Economie Circulaire — L’état des lieux

Ulys Laroche
Evolem Start
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16 min readApr 30, 2021

Disclaimer:

Les définitions et l’angle choisis sont très subjectifs et visent à ouvrir le débat. Ce papier est une simple tentative volontairement biaisée et incomplète d’éclairage sur un terme, un concept fixé à toutes les lèvres.

Rien ne me ferait plus plaisir que de discuter avec des gens qui liront ce papier. Quelle est votre conception de l’économie circulaire ? Quel est votre définition ? Quels sont vos cas d’usage préférés ?

Introduction

Pour parler d’économie circulaire, on aurait pu parler de la date du dépassement, de notre dette en ressources naturelles qui se creuse à vue d’oeil d’année en année ou invoquer une martingale qui nous plonge directement dans un climat anxiogène.

Mais c’est à mon sens une mauvaise idée. L’économie circulaire est comme l’investissement à impact, un terme en passe de se galvauder et d’être instrumentalisé à des fins de marketing pour vendre des opportunités d’investissement et des services.

En voulant dresser un état des lieux de cette façon d’aborder l’économie et la gestion des ressources naturelles, j’ai pensé que parler des prémisses et caractéristiques était un bon début.

Un bon point de départ de toute réflexion sur l’économie circulaire est sans doute de se demander pourquoi ce terme est revenu sur le devant de la scène. Les progrès et les révolutions industrielles et technologiques se sont succédé à une vitesse phénoménale, et de nombreux signaux montrent que notre gestion des ressources entraîne une grande fragilité du système économique.

En tant que Black Swan Event, la crise sanitaire que l’on vit a mis en lumière un certain nombre de ces fragilités et mis au devant de la scène la grille de lecture de Nassim Nicholas Taleb et sa hiérarchie des systèmes.

Pour l’essayiste, toute entité peut entrer dans trois larges catégories:

  • Fragile: qui craint les évènements inattendus
  • Résilient et robuste: qui est indifférent aux évènements inattendus
  • Antifragile: ce qui profite des événements inattendus

Le monde du VC s’est beaucoup intéressé au concept d’anti-fragilité à l’aune de cette crise, partant à la quête d’organisations et d’idées de business qui présentent cette caractéristique et tireraient leur épingle du jeu à l’occasion de cette épreuve.

Dans le système économique et social fragilisé dans lequel on évolue, concentrer l’afflux de capitaux sur les organisations les plus anti-fragiles semble être l’unique aubaine qui vaille. Mais la question de la résilience des systèmes économiques et sociaux est tout aussi importante, en cela qu’elle représente une étape intermédiaire mais bien nécessaire de correction et d’adaptation.

Tenter de définir l’économie circulaire et ses lignes de force, c’est se poser cette question de la résilience avant d’être en position de penser à l’anti fragilité.

Quand un entrepreneur fonde une start-up dans le domaine de l’économie circulaire, c’est une tentative de modifier rapidement un système micro-économique pour en optimiser la consommation de ressources finies, de façon à ce que la création de richesse ne soit plus une fonction linéaire de cette dernière.

Cet effort prend de multiples directions, en définitive autant qu’il peut y avoir de systèmes ou de pans de système à faire évoluer. Plutôt que de prétendre à l’exhaustivité, j’ai pris le parti de creuser quatre grandes familles de problèmes:

  • Fabriquer et concevoir en utilisant moins de ressources
  • Optimiser l’utilisation d’un objet
  • Optimiser la durée de vie d’un objet
  • Gérer, valoriser et récupérer les déchets

Vous pouvez retrouver la liste complète des 100+ acteurs ici.

Fabriquer et concevoir en utilisant moins et mieux les ressources

Dans cette famille de problèmes, les entrepreneurs.ses se concentrent sur l’utilisation qui est faite des ressources, leur agencement dans la fabrication des produits. L’idée va être d’introduire une innovation de fabrication, de conditionnement qui vient bouleverser soit l’usage, soit le modèle économique, soit les deux.

