Pourquoi Evolem a investi dans Les Opticiens Mobiles

Ulys Laroche
Evolem Start
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8 min readApr 13, 2021

La semaine dernière nous étions très fiers d’annoncer que Les Opticiens Mobiles levait une Série B de 7,5m€ pour continuer à étendre son réseau d’opticiens itinérants qui se rendent chez les particuliers et dans les établissements de santé pour garantir l’accès à la santé visuelle pour tous.

C’est l’occasion pour nous de revenir sur les raisons pour lesquelles nous avons adhéré à la vision portée par Matthieu Gerber et qui nous ont convaincus de l’accompagner depuis le tout début.

Mathieu Gerber, CEO et fondateur des Opticiens Mobiles

Une confiance scellée par l’obsession du client

Chez Evolem, on a cette obsession du service bien rendu qu’on a hérité de l’aventure April et des valeurs de Bruno Rousset.

Bruno a créé April à la fin des années 80 avec la volonté de révolutionner le marché de l’assurance, en partant d’une proposition aussi simple à exprimer que difficile à tenir: changer l’image de l’assurance.

Pour ce faire, il fallait simplifier les contrats et investir massivement dans l’actif technologique pour garantir une expérience client irréprochable. Au final, Bruno et ses équipes ont inventé un nouveau métier, celui de courtier grossiste en assurance. En quelques années, un groupe de référence est né.

C’est précisément cette ambition entrepreneuriale qui nous a séduit dans la vision de Matthieu: s’attaquer à un marché où la qualité de service pâtit de la lourdeur administrative, avec l’ambition de complètement réinventer le métier en remettant le client au centre.

Quand Evolem investit dans Les Opticiens Mobiles en 2015, le “réseau” n’est qu’embryonnaire et réalise moins de 10k€ de Chiffre d’Affaires mensuel. Mais il y a à sa tête un fondateur de talent avec une connaissance experte de son marché, et une empathie naturelle pour ses clients que l’on a tout de suite détectée.

C’est cette adéquation très forte d’un fondateur à son marché, le très galvaudé “founder-market fit”. Matthieu, c’est une rencontre rare entre (i) la maîtrise technique de l’optique, acquise en travaillant un long moment dans le domaine de l’optique, (ii) une capacité hors norme à anticiper les évolutions du marché et (iii) concevoir et exécuter un service augmenté complexe.

Un marché cassé autant pour les clients que pour les opticiens

Au départ Les Opticiens Mobiles (LOM) n’est pas, comme le dirait l’ami Julien Petit, un dossier “VC-compatible”. LOM ne coche pas toutes les cases de la société tech idéale: Matthieu est un “solo founder”, les opérations sont très lourdes, la création du service demande un important travail d’évangélisation et d’éducation, le secteur est très réglementé.

Néanmoins, en se penchant sur le marché de l’optique, on comprend que les professionnels et toute une partie de la population avaient beaucoup à gagner d’un changement de paradigme :

Un marché à la distribution saturée où les opticiens sont perdants

  • Le marché de l’optique est un marché qui pèse plus de 6mds€, et dont les marges sont structurellement fortes. A première vue, aucun problème non ?
  • C’est dans la distribution que le bât blesse: Le nombre de magasins d’optique a cru plus vite que le marché, et le chiffre d’affaires moyen par boutique régresse mécaniquement

Des professionnels limités par la lourdeur administrative

  • Les opticiens sont des professionnels médicaux diplômés qui exercent un métier de contact, que beaucoup avaient choisi précisément pour cette raison
  • Or, la lourdeur administrative liée aux dossiers de remboursement à transmettre aux mutuelles et à la sécurité sociale est telle que leur rôle de conseil et d’accompagnement est souvent très réduit

