Les enfants oubliés du Sénégal

Zoé Tiberghien
Ecoliers de la rue
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3 min readMar 24, 2017

— Expérience vécue par Jeanne GABRIEL et Zoé TIBERGHIEN.

L’Afrique, le continent du Roi Lion. Des paysages à couper le souffle, des animaux sauvages, du soleil, des couleurs partout, des fruits goûteux et des gens heureux. Là-bas, le temps semble ralentir pour permettre de profiter de l’instant présent et d’oublier le stress quotidien du monde occidental.

En septembre dernier, deux d’entre nous nous sommes rendues au Sénégal, « le pays de la teranga », dit-on ; ce qui signifie le pays de l’hospitalité. On ne pourrait affirmer le contraire. Les gens sont chaleureux, accueillants. La joie de vivre semble régner au sein de ce pays aux 15 millions d’habitants. Un pays calme, où la paix est de mise. La majorité de la population est musulmane et chacun vit sa religion en toute tranquilité. Le respect de l’autre et le bien commun paraissent être les premiers principes à respecter. Le pays ne semble ni touché par le terrorisme ni l’extrémisme.

A notre arrivée à l’aéroport de Dakar, nous avons dû effectuer six heures de trajet en voiture, afin d’atteindre la ville de Saint-Louis, deuxième plus grande ville du Sénégal, où nous sommes restées pendant deux semaines. Bien que la ville ait son charme, rapidement, nous découvrons l’autre face cachée du pays : le manque d’infrastructures, la pollution, la pauvreté. Et les talibés.

Les talibés, ces enfants-mendiants, dont on nous avait parlé. Ils sont partout. Les habits déchirés, des blessures sur le corps, sans chaussures et un pot en fer à la main. Certains sont en train de fouiller les poubelles, à la recherche de nourriture. Ils nous voient de loin et crient « tubaaab, tubaab », ça signifie peau blanche en wolof, la langue principalement parlée au Sénégal. D’autres viennent ensuite toquer à la fenêtre de notre voiture, en réclamant « argent, s’il vous-plait ». Quelques mots de français, mais pas assez pour tenir une conversation. Certains ont l’air jeunes, voir très jeunes. Quatre ans ? Cinq ans ? Et ils courent à travers les rues, au milieu d’une circulation épouvantable. Parfois seuls, parfois à plusieurs. « Quel danger », pensons-nous.

Un de nos amis sénégalais a fondé il y a près de deux ans une association locale, Cœur en Or, au cœur de la ville de Saint-Louis, afin d’apporter une aide à ces enfants talibés. Cette organisation vise à leur « procurer des soins essentiels et quotidiens ainsi que des ressources nécessaires afin de les aider à bâtir un avenir meilleur». Au cours de ces deux semaines nous avons donc pu observer ce que faisait cette association ; nous avons pu rencontrer et participer à des activités avec de nombreux talibés ; visité leurs lieux d’habitation, les daaras ; et surtout, nous avons pu poser toutes les questions qui nous passaient par la tête sur cette problématique des enfants-mendiants.

Rapidement, nous nous sommes sommes rendues compte de la gravité du problème. On nous explique que la plupart de ces enfants sont forcés à mendier des heures durant pendant la journée, par des maîtres religieux appelés marabouts, censés leur apprendre le Coran, mais qui, souvent, ont recourt à des pratiques de maltraitance. On nous explique que ces enfants ne reçoivent pratiquement rien à manger, qu’ils sont parfois victimes d’abus de violence ou sexuels au sein de leur daara, qu’ils ne voient jamais leurs parents et n’apprennent aucune matière scolaire en dehors du Coran. Plus on nous raconte, et plus nous voyons devant nous des dizaines d’enfants marqués par la souffrance et l’abandon, avec une enfance enlevée et une vie sans avenir qui les attend.

A la fin de notre voyage, certaines questions nous restent malgré tout sans réponses. « D’où vient la source exacte de ce problème ? » « Comment le gouvernement peut-il laisser un tel phénomène se produire ? » « Et les parents, pourquoi manquent-ils autant à leur responsabilité ? ». Marquées par ce voyage, cette problématique, et touchées par ces enfants qui continuent de sourire malgré la misère, nous sommes décidées. Nous voulons creuser, trouver le fond du problème, comprendre.

(Extrait de notre “Etat de la question” dans le cadre de notre mémoire médiatique, racontant notre expérience vécue au Sénégal).

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Zoé Tiberghien
Ecoliers de la rue

Journalism student in Brussels (IHECS) // Press correspondent for the local newspaper “L’Avenir” Mouscron // Travel lover