un bel avenir devant elles. On vous explique pourquoi.

1. La puissance de la marque

Les DNVB, comme Amazon, cherchent à tirer parti de la croissance phénoménale que connait le e-commerce. Mais la ressemblance s’arrête là. Car au-delà d’un nouveau modèle de distribution, c’est une nouvelle génération de marques qui est en train de naître prônant des valeurs de transparence, d’authenticité et de service auxquels les consommateurs aspirent mais qu’ils ne retrouvent plus dans l’offre traditionnelle. Autour de leurs fondateurs et de leurs histoires, par le biais de campagnes de communication décalées et propices à la viralité, ces marques incarnées parviennent à fédérer des communautés de clients engagés qui non seulement leur sont fidèles mais en deviennent aussi les meilleurs ambassadeurs. A l’heure où les consommateurs sont de plus en plus en quête de sens, de circuits courts et d’histoires vraies, la pertinence du modèle des DNVB ne semble en être qu’à ces débuts.

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2. La force de l’expertise

Face à des offres généralistes, les DNVB se positionnent comme des experts. Filière intégrée (c’est le cas de Harry’s qui a racheté son usine de production de rasoirs), modèle unique (comme le matelas Casper), mines de conseils (Glossier est née de la blogueuse Emily Weiss) : elles font le choix d’un secteur, voire d’un produit, qu’elles maitrisent de bout en bout. Elles bénéficient ainsi de deux avantages compétitifs très forts : du point de vue organisationnel d’une part, les équipes peuvent concentrer tous leurs efforts sur un seul type de produit et donc travailler sa qualité, proposer davantage d’innovation, mieux maitriser la chaîne de valeur ; vis-à-vis du consommateur d’autre part, cela leur permet de leur offrir une gamme plus lisible, de gagner en crédibilité, de l’impliquer dans l’élaboration du produit et in fine, d’instaurer une relation de confiance beaucoup plus forte.

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3. La valorisation de l’expérience

La promesse inhérente au modèle d’une DNVB est en effet celle de replacer le consommateur au cœur de sa proposition de valeur et de lui faire vivre une expérience d’achat tout aussi mémorable que le produit en lui-même. Tout le parcours client est ainsi soigneusement travaillé : l’ergonomie et le contenu du site doivent permettre de s’informer facilement (le contenu expert permet d’avoir un discours beaucoup plus pertinent) et donc de trouver le produit le plus adapté à ses besoins, la livraison — à la différence d’Amazon — n’est pas seulement pensée en termes de délais ou de modes de retraits mais en termes d’expérience à part entière (avec un design du colis particulier et bien souvent une petite attention surprise glissée dans le paquet), le service client permet de répondre à toutes les questions à tout moment … De plus en plus, cette expérience se poursuit même dans le monde réel puisque la plupart des DNVB ouvrent des points de vente physiques (éphémères ou permanents) qui réinventent, eux aussi, le modèle de vente traditionnel, pour offrir une expérience beaucoup plus personnalisée et là encore, incarnée.

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4. La profondeur de marché à attaquer

Le marché convoité par Amazon et les DNVB est en très forte croissance et nul ne sait la part que prendront les ventes en ligne dans les années à venir. En France, le e-commerce a en effet grimpé de 15% en 2016 pour atteindre 72 milliards d’euros mais il ne représente pour autant que 8% du commerce de détail avec des grandes disparités selon les secteurs. L’avènement d’une nouvelle génération de consommateurs de plus en plus connectés devrait encore renforcer la part de voix des acteurs spécialisés.

Si la croissance d’Amazon et des DNVB est réelle, leur pénétration reste pour autant encore extrêmement limitée. En France toujours, Amazon n’a aujourd’hui « que » 12% de part de marché du commerce en ligne et moins d’1% du commerce de biens en général et le phénomène des DNVB n’en est qu’à ses balbutiements avec une poignée d’acteurs qui émergent ces dernières années (Sézane, Le Slip Français, Tediber, Bergamotte, Tiptoe, Polène, Laboté, Jimmy Fairly …). La concurrence provient donc encore principalement des acteurs traditionnels mais ce sont eux aussi dont les modèles s’essoufflent le plus. Si l’on regarde ce qui se passe outre Atlantique, les grands groupes s’inclinent progressivement face aux nouveaux entrants (Gilette a ainsi perdu 4% de part de marché quand le Dollar Shave Club en a capté 2% pendant ses 4 premières années d’exerice), Amazon poursuit sa progression folle (et capte déjà 45% du commerce en ligne) sans empêcher les DNVB d’intégrer progressivement le quotidien des consommateurs (des valises aux baskets en passant par les draps). Si le schéma se reproduit en France, les deux modèles proposés par Amazon et par les DNVB ont le potentiel d’avancer de front et de gagner du terrain sur les marques traditionnelles.

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C’est en tout cas la conviction que nous avons chez Otium Brands. Nous pensons que les modèles qui ont prévalu depuis des années ne correspondent plus aux attentes des consommateurs et sont de plus en plus remis en question. Pour des achats efficaces, à faible valeur ajoutée, Amazon sera sans doute la meilleure des destinations (quoi que le succès du Dollar Shave Club montre qu’il est aussi possible de gagner sur ce terrain). En revanche pour des achats émotionnels et engageants pour le consommateur, nous sommes persuadés qu’il y a une place de premier rang à prendre par ces nouvelles marques fortes et inspirantes. Une vision qui semble partagée par les acteurs historiques qui multiplient les acquisitions et les rapprochements avec ces jeunes pousses : c’est leur façon de résister.

Les DNVB vous intéressent ? Ecrivez-nous à hello@otiumcapital.com.

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