A ce titre, il y a plusieurs “sous-tendances” à considérer:

  • L’élimination d’une ressource sous-optimale dans un produit: Plutôt que de seulement proposer un produit conçu avec des composants dits naturels ou dont l’impact sur l’environnement est limité, certains entrepreneurs reformulent complètement les produits. C’est le cas par exemple d’Aymeric et Thomas chez 900.care, qui ont totalement éliminé l’eau de leurs produits de salle de bain vendus par abonnement. Cela permet de renverser l’équation économique et d’ouvrir un tout nouveau canal de distribution pour des produits qui ne sont historiquement pas vendus par correspondance, tout en ayant une profondeur de gamme qui n’aura demain rien à envier à un Procter & Gamble
  • Miser sur la modularité et l’industrialisation dans la construction: Au delà des projets B2C très en vue dans la construction et l’aménagement modulaire et optimisé (tiny houses, vans aménagés, rénovations éco-conçues), la préfabrication de bâtiments à usage collectif (bureaux, annexes, hébergement collectif) a fait d’importants progrès: de plus en plus d’entrepreneurs se sont lancés dans des modèles de service augmenté où sont réunis l’architecture, la conception, le levage et la gestion du cycle de vie des bâtiments. L’étape suivante pourrait consister à financiariser ces installations et faire porter le coût financier à des partenaires à la recherche d’un rendement attractif en immobilier tertiaire
  • Combiner plusieurs ressources pour mieux tirer profit de leurs avantages: Historiquement, les alliages complexes de matériaux primaires étaient la chasse gardée de la métallurgie. Aujourd’hui, nombre d’innovations sont menées dans des alliages moins évidents et sur des matériaux où l’innovation stagnait depuis longtemps. Les français de Woodoo, par exemple, ont créé un alliage unique de bois et de polymères bio-sourcés aux propriétés étonnantes: l’équipe a mis au point plusieurs prototypes de panneaux de contrôle qui offrent un effet Minority Report qu’on croit tout droit sorti d’un film de science fiction
  • Absorber et répartir l’offre de matériaux non-utilisés: Historiquement, les marketplace liées aux matériaux de construction et fabrication étaient plutôt rares. Les lignes commencent à bouger dans plusieurs verticales: les chutes et excédents de stocks dans l’industrie textile (Uptrade), les déchets industriels (Hub.cycle)

Maximiser la durée de vie de ce que nous consommons

La seconde grande famille de cas d’usage pour l’économie circulaire tient à l’optimisation de l’utilisation et de la durée de vie des objets du quotidien permettant de combler des besoins essentiels: se nourrir, se déplacer, communiquer, se vêtir, se loger.

Une grande partie des besoins de consommation générale ont été sujets à tentative de digitalisation, et les besoins des professionnels sont de moins en moins en reste.

Sur le marché français et européen, c’est un mouvement en trois grandes vagues:

  1. Sur les besoins et marchés les plus saillants, une première vague de places de marchés a vu le jour sur les décombres de la bulle internet des années 2000 et dans l’explosion cambrienne de l’écosystème tech français et Européen des années 2010: Leboncoin (1999), Covoiturage.fr, devenu depuis BlaBlaCar (2004), Backmarket (2014), Vestiaire Collective (2009), Vide-Dressing (2009), Vinted (2012), etc.
  2. La seconde vague fut celle du déploiement massif de capitaux dans la mobilité en libre service et sans station ou “free-floating”. Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette forme de mobilité a été expérimentée pour la première fois au milieu des années 2000 par VuLog et son service de voiturettes électriques en libre service à Antibes (2005 et 2007). Le concept est ensuite repensé en Asie par des acteurs par Ofo et Mobike, avant d’exploser en Europe en 2017 (Lime, Jump, Voi, Dott, Bird, Tier, Coup, Cityscoot, Pony et d’autres), dans une course effrénée où une poignée d’acteurs opérant une conquête très gourmande en capital peut espérer subsister dans un marché âprement concurrentiel
  3. La troisième vague, qui explose au cœur de la crise sanitaire et des constats de fragilité qu’elle a portés, est celle des marketplace spécialisées et du service augmenté. Une multitude d’acteurs viennent faire concurrence aux historiques, soit (i) en proposant une expérience différente sur un segment de marché déjà adressé (unbundling), (ii) en modernisant et digitalisant plusieurs services, (iii) en organisant des échanges entre professionnels plus complexes

LeBonCoin, la mère de toutes les marketplaces

Impossible de parler d’économie circulaire et de ne pas se pencher sur cet incontournable usual suspect. Aux prémices de l’idée même de site de petites annonces se trouve Blocket.se, site de petites annonces pour les habitants de Scanie, une septentrionale et paisible région de Suède.

