Quel rôle pour les designers dans la transition écologique ?

Claire de Ponsay
Transitions by design
6 min readJul 4, 2023

Au Playgrnd, nous sommes convaincus que les entreprises ont un rôle à jouer dans la transition écologique et sociale et que le design est un outil clé pour y parvenir. En tant que designer, les actions, choix et orientations stratégiques que nous prenons ont de fortes répercussions sociales ou environnementales que nous n’avons pas toujours cherché à prendre en compte.

Pour ne citer qu’un exemple, le développement de services et outils numériques censés nous simplifier la vie se paie aujourd’hui à un prix que nous n’avions pas envisagé collectivement. D’un côté, le numérique contribue activement au réchauffement climatique, il représente aujourd’hui 3 à 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, et ce chiffre pourrait doubler d’ici à 2060. De l’autre, l’extraction à une vitesse croissante de minerais permettant de produire nos portables, tablettes ou ordinateurs entraîne un risque d’épuisement des ressources de cobalt, lithium ou de terres rares, et des pénuries sont à prévoir dans les prochaines années.

Face à ces défis, la transition écologique est devenue une priorité, et les designers ont un rôle crucial à jouer pour repenser notre façon de concevoir les produits et services de demain mais aussi à imaginer à quoi pourrait ressembler un avenir durable. Je vous propose ici d’explorer différentes approches et outils du design responsable.

1. Questionner le “vrai besoin”

Aujourd’hui, on estime qu’en moyenne 70% des fonctionnalités d’un site ou d’une app ne sont jamais ou rarement utilisées (d’après une étude de Cast Software et Standish Group). Ces fonctionnalités superflues entraînent un gaspillage de temps, d’argent et d’énergie.

En tant que designer, notre première mission est d’interroger la problématique et d’identifier le “vrai” besoin des utilisateurs : a-t-on réellement besoin d’un énième outil digital dans le magasin ou d’un four avec une caméra intégrée pour voir son poulet cuire en direct ?

Un exemple inspirant :

Site de la métropole de Grenoble

Lors de la refonte de son site internet en 2021, la métropole de Grenoble a pris le pari de l’éco-conception. Ils ont initié cette démarche par l’écoute des besoins réels des utilisateurs. Collectivement, les usagers ont ensuite défini le site idéal, tourné vers les services concrets dont ils ont besoin au quotidien : trouver l’adresse d’une déchèterie, etc. La métropole a également retravaillé ses contenus afin de faire plus court, plus simple et de se centrer sur les réels besoins des utilisateurs. Grâce à ce travail complet d’éco-conception, ils ont réduit de 30 % les émissions de GES et de 35 % la consommation d’eau du nouveau site par rapport à la version précédente.

Quelques pistes de réflexion :

→ Mettre en place une user research approfondie systématique en amont de chaque nouveau projet afin de vous permettre de mieux comprendre les besoins réels de vos utilisateurs et d’éviter les raisonnements simplistes

→ Prendre en considération l’impact carbone des fonctionnalités imaginées dans vos critères de priorisation

2. Concevoir différemment

Une fois les “vrais” besoins identifiés, il est indispensable de repenser la façon dont sont conçus les produits et services qui vont y répondre, en considérant l’ensemble du cycle de vie du produit ou service. Concrètement, cela consiste à s’interroger sur :

  • Le choix des matériaux : privilégier l’utilisation de matériaux durables et recyclables et penser low tech afin de limiter l’empreinte écologique du produit final
  • L’éco-conception des fonctionnalités : il existe de nombreuses bonnes pratiques à suivre pour limiter le poids d’une page ou d’une fonctionnalité web, l’association des Designers Éthiques en a notamment fait un guide qui est une référence sur le sujet.
  • La réparabilité : penser des produits modulaires, aux composants disponibles longtemps, abordables financièrement, réparables facilement… Et en informer le consommateur (cf Baromêtre SAV de Fnac Darty)
  • La fin de vie : prendre en compte la capacité du produit à être recyclé, ou à être transformé pour un autre usage (cf.Ikea Hacks)

Un exemple inspirant

Fair Phone

FairPhone propose des smartphones nouvelle génération, conçus pour durer, avec des matériaux équitables et recyclés. Les smartphones sont garantis 5 ans, et faits pour être réparés facilement par les utilisateurs : aucune partie du portable n’est collée, le client peut donc le réparer facilement, avec un simple tournevis. L’entreprise promet également la neutralité en terme de déchets électroniques, ce qui signifie une compensation à 100 % des matériaux mis sur le marché.

Quelques pistes de réflexion :

→ Réaliser un audit d’éco-conception de vos sites et applications (ça tombe bien, au Playgrnd on a développé un outil pour le faire ;) )

→ Intégrer dans vos réflexions sur la conception d’un produit la question de la fin de vie de ce dernier

3. Travailler ensemble à améliorer des systèmes

L’approche traditionnelle du design thinking, trop centrée sur le problème unique à résoudre, n’est plus suffisante pour répondre aux enjeux de la transition écologique et sociale.

A l’inverse, le design systémique permet de matérialiser la complexité du système dans lequel on s’inscrit et de prendre en compte tous les acteurs en jeu dans l’équation, et leurs inter-connections, leur complémentarité.

Cette approche globale et holistique permet d’évaluer l’impact environnemental, social et économique d’un nouveau produit ou service et finalement d’aboutir à des solutions globales permettant de mieux préserver nos écosystèmes et de limiter les externalités négatives.

La preuve par l’exemple :

La vidéo ci-dessous met en lumière l’importance de la pensée systémique : une solution trop simple à un système complexe (ici, l’usage d’insecticide pour tuer les moustiques causant la malaria à Borneo) peut faire dérailler tout un système, si l’ensemble des interactions entre les différentes parties du système de sont pas prises en compte (ici, la place du moustique dans l’écosystème et la biodiversité locale de Borneo)

Quelques pistes de réflexion :

→ Découvrir le design systémique et les différents outils qui existent (ex : l’offre SEEDS du Playgrnd)

4. Imaginer des futurs souhaitables

Mais cela ne suffira pas, pour changer les choses en profondeur, il est nécessaire de développer des imaginaires et des récits positifs et attractifs. L’adoption d’une approche prospective et la mise en œuvre de méthodes projectives, telles que le design fiction, permettent de concrétiser différents futurs potentiels en utilisant des mots et des images, rendant ainsi la vision plus tangible. Cette approche permet de dépasser la peur, l’éco-anxiété et l’immobilisme afin de retrouver une dynamique positive, une envie d’agir.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à approfondir le sujet avec ceux qui en parlent mieux que nous : Voici un podcast passionnant de Cyril Dion par le Greenletter Club

Quelques pistes de réflexion :

→ Participer à la fresque des nouveaux récits

→ Initier dans vos équipes des journées dédiées au design fiction pour construire collectivement un futur désirable pour votre entreprise et pour le vivant

Les designers ont un rôle clé à jouer dans la transition écologique. Nous avons besoin de solutions innovantes et créatives, et les designers sont des experts de l’innovation dans la contrainte et de la résolution de problèmes complexes. Leur capacité à questionner les besoins réels, à concevoir différemment et à imaginer le futur souhaitable est essentielle pour relever les défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés. En collaborant avec d’autres acteurs, ils peuvent contribuer à la création d’un avenir durable pour notre planète et ses habitants.

Alors, on en discute ?

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