Une innovation de service inexistante

  • L’innovation de service dans ce marché était quasi-inexistante. Les indépendants n’avaient ni les ressources ni le temps, tandis que les grands réseaux de boutiques ne se souciaient que d’ouvrir toujours plus de points de vente
  • L’optique grand public est un marché essentiellement financé par la sécurité sociale et les mutuelles. Il s’est mis en place un engrenage infernal d’optimisation de la dépense où le prix est la seule innovation possible, c’est le très toxique “Une paire achetée, quinze paires offertes”
  • L’Etat est heureusement venu taper du poing sur la table avec le “reste à charge zéro” et a standardisé les prix. Matthieu avait anticipé cette évolution et savait qu’une vraie innovation de service serait nécessaire

Une large proportion de français sans accès à la santé visuelle

  • Beaucoup de clients — surtout nos aînés — doivent mettre en branle une logistique complexe pour avoir accès aux soins visuels. Imaginez-vous: Geneviève, 91 ans, casse ses lunettes dans l’EHPAD où elle vit. S’enclenche un processus très long: le personnel se coordonne avec sa famille pour prendre un rendez-vous avec un ophtalmologue, puis Geneviève fera deux visites chez l’opticien avant d’enfin obtenir ses lunettes ajustées. Et dans le pire des cas, elle peut tomber sur un professionnel peu scrupuleux qui profitera de sa fragilité pour lui facturer une fortune ses nouvelles lunettes, ce qui ne manquera pas d’énerver la famille une fois la facture reçue
  • D’autres n’ont tout simplement pas les moyens de se payer les lunettes qu’il leur faudrait. La réforme et le remboursement à 100% des dépenses vient encadrer les prix, et c’est une bonne nouvelle pour l’accès financier aux soins. Mais cela met bien sûr la pression sur la structure de coûts des magasins d’optique: Les loyers en centre ville augmentent et bien souvent la boutique est vide le jeudi à 10h00 du matin alors que c’est le moment idéal pour faire un dépistage dans l’EHPAD le plus proche.
  • Enfin, Les Opticiens Mobiles profite d’une tendance de fonds qui n’a fait que s’amplifier avec la crise sanitaire: les français sont de plus en plus disposés à être soignés chez eux où à distance et le modèle de service augmenté à domicile n’a plus rien d’exotique pour une majorité d’entre nous.

Tout cela nous a convaincu que la vision de LOM finirait par s’imposer même si cela allait vraisemblablement prendre plus de temps que l’archétype de la scale-up SaaS qui explose en moins de 5 ans.

Un déploiement en trois étapes

Une fois d’accord sur la vision, nous nous tapons dans la main avec Matthieu sur une feuille de route claire: Evolem finance le pré-seed pour 500k€, dont l’objectif sera de démontrer qu’il est possible de convaincre les professionnels (offre) et de trouver des patients (demande).

Nous avions acté à l’avance qu’une fois la preuve de concept faite, Evolem financerait un seed pour scaler le modèle.

Le déploiement s’est donc fait en trois étapes :

