La Blockchain en Questions: Introduction et fonctionnement technique

Partie I — En +20 questions / réponses, nous faisons le tour de la Blockchain, ce que c’est, comment ça marche et quel est son fonctionnement technique.

Amine Azariz
Fintech.ma
11 min readOct 11, 2017

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La Blockchain. Tout le monde en parle, tout le monde veut en faire, tout le monde s’y intéresse. Mais qu’est ce que la Blockchain ? Comment ça marche ? Techniquement comment elle fonctionne ? Qui la contrôle ? Quelles en sont les applications ?

Des questions qui restent souvent sans réponses satisfaisantes : simples, précises et “straight to the point”.

Si vous n’avez pas le temps de passer des heures à regarder des talk Youtube sur le sujet et à feuilleter des slides à n’en plus finir, cette série d’articles intitulée “La Blockchain en Questions” est faite pour vous.

Introduction

Depuis plus de deux an, étant spécialisé et très actif dans le secteur de la Fintech et du paiement électronique, je suis amené à intervenir sur la question de la Blockchain dans différentes conférences, ateliers, panels ou chez des clients et à écrire des articles sur le sujet (comme ici ou encore ).

Et pendant tout ce temps, j’ai remarqué que beaucoup de questions revenaient de la part de l’audience, ou des lecteurs et que ces questions, souvent, se répétaient.

J’ai donc pris un peu de temps pour compiler une petite centaine de ces questions et d’en faire une série d’articles “La Blockchain en Questions”.

L’idée derrière est d’apporter des réponses claires, simples, précises, accessibles au commun des mortels, sous un format simple : des questions/réponses. Pas de slides, pas de schémas.

La série donc comporte plus de 60 questions/réponses divisées en trois parties (évitons quand même les migraines) :

  • La Blockchain en Questions I : Introduction et fonctionnement technique (l’article que vous lisez)
  • La Blockchain en Questions II : Les applications et les acteurs
  • La Blockchain en Questions III : Les opportunités et le futur

Assez pour l’introduction… C’est parti !

Si vous souhaitez accompagner la lecture d’une bonne tasse de café (ou de thé) il est temps où jamais, le sujet, est bien trop passionnant pour que vous puissiez le faire une fois commencé ;).

Généralités

Questions / Réponses générales sur la nature de la Blockchain, sa définition, et pourquoi elle fait le buzz.

1. Qu’est ce que la Blockchain ?

La Blockchain est une technologie qui permet de stocker des données de manière extrêmement sécurisée, transparente, décentralisée et sans organe central de contrôle.

2. Concrètement, un exemple pour mieux comprendre ?

Il faut imaginer la Blockchain comme un registre publique, partagé entre des milliers (voir des millions) d’ordinateurs de part le monde. Ce registre est ouvert à tous, où tout le monde peut écrire des données, que personne ne peut altérer. Tout le monde peut également consulter ou vérifier ces données.

3. Que veut dire Blockchain ?

La traduction littérale est “chaine de blocs”. On l’appelle de la sorte parce que les données enregistrées dans la Blockchain le sont en “blocs” et ces blocs sont liés les uns aux autres en “chaine”, chaque bloc référence celui d’avant. (Cf. Partie II — Fonctionnement technique).

4. Doit-on dire la Blockchain ou le Blockchain ?

Les deux sont acceptés mais “La” Blockchain est la forme la plus utilisée, parce qu’on parle souvent de la technologie Blockchain et que c’est “une” chaine. Tant qu’on ne l’appelle pas “chaine de blocs”, tout va bien. ;)

5. D’où vient la technologie Blockchain ?

Elle a été conceptualisée et utilisée pour la première fois par Satoshi Nakamoto pour créer la fameuse crypto-monnaie: Bitcoin, en 2008. Satoshi s’est appuyé pour cela sur plusieurs publications scientifiques traitant des “chaines cryptographiques”, publiées entre 1991 (Haber et Stornetta) et les années 2000 (Stefan Konst).