Petit point histoire:

  • Après avoir racheté le site en 2003 pour 19m€ et l’avoir étendu à toute la Suède, le désormais célèbre éditeur norvégien Schibsted lorgne le marché français. Pour mettre un pied dans l’hexagone, Schibsted tape dans la main de Spir, filiale de Ouest France spécialisée à l’époque dans les parutions papier de petites annonces
  • En 2010, Schibsted devient l’unique propriétaire de LeBonCoin qui avait atteint la rentabilité l’année précédente en monétisant via la publicité et par des modules d’upsell tels que la mise en avant temporaire d’annonces, l’ajout de photos supplémentaires
  • En 2014, LeBonCoin ouvre un canal de monétisation important en mettant fin à la gratuité des annonces pour tous ses utilisateurs professionnels. Ce choix stratégique aura d’ailleurs entraîné le retrait de 500 000 annonces dans le mois ayant suivi la mesure
  • En 2016, le groupe lance une vague d’acquisitions dans diverses verticales moins couvertes à l’époque: Agriaffaires pour les annonces agricoles, l’immobilier avec A Vendre à Louer, l’automobile d’occasion avec Argus, les vêtements et accessoires de seconde main avec Videdressing
  • En 2019, Schibsted annonce organiser une scission entre ses activités d’édition et son groupe de marketplaces, et crée à cette occasion Adevinta dans lequel il demeure à ce jour toujours majoritaire à 59%
  • En 2020, Adevinta rachète Classifieds Group, la branche petites annonces d’Ebay pour 8mds€ pour asseoir encore davantage sa domination de cet espace

L’ascension de LeBonCoin comme porte-étendard de l’économie circulaire dans l’hexagone est avant tout celle d’une marque qui porte des valeurs et un esprit auxquels se sont attachés et s’identifient des millions de français: pragmatique, local, humble.

Selon une étude sociologique menée par le cabinet SORGEM, les “boncoinistes français” achètent un objet et non un produit, sans chercher nécessairement à en tirer un profit. Une approche très différente de l’américain Ebay, qui a fait le parti pris de l’enchère dès le premier jour, et ainsi de favoriser davantage la spéculation.

Ces choix se sont reflétés dans un certain nombre de partis pris:

  • Le design minimaliste et peu fonctionnel lorsque comparé à d’autres marketplaces verticales
  • La présence toujours remarquée de publicités display qui tendent à disparaître des marketplaces (16% du chiffre d’affaires France d’Adevinta en 2020)
  • Un accent fort mis sur la valeur confiance et le besoin de proximité qui ont longtemps justifié l’absence des solutions de sécurisation des paiements et transactions

Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que les trois grands piliers qu’on vient de citer sont autant un atout de marque qu’un risque produit pour LeBonCoin à moyen et long terme.

A mesure que les internautes sont au contact d’autres marketplaces spécialisées et d’applications B2C, le niveau de jeu au point de vue du design et de l’expérience ne fait qu’augmenter. Chacun peut ainsi se rendre compte que ce qui fait le charme et renforce la marque est aussi ce qui peut tenter de s’en détourner.

Conscientes dans une certaine mesure de ces faiblesses, les équipes LeBonCoin ont travaillé sur trois grands axes:

1/ Les paiements sécurisés.

  • Comme c’était le cas depuis le début chez des concurrents généralistes comme Priceminister, la sécurisation des transactions et des paiements devenait un éléphant grandissant dans la pièce. En 2020, LeBoncoin a fini par intégrer un système de paiement sécurisé qui fonctionne davantage comme une séquestre améliorée.
  • L’expérience laisse encore à désirer, puisqu’il est par exemple possible que plusieurs acheteurs bloquent les fonds en faisant seulement une offre sur une annonce pour un objet déjà vendu, causant ainsi un problème évident de trésorerie à de nombreux acheteurs

2/ La découverte et le ciblage

  • Chercher un objet sur LeBonCoin est encore une expérience proche de chiner en brocante: on tâtonne beaucoup pour trouver chaussure à son pied, et la recommandation de produits est dominée par de nombreuses annonces professionnelles. Le format de bannière publicitaire ne retire pas vraiment la friction évidente pour trouver le plus rapidement possible ce que l’on cherche.
  • Dans son état actuel, le produit va forcément devoir évoluer pour monter au standards des meilleures places de marché de seconde main, en mettant l’accent sur la personnalisation algorithmique des recommandations et la géolocalisation. Antoine Jouteau, CEO de la plateforme, le dit de ses propres mots: “Nous allons personnaliser l’expérience par univers. Nous nous inscrivons dans une évolution de l’usage où chacun aura son Bon Coin plutôt qu’un Bon Coin pour tout le monde”

3/ La livraison. Historiquement, LeBonCoin n’avait pas développé d’expertise autour de la livraison et s’est adjoint les services du réseau Mondial Relay pour encourager les acheteurs à sortir du strict cadre local et ainsi faire passer un gros volume de transactions dans un braquet national. C’est probablement un des partis pris les plus agressifs dans le rattrapage d’expérience avec les concurrents verticalisés (Vinted, Backmarket, etc.)

