Constituer et préparer un board — La vision Evolem Start

Ulys Laroche
Evolem Start
Published in
5 min readJun 23, 2021
Crédit: HBO | Silicon Valley

Les entrepreneurs français se plaignent de la toxicité des board meeting que leur pacte d’actionnaires requiert d’organiser.

On leur reproche souvent d’être le lieu où s’expriment les égos mal placés et les exigences indues, et où l’impréparation fait des ravages.

Chez Evolem, on essaye de penser au sujet de la manière la plus neutre possible, en se posant cette même question centrale et transversale à tout ce que l’on fait avec nos entrepreneurs:

Comment maximiser l’alignement d’intérêts et la trajectoire de nos entrepreneurs ?

A l’origine, un Board of Directors est un organe de gouvernance qui vise à mitiger le pouvoir du ou des mandataires d’une société, agissant comme un contre-pouvoir. Mais dans la pratique, l’esprit est davantage à la concertation et à la maïeutique qu’à la surveillance au sens strict du terme.

Il y a beaucoup de choses dont on pourrait parler mais on a choisi de se concentrer sur les trois aspects qui nous paraissaient les plus essentiels quand on pense à son board:

  • Comment bien le composer et bien choisir ses invités
  • Son fonctionnement et ses modalités pratiques
  • Limiter les risques d’impasse dans la gouvernance

1/ Comment bien composer son board

Expertise vs. transversalité.

  • Dans les deck de pré-seed et de seed, les entrepreneurs, on remarque que les board sont très concentrés: l’expertise est valorisée aux dépens de la diversité des profils et des opinions, et beaucoup d’entrepreneurs peinent parfois à rectifier le tir après un seed ou une série A
  • Or, la palette de sujets cruciaux pour la survie d’une startup répond à la loi de Pareto: 80% des problèmes rencontrés sont des problèmes managériaux et organisationnels, quand seulement 20% auraient justifieraient la présence d’un expert fonctionnel ou marché
  • Les experts d’un marché peuvent avoir les réflexes et schémas de l’industrie que votre start-up va précisément chercher à bousculer - Ces œillères des “experts” du marché sont parfois un frein à l'innovation.

Comités ad-hoc et advisory boards

  • Il faut laisser la possibilité au board d’inviter ponctuellement des experts pour traiter un sujet spécifique, tout comme il peut s'avérer utile d’inviter le C-level concerné par un sujet spécifique à l'ordre du jour du board
  • Le temps des experts est souvent limité. Il est donc préférable qu'il passe du temps à travailler sur des sujets opérationnels très spécifiques avec les équipes, plutot qu'à éduquer un board
  • Les experts sont par définition très connectés à votre écosystème - Vos clients, fournisseurs ou concurrents. Leur présence systématique au board peut donc laisser présager de conflits d’intérêt. Les comités ad-hoc sont un bon moyen de bien maîtriser l’information que l’on partage avec eux

2/ Préparer son board: anticiper c’est avancer

Fonder et faire avancer une start-up, c’est piloter une entreprise qui cherche à trouver un modèle économique réplicable pour servir le maximum de clients à l’échelle. Il y a deux exigences paradoxales: être excellent exécutant et aller vite.

Cette tension n’épargnera pas votre gouvernance, bien au contraire. Aussi, pour bien préparer son board, il faut trouver un subtil équilibre entre rigueur, exhaustivité et efficacité.

Rappel essentiel:

L’objet du board n’est pas de descendre des reporting. Au contraire, l’idée est est davantage de prendre du recul sur le quotidien, de sortir la tête du guidon pour valider qu’on est toujours aligné avec sa stratégie initiale et, le cas échéant, la faire évoluer. Le reporting doit être envoyé chaque mois, indépendamment du board.

Anticiper. Pour bien préparer son board, on peut suivre la séquence suivante:

  • Ordre du jour - Trois semaines avant le board: Les fondateurs proposent un ordre du jour synthétique au moins deux à trois semaines en avance. L’idée est de faire remonter deux à trois dilemmes et/ou décisions clés pour la société, avec pour chacun quelques éléments de contexte, les avantages et inconvénients perçus et conséquences possibles pour la société. Ce sont sur ces sujets non triviaux qu’il faut consulter son board.
  • Préparation du support du board - Une semaine avant: Les fondateurs et leurs équipes préparent le support final pour le board et l’envoient idéalement une semaine avant. Si vous envoyez le support du board la veille, il ne faudra pas vous plaindre de la pauvreté des discussions. Ce temps permet à vos board members de creuser le sujet, voire d’aligner leur position en amont, afin d'être plus efficace pendant le board

Done is better than perfect

  • Envoyer un document légèrement incomplet dans lequel il manque un peu d’information assez en avance est mieux que d’envoyer un document parfait à la dernière minute. Le but reste de mettre la balle dans le camp des membres du board le plus tôt possible, afin de leur permettre d’arriver préparés.
  • Pour cela, les documents Google sont l’outil parfait, qui permet d’itérer sur un Work In Progress qui comprend l’essentiel de l’information cruciale et de garder sur un document l'historique de tous les boards.

Enfin, il est souvent très utile de prendre à chaque fin de board deux fois cinq minutes pour (i) Faire le point sur les décisions actées au board précédent (ii) Préparer les points à discuter sur le board suivant. Cela permet d’aligner tout le monde et de suivre la feuille de route d’un board à l’autre.

3/ La gouvernance dans un board: diviser pour mieux régner

La gouvernance d’une start-up est définie au moment où l’on rédige le pacte d’actionnaires, qui est souvent révisé tour après tour de financement.

Il ne faut donc pas oublier que le board n'est pas que consultatif, il est aussi un organe de décision.

A ce titre, sa composition et les règles de vote doivent permettre d'éviter tout risque de blocage. Par exemple, Evolem n’investit jamais si un investisseur financier seul a un droit de veto dans le board.

Or, avec l’abondance actuelle de capitaux, de plus en plus de fonds souhaitent accélérer leur déploiement en préemptant les tours, sans laisser de place à des co-investisseurs.

Cela optimise deux choses que les entrepreneurs attendent des VC: la vitesse et le signal, mais c’est au prix de (i) un risque de gouvernance non négligeable en cas de conflit (ii) et d’un risque de signal si l’investisseur solitaire décide de ne pas réinvestir.

En tant qu’entrepreneur, il est de votre responsabilité pour la pérennité de votre aventure de veiller à ne pas mettre votre sort dans les mains d’un seul investisseur.

Non seulement votre gouvernance sera saine et équilibrée, mais vous profiterez d’une diversité de points de vue - Laquelle est au moins aussi importante que le signal que vous apporte un très beau nom.

Chez Evolem Start, nous militons depuis le début pour éduquer activement et explicitement les entrepreneurs à ces enjeux de gouvernance avant notre entrée au capital.

On ne peut pas accompagner sereinement un entrepreneur sur la durée sans éliminer l'asymétrie d’information sur des sujets aussi importants.

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