  1. Chercher et trouver le product-market fit. Les Opticiens Mobiles est un réseau de service augmenté et non une simple place de marché, néanmoins il fallait d’abord valider l’existence d’une demande (les particuliers à domicile et en EHPAD, futurs clients de la solution) et son adéquation avec une offre (des opticiens prêts à se convertir à un mode de travail mobile). En moins de douze mois, le réseau recrute pas moins de 70 nouveaux opticiens-entrepreneurs qui trouvent leur clientèle dans un rayon de 30km autour de chez eux. La preuve de concept était faite; nous avons financé le Seed de 1,5M€ en 2016
  2. Automatiser et structurer les opérations. La deuxième étape consiste à optimiser les process puis à rendre scalable les opérations. Il a fallu beaucoup investir pour construire une plateforme technologique qui simplifie et fluidifie le processus, de la prise de rendez-vous au remboursement du tiers-payant en passant par le flux physique de SAV. C’est pendant cette étape que la qualité de service littéralement extraordinaire du réseau (NPS de 82) devient la norme, avec un effort important sur la formation et l’accompagnement des opticiens. Une fois le produit finalisé, la société a levé une Série A de 3,2M€ en 2019 pour investir sur l’acquisition d’opticiens d’une part et de patients d’autre part
  3. Faire grossir l’offre et la demande via des contrats-cadres. Une fois les opérations et la formations des opticiens optimisées, LOM a proposé son modèle en franchise pour attirer un maximum de professionnels de santé dans le réseau et ainsi augmenter sa couverture nationale. Les Opticiens Mobiles propose aux opticiens de devenir entrepreneurs et de retrouver le contact avec le patient, ce qui est très éloigné du salarié en magasin qui attend le client et gère les remboursements de mutuelles à longueur de journée. Côté demande, grâce à son maillage national et sa qualité de service, LOM a su convaincre les établissements de santé et EHPAD qui ont signé des conventions nationales assurant aux opticiens du réseau des volumes récurrents. Le cercle vertueux est en place et la crise sanitaire actuelle a rendu la proposition de valeur de LOM encore plus pertinente: 15 000 clients bénéficient de leurs services par an grâce à 70 opticiens partout en France. LOM a donc décidé en 2021 d’accélérer son déploiement en levant 7,5m€ qui permettront de recruter 250 opticiens d’ici 2025

Pourquoi être accompagné par un Family Office peut faire la différence dans ce type de projet

Evolem n’est pas un fonds d’investissement. Nous sommes un family office fondé par un entrepreneur pour aider des entrepreneurs à exécuter leur vision, sans contrainte de temps.

N’ayant pas d’impératif quant à la durée de notre investissement, ni de compte à rendre à des investisseurs externes, nous avons été capables de faire confiance à la vision de Matthieu pour inventer une nouvelle façon de faire de l’optique.

C’était bien nécessaire aux Opticiens Mobiles pour un certain nombre de raisons:

  • Financement en deux temps: L’idée était de séquencer entre le “0 to 1” et inscrire à contractuellement à l’avance un certain nombre de milestones chiffrées qui délimiteraient l’atteinte du Product-Market-Fit et scellerait notre engagement à refinancer LOM sous 18 mois pour 1,5M€. Pourquoi faire ça ? Dans une société comme LOM où Matthieu est seul fondateur et qui est très gourmande en temps consacré aux opérations, repartir pour 4 à 6 mois de roadshow pour un Seed aurait été au mieux contre-productif, au pire dangereux
  • Avoir une vision de long-terme pour faire sauter de nombreux verrous: Contrairement à certains marchés ou business models pour lesquels la quantité de capital disponible et la vélocité font la différence, LOM n’aurait probablement pas mieux réussi son pari avec plus d’argent. Dans cet univers très réglementé où les parties prenantes (Agence Regionale de Santé, Sécurité Sociale, Mutuelles, Ehpad,etc..) ne plient pas devant la quantité de capital déployée et ne sont pas connues pour leur vélocité, la pertinence de l’approche et la patience priment pour faire bouger les lignes
  • Don’t break things”: Quand on adresse un service aussi critique dans des lieux protégés comme les EHPAD, les établissements de santé, il est nécessaire de prendre le temps (i) de former et éduquer ses propres franchisés sur une longue période de temps, afin de s’assurer de leur compréhension de leur nouveau métier (ii) construire patiemment sa réputation auprès de ses clients et partenaires extérieurs. Dans le domaine de la santé, aller très vite et être dans l’innovation par transgression peut se révéler dangereux: plus qu’ailleurs, une réputation se construit en plusieurs années et se défait sur un incident. On n’a pas le droit à l’erreur.

Félicitations aux équipes pour le chemin parcouru et la qualité du service rendu (Net Promoter Score de 82) auprès d’un public fragile

Chez Evolem, nous sommes fiers d’accompagner ces projets qui savent concilier impact et ambition !

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