LeBonCoin unbundled: un géant assailli de toutes parts

74 catégories de produits. 27 mds€ de valeur échangée soit 1% du PIB français qui transite sur la plateforme chaque année. 50% d’utilisateurs actifs journalièrement.

Là où le quidam observe intimidé les proportions prises par LeBonCoin, les entrepreneurs voient une opportunité d’attaquer autant de segments de marché, de façonner une meilleure expérience et venir tailler des croupières au colosse généraliste.

L’homogénéité, la simplicité de l’expérience étant devenus des handicaps, des espaces se sont créés ces dix dernières années:

L’électronique grand public et l’électroménager

  • Fin 2014, une révolution joyeuse est en route dans un marché ennuyeux où l’obsolescence programmée est devenue la norme. En s’attaquant aux smartphones, catégorie la plus liquide et où la demande en reconditionné est la plus forte, Backmarket avance très vite et parvient à asseoir une expérience sans couture, rapide et sécurisante de l’achat de téléphone, avant de commencer à gagner du terrain sur de nombreuses autres catégories: appareils photos et objectifs, objets connectés, petit électroménager. Dans sa roue, de nombreux distributeurs comme Fnac Darty cherchent à faire levier sur le capital-confiance et la notoriété dont ils bénéficient pour rester en course.
  • Dorénavant, Backmarket doit continuer à muscler ses deux jambes: (i) un contrôle qualité en continu aidé par l’intelligence artificielle et la donnée, (ii) une expansion rapide à de nouvelles géographies pour espérer rivaliser à l’échelle mondiale

Les vêtements et accessoires

  • Une autre catégorie ultra-liquide de la seconde main qui en 10 ans a connu une très belle trajectoire. Vestiaire Collective (fondé en 2009), VideDressing (fondé en 2009 et racheté par LeBonCoin 10 ans plus tard), Vinted (fondé en 2012). Toutes ces plateformes ont aussi réussi à proposer une expérience pratique, sécurisante, rapide à leurs clients et ont voulu prendre la fast fashion à revers en organisant au mieux les circuits de seconde main
  • Progressivement, une guerre des prix et un climat transactionnel s’est installé autant chez les clients qu’entre les plateformes, ce qui pousse cette industrie à une nouvelle frontière, sûrement plus sociale et communautaire. L’avènement de la Passion Economy, la consécration des communautés payantes et des modèles d’abonnement sont autant d’opportunités. C’est la thèse sur laquelle travaille par exemple Beebs dans l’univers bébé et enfant ou Campsider dans l’univers des sports outdoor
  • Chez les marques, un effet de rattrapage s’est mis en route. Pour faire face à la concurrence de ces plateformes, les marques s’épaulent de nouveaux acteurs comme Place2Swap et Faume pour construire clé-en-main leur propre offre et en profiter pour attirer du trafic en boutique. Des marques de haut de gamme comme Aigle, Balzac ou Delsey ont déjà franchi le pas

Optimiser l’utilisation des objets pour vivre et travailler

Ce que l’on a longtemps appelé “l’économie du partage” est en réalité un pan à part entière de la circularisation grandissante de nos systèmes économiques. Pour les consommateurs comme pour les entreprises, cette transformation repose sur deux prémices:

  • Transformer progressivement en dépense variable les investissements à réaliser pour vivre et travailler
  • Optimiser les parcs d’objets de consommation, de véhicules, de matériel industriel pour maximiser leur utilisation et ainsi réduire leur impact sur l’environnement

Cette transformation a touché de nombreux secteurs, avec en tête de file:

