Je viens de terminer le mode solo de la vie à 100%

C’était un samedi d’octobre que j’en ai pris conscience. J’avais évidemment pas programmé de réveil vu que je venais de me réveiller dans mon canapé. Ouais, vendredi soir avait encore été une sacrée épreuve où j’ai jonglé avec plusieurs shots avant de foutre une lucarne après ma sixième pinte. Et là j’avais faim. Si faim que mon ventre a failli se lever tout seul pour aller se chercher son Mc Do hebdomadaire.
Sur le chemin, tout était parfait. Même pas besoin d’un Doliprane, je pouvais profiter du soleil sans plisser des yeux et laisser évacuer les vapeurs d’alcool. J’allais surement aller faire un peu de sport, ranger vite fait l’appart et puis me poser à rien foutre parce que j’étais fatigué. Le programme me plaisait déjà. Faut dire que je le pratique depuis si longtemps qu’à la première seconde où ça devient un sport je prends la place de numéro un mondial dans l’instant ; je bats tous les records dans le mode solo de la vie.

Mais à force d’avoir trop de goûts en bouche, je me suis un peu dégoûté. Ce Mc Do là était plus fade que tous les autres. « Putain, qu’est-ce que je m’emmerde. »

C’est bien beau d’engranger de la confiance et des points bonheur sur ta carte de fidélité, mais si tu peux pas les dépenser pour profiter un peu, c’est pas super productif. On se construit tous une bulle, et moi je l’ai tellement fortifiée que y a plus rien qui passe, et surtout personne. Je me suis enfermé en remontant le pont-levis, et là bonne chance pour se frayer un chemin. Donc je suis sorti marcher pour comprendre. J’ai vu qu’ils faisaient ça dans les films, peut être que ça marchait vraiment. Et puis, ils avaient oublié mes Nuggets chez Mc Do. Ça me donnait une excuse.
A chaque respiration je répétais toute ma méditation, celle qui m’a guérie plus que n’importe quelle autre drogue. J’ai raclé tout ce que je pouvais au fond de moi pour voir où se cachait la poussière de merde qui enraillait mon mécanisme. Question après question, réponse après réponse, j‘arrivais pas à mettre la main dessus. Alors pourquoi ce non-goût dans la bouche ? Et ces deux gamins devant moi au Mc Drive main dans la main qui rient. Et si c’était ça ? Il semblerait que je sois allé trop loin dans le mode solo, et que je l’ai terminé à 100%.

Mais comme j’ai trop de fierté pour me morfondre j’ai décidé d’aller encore plus loin que tous les autres joueurs du monde, je vais embrasser ma solitude et la pousser à son extrême. Maintenant, je vais faire mes courses le samedi matin, comme tout le monde.Mais tout seul. En jogging gris délavé. C’est important, ça donne le ton. Je vais marcher aussi. Tout seul. Et je me pose sur un banc pour regarder les autres, j’observe, et il s’en passe des choses. Tu savais toi, qu’un Japonais sur deux devant Notre Dame de Paris a un appareil photo autour du cou ? J’ai compté. Je vais souvent au musée aussi. Tout seul. Le Louvre c’est le plan parfait, tu peux le faire en plusieurs fois. A chaque samedi, son thème. Je suis allé aussi à ce restaurant italien en bas de chez moi l’autre soir. Tout seul. A chaque commande, j’arrive pas à reprendre la plat de la dernière fois parce c’est écrit en italien, et que la seule chose que je comprends dans la langue de Dante c’est : “Va te faire foutre Materazzi”. Et pour commander des pâtes, c’est pas super pertinent.

La solitude, c’est la posture de l’arrogant. Celui qui se considère, donc qui est, alors que les autres ne sont pas. Putain de syndrome de supériorité. Mais j’arrive pas à me retirer de la tête que je ne veux pas me restreindre à ne pas faire parce que je devrais pas. Parce que ça voudrait dire attendre, et que l’attente c’est l’étape d’avant la mort. Alors c’est sur que j’avance moins vite à pédaler tout seul, et que pour les souvenirs c’est moins cool pour partager, mais comme on dit, ¯\_(ツ)_/¯

Puis, y avait personne qui voulait venir voir Doctor Strange avec moi.