Fiche jeu II : La couverture

Xavier de Fouchécour
Faire les fous, livre de jeux
5 min readApr 18, 2020

Type : jeu d’intérieur

Nombre de participants : trois enfants maximum. Au-delà, infarctus assuré.

Accessoires :

Une grande couverture de lit au bout du rouleau.

Quelques sols bien glissants (parquets, carrelages, etc.)

Règle du jeu

Ici, l’accessoire ne l’est pas. Il est même le seul prétexte à une série de jeux désopilants pour les enfants et assez fatigants pour les parents. La couverture est sollicitée pour deux usages principaux : glisser ou couvrir, souvent les deux. Le traitement éprouvant auquel elle est soumise recommande vivement la mise en service d’un spécimen ayant déjà bien vécu sa vie tranquille de couverture, et qu’une autre destinée moins funeste aurait pu faire atterrir dans la niche du chien. Dans la plupart des jeux énumérés ci-dessous, un autre accessoire est généralement recommandé : le père. Non pas tant pour son intelligence remarquable — dans ce genre de situation, les observations laisseraient plutôt apparaître une certaine baisse de sens commun — mais pour ses gros bras musclés. Ainsi doté, il jouera alternativement les rôles de remorqueur, grutier, empaqueteur, bâtisseur et, parfois vers la fin, de secouriste.

La croisière

Dans ce jeu, la couverture et le bateau. Les enfants sont les passagers. Le principe est assez simple : la couverture est étalée à son port d’attache, généralement au milieu de la chambre d’enfant. Les passagers ont quelques minutes pour y entasser tout le fourbi dont ils peuvent avoir besoin pour une croisière en haute mer : coussins, poupées, doudous, livres, provisions, etc. A ce stade, pour ménager sa peine et ses disques intervertébraux, le père aura intérêt à surveiller le chargement du fret et tempérer l’ardeur de ses jeunes dockers.

Puis, une fois tout le monde installé, prenant son courage à deux mains et avec lui deux coins de la couverture, de sa voix la plus grave — de celle qui sied aux Capitaines — il lancera l’ordre de larguer les amarres et, imitant le hurlement de la sirène, ébranlera tout son petit monde vers le couloir, petit canal de Panama. La traction devra être puissante mais progressive afin que la cargaison ne parte pas à la renverse. Le jeu consiste alors à improviser dans la maison une croisière de pièce en pièce avec escales et retour au port d’attache. La traversée pourra être agrémentée plaisamment par quelques tempêtes — la couverture est alors secouée dans tous les sens — ou attaques de squales — les grognements en plus.

Attention : quelques manœuvres délicates doivent être négociées avec doigté :

  • le passage des portes, goulets d’étranglement qui occasionnent parfois quelques pertes de marchandises, signalées à votre connaissance par les beuglements soudain du passager le plus jeune (qui n’avait jamais navigué ohé ohé), terrifié par la vision de sa peluche perdue dans le sillage, vers lequel il tend un bras raide de désespoir et vers vous son visage couvert de larmes.
  • les retournements, lorsque la taille de la pièce dans laquelle vous vous êtes engagée ne permet pas de négocier un demi-tour avec toute l’ampleur requise. Cette manœuvre qui oblige à passer la couverture au-dessus des passagers provoque toujours un ramdam tohu bohuesque et donne souvent le signal de départ d’une autre variante de La couverture : la toupie.

Le hors-bord

Il s’agit d’une variante simplifiée mais plus musclée du Bateau. Le jeune pilote, seul si possible, s’installe assis bien à l’extrémité de la couverture, sans aucune marchandise, et s’accroche au bord de son off-shore pur laine. Ici, le p!re est une moteur V12 en ligne et doit exprimer bruyamment toute la puissance débridée de ses 600 chevaux fiscaux. Après quelques secondes de prologue rugissant, il s’élance soudain, parcourant l’appartement en tous sens, à la recherche des trajectoires les plus rapides, négociant virage à la corde et demi-tour façon rodéo, partant, revenant, suant, éructant jusqu’à la panne sèche ou, variante plus fréquente, l’accident : coin de mur, de table, passage de porte mal négociée, etc.

Assez éprouvant pour les meubles de style et le chat de la maison.

Le ski nautique

Il s’agit d’une variante du Bateau. L’enfant se tient debout à l’arrière de la couverture et s’efforcera de garder l’équilibre pendant que le remorqueur remorque. malgré la tentation, on se gardera de tirer sur la couverture d’un seul coup si l’on ne veut pas essuyer la plainte des voisins du dessous que commence à se demander quand est-ce que cela va finir tout ce bazar.

La toupie

Dans ce jeu, l’enfant se blottit au milieu de la couverture que l’on aura, bien entendu, débarrassée de tout son chargement. Le père ramène alors les quatre coins au-dessus, comme un baluchon, les saisit d’une seule main puis, avec de grands moulinets, commence à faire pivoter la couverture avec l’enfant à l’intérieur. Une variante “spéciale grands appartements” consiste à faire tourner le baluchon autour de soi comme pourrait le faire, par exemple, un lanceur de marteau, mais bien sûr sans décollage et sans lâcher final à moins de l’être complètement, marteau.

Le paquet-cadeau

Le paquet-cadeau débute comme La toupie par l’emballage de l’enfant dans la couverture avec nœud des coins opposés. Une première version, qui amusera surtout les tout-petits, consiste à miner avec forces exclamations et bras au plafond, vos émotions à la découverte de ce présent hors norme. D’abord l’étonnement (“mais… ? mais, qu’est-ce… qu’est-ce que c’est ? C’est un cadeau ma parole ! Un énorme cadeau !”), puis le doute (“Mais pour qui est-il, ce cadeau ? Il est pour moi ?”, “Oui”, répond presque toujours la petite voix étouffée par la couverture), enfin l’émerveillement (“Mais, c’est extraordinaire ! Qu’est-ce que cela peut bien être ?” “C’est moi !”) Vient ensuite le temps du déballage — que l’on s’efforcera d’effectuer avec une extrême lenteur, en énumérant tout ce que pourrait contenir ce fabuleux paquet : une ours polaire ? (“Noon !”), une tour Eiffel ? (“Noon !”), un baba au rhum géant ? (“Noon !), un séquoia ? (“C’est quoi un séquoia ?”). Le dernier nœud défait, on ouvrira la couverture d’un coup en s’écriant : “mais non, saperlipopette, c’est mon bébé d’amour ! quel beau cadeau !”. Et d’attraper le bébé d’amour dans ses bras pour quelques folles papouilles. Un peu sentimental mais très efficace.

Le paquet-surprise (le livreur)

Cette version consiste à soulever et transporter le paquet-cadeau dans un coin de la maison que l’enfant devra deviner. On aura au préalable effectué quelques tours et détours de désorientation. Les sites de dépose seront sélectionnés avec discernement pour créer un maximum de surprise au déballage : baignoire, pallier, fond d’un placard, lunettes des toilette, garage, cave, balcon, etc.

La crêpe

Ce jeu doit se jouer sur un lit, un tapis ou de la moquette. On enroule l’enfant dans la couverture comme on le ferait d’une endive endive avec une crêpe. On attrape le bord et l’on tire pour dérouler la couverture et tourne-bouler l’enfant. Attention à sa tête !

La cabane

Voir fiche La cabane (à venir)

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