  • La mobilité — Comme on l’a vu au dessus, la mobilité en “free-floating” a pris de vitesse le monde depuis 2017. Dans la maximisation de l’utilisation des véhicules, la plus visible et la plus polémique des tendances est pourtant loin d’être le seul cas d’usage. Pour optimiser l’usage des voitures individuelles, il y a bien sûr eu les acteurs du covoiturage (BlaBlaCar et BlaBlaLines, Karos, Citygoo, etc), de la location entre particuliers (Drivy, absorbé par Getaround en Avril 2019, Koolikar, Ouicar). Certains ont également tenté de revoir et réinventer le free-floating comme Pony, qui propose à ses pony angels d’acheter une trottinette qu’ils laissent à disposition de la communauté d’utilisateurs contre une partie du revenu qu’elle génère
  • L’électronique — Là où BackMarket a été la tête de proue du reconditionné, d’autres ont voulu faire le pari d’un usage et de l’ancrage de l’abonnement comme modèle économique dominant — C’est le cas de Damien Morin, ex-fondateur de Save qui a rebondi avec Mobile Club qui est depuis devenu une référence de l’expérience client dans le leasing de smartphones. L’histoire raconte même que Mobile Club aurait pu être une joint venture avec Xavier Niel, mais que Free a finalement voulu garder la main sur les services de leasing qu’elle offre à ses clients. Progressivement, les catégories s’ouvrent: Fleet veut par exemple faire du leasing et de la gestion de parc informatique une expérience sans couture et de passer les capex associés en opex. Pour les sociétés en forte croissance dont l’effectif est sans arrêt à la hausse, où les besoins d’un même employé peuvent évoluer, c’est une occasion rêvée de variabiliser cette dépense incompressible
  • Le matériel de bureau — Comme catégorie, le matériel de bureau a souvent été regroupé dans des offres de service augmenté d’aménagement de bureaux. C’était notamment le crédo de Kymono, spin-off de The Family qui avait débuté un service packagé d’aménagement de bureaux et de “Culture Design”. Depuis le début de la pandémie, on a vu d’autres services prendre le devant de la scène: Enky et le concept de Furniture As A Service, et sa marketplace où des investisseurs particuliers peuvent investir dans du mobilier de bureau, Fleex qui propose aux employeurs de faire du service mobilier et matériel de télétravail un perk à part entière pour rester compétitif dans la course aux talents qu’on s’arrache à coup de mobilier moderne et design en leasing
  • Les objets du quotidien — D’autres veulent imposer une vision plus holistique du modèle de la location d’objets de consommation et d’équipement. C’est par exemple le cas de Lizee qui est au “Leasing-As-A-Service” ce qu’Alma est au paiement en plusieurs différé en plusieurs fois. Lizee travaille déjà avec plusieurs comptes dans des domaines essentiellement concentrés autour de la distribution à ce jour: Décathlon , Delsey, Les Galeries Lafayette. Cette émergence d’acteurs à la vision holistique signale d’ailleurs la légitimité acquise par ce modèle économique: il n’est plus interdit de penser que ce mode de consommation peut devenir une fonctionnalité entièrement programmatique gérée par un tiers pour le compte d’une marque

Gérer, minimiser et récupérer les déchets

J’ai volontairement choisi d’aborder ce sujet en dernier car il est probablement le plus investi par l’opinion et le politique car il est l’apanage des prémices de la généralisation de l’économie circulaire: l’âge d’or du recyclage et des géants du secteur: Paprec, Suez, Véolia Environnement, etc.

Le tri et la valorisation des déchets est l’aboutissement d’un long chemin pour sortir de l’insalubrité. Jusqu’en 1870, on pouvait tout à fait jeter ses déchets sur la voie publique et les premières poubelles n’apparaissent que sur la fin de ce siècle. Dans l’après-guerre, la gestion des déchets a surtout progressé dans la construction, où on manquait cruellement de matières alors que l’on disposait d’immenses tas de gravas.

En 1975, ce sont les communes qui sont rendues responsables du tri, du recyclage et de la collecte des déchets ménagers, puis en 1992 la loi Royal oblige ces dernières à se conformer à des normes de tri et de recyclage ainsi qu’à valoriser les déchets produits par les administrés.

Or, le progrès du recyclage sur la période a été plus rapide dans la technique qu’il ne l’est dans l’usage et la logistique pour les collectivités, les entreprises et les utilisateurs.

Cela a créé des espaces pour un certain nombre d’acteurs:

  • Grande distribution — Avant d’être une priorité morale pour les distributeurs, la minimisation des déchets est une opportunité d’optimisation économique particulièrement importante dans un secteur où le volume fait les marges. Si la perte liée au gaspillage est pricée par les distributeurs et les industriels depuis un long moment, la réglementation française est très en avance sur celle des voisins européens: la loi anti-gaspillage en passe d’être promulguée va tout bonnement interdire de jeter ou incinérer les invendus. Cette contrainte crée une opportunité pour de nombreux acteurs de venir aider et éduquer les distributeurs à cet enjeu. Smartway (anciennement Zéro-Gâchis, et dont on est d’heureux actionnaires chez Evolem 🥳), s’attaque précisément à cette problématique: créer une couche d’intelligence et de visibilité pour les distributeurs et les industriels dans la gestion de l’anti-gaspillage. Avec beaucoup de persévérance et d’itération, Zéro Gâchis a progressivement (i) fait la preuve que les distributeurs peuvent et veulent piloter l’anti-gaspillage (ii) testé inlassablement et manuellement de nombreuses solutions à leur proposer (iii) construit sur la base de cette expérience une technologie d’étiquetage, de pricing dynamique et de gestion des dates de péremption sans rival sérieux à ce jour
  • Collecte de déchets pour les collectivités et entreprises — Les industriels historiques cités en introduction ont très vite vu venir l’ouverture de juteux marchés publics, en partie à cause de la porosité entre ministères et anciens conglomérats nationalisés (comme Suez et Véolia), et le discours et la proposition à y opposer. Ces acteurs ont évolué à leur vitesse et ont eu beaucoup de mal à prendre le virage de la donnée. De plus, leur métier n’était historiquement pas de se soucier de l’expérience de l’utilisateur, qu’il soit final chez l’administré, collectivité territoriale ou entreprise. Comme beaucoup les problématiques liées aux déchets, le volontarisme politique et législatif est allé plus vite que cette famille de métier. Encore une fois, le décalage crée des espaces intéressants. Côté collectivité, des acteurs comme Uzer proposent d’augmenter l’expérience de l’administré grâce à une application, et d’ouvrir ainsi un puits de données et d’usage qui peut servir à la collectivité pour ajuster le service et anticiper les volumes à traiter. Côté entreprises, des acteurs comme Urbyn se sont positionnés non pas en concurrence frontale avec les industriels historiques, mais comme agrégateurs et gestionnaires d’une myriade de fournisseurs souvent compliqués à gérer pour les grandes entreprises. Avant de penser à l’efficience, la première étape est avant tout de donner des yeux à une filière qui a longtemps opéré avec une donnée très incomplète. Les Alchimistes, eux, s’attaquent à la question de la collecte et du traitement des biodéchets sur ces trois populations: en augmentant la fréquence et densifiant le maillage, il réduit considérablement la proportion de biodéchets (déchets compostables) non valorisée

Chez Evolem que j’ai rejoint au début de cette année, nous sommes très optimistes et enthousiastes sur l’avenir de l’écosystème entrepreneurial et associatif dans l’économie circulaire.

C’est un enjeu séculaire et nous ne sommes qu’au début de la réflexion politique et entrepreneuriale sur la transformation de nos systèmes économiques et sociaux vers plus de résilience.

En 2020, nous avons lancé Domorrow, un fonds de dotation qui a pour mission de soutenir des projets d’intérêt général dans le domaine de l’environnement et de la transition écologique et solidaire autour de trois axes prioritaires (i) la recherche et l’innovation (ii) l’éducation et la sensibilisation à ces sujets (iii) l’économie circulaire.

Nous soutenons déjà de nombreuses initiatives, dont deux spécifiquement dédiées à l’économie circulaire:

  • L’Atelier Emmaüs: Une association engagée pour une transition écologique solidaire, qui fabrique du mobilier design et offre des prestations d’agencement à partir de bois de récupération et forme par la même occasion des personnes en exclusion
  • Réjoué: Une association qui contribue à la protection de l’environnement en réduisant les déchets issus des jouets et en développant le réemploi. Rejoué collecte, nettoie, réassemble et vend des jouets ayant déjà servi en portant un chantier d’insertion.

Ces deux projets illustrent l’enjeu de la préservation du capital humain et de la réinsertion, qui sont portés par ces acteurs associatifs engagés dans l’économie circulaire.

Quant à mon équipe chez Evolem Start, nous voulons cette année rencontrer encore davantage d’entrepreneurs qui construisent dans ces sujets.

Si votre entreprise ne figure pas dans le mapping, n’hésitez pas à me faire signe par mail → ulysse.laroche@evolem.com !

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