6. Qui est Satoshi Nakamoto ?

C’est le grand mystère de Bitcoin et la Blockchain. Jusqu’à ce jour, personne ne connait son identité. En 2008, Satoshi a publié, en pleine crise financière, ses travaux sur la Blockchain et Bitcoin sans jamais révéler son identité. On ne sait toujours pas non plus si c’est un individu ou un groupe de personnes.

7. Pourquoi tout le monde parle de la Blockchain ?

La Blockchain est considéré aujourd’hui comme une avancée technologique semblable à Internet dans les années 90. Par toutes les possibilité qu’elle permet, et qui n’étaient pas faisable jusqu’à aujourd’hui, la Blockchain a le potentiel de réellement changer l’économie comme nous la connaissons aujourd’hui.

8. Est-ce seulement une mode ?

Non. Le potentiel est réel et l’intérêt aussi. Plusieurs milliards de dollars ont déjà été investis dans la Blockchain par plus de 100 banques et entreprises, et ce rien qu’entre 2016 et 2017. On estime à plus de 200 institutions et organismes publics ayant déjà des projets Blockchain en cours. Et le World Economic Forum prédisait déjà en 2015, qu’en 2025 plus de 10% du PIB mondial sera lié à cette technologie.

9. Y’a-t-il plusieurs types de Blockchain ?

Oui, on parle de Blockchain publiques (public blockchain), Blockchain privées (private blockchain) et Blockchain semi-privées (permissioned blockchain).

10. Qu’est ce qu’une Blockchain publique ?

Une Blockchain publique est ouverte à tous. Toute personne, entité, entreprise peut participer à la Blockchain, l’utiliser, jouer le rôle de validateur (ou témoin) et en auditer le contenu. Les Blockchain publiques les plus connues sont la Blockchain sur laquelle repose le Bitcoin, et celle appelée Ethereum. NEO en est aussi une, plus populaire en Asie.

11. Et qu’est ce qu’une Blockchain privée ?

Une Blockchain privée est une utilisation de la technologie Blockchain au sein d’une entité fermée. Par exemple, une banque, qui équiperait toutes ses agences pour créer une Blockchain interne (privée) pour ses propres besoins. Les Blockchain privées les plus connues sont ceux basées sur la technologie (ou framework) HyperLedger, TinderMint, Chain ou encore Quorum ou Corda.

12. Et qu’est ce qu’une permissioned Blockchain ?

Une Blockchain semi-privée (ou permissioned, avec permission) est une Blockchain publique mais où les participants doivent accepter d’autres nouveaux participants selon certains critères. Généralement ce type de Blockchain est utilisé par plusieurs entités dans la même industrie, banking, assurance, santé, supply-chain, etc. Un exemple ici serait Ripple, qui met en relation des banques internationales et qui a pour ambition de remplacer le système SWIFT.

Fonctionnement technique

Questions / réponses sur le fonctionnement réel d’une Blockchain, et comment elle marche sur le plan technique. (Les réponses ici sont parfois simplifiées, pour l’accessibilité au plus grand nombre).

13. Pourquoi a-t-on inventé la Blockchain ?

La Blockchain résout deux problèmes bien connus en informatique et en mathématique. Le premier connu sous le nom de “problème des généraux byzantins”, un nom qui fait peur mais qui traite d’une problématique plutôt simple : le fait de faire fonctionner plusieurs entités ensembles pour produire un résultat commun -un consensus- sans que ces entités ne se fassent “confiance”. Le deuxième est connu sous le nom de “problème de double dépense” (double spending) qui consiste à vérifier qu’un objet “virtuel” tel qu’une monnaie électronique par exemple ne puisse pas être “copié” et donc utilisé plusieurs fois.

14. Et en français, qu’est ce que ça veut dire ?

Un exemple simple. Sur votre ordinateur, quand vous envoyez un document Word à une autre personne via le réseau Internet, la personne ne reçoit pas votre document mais seulement une copie de ce dernier. Contrairement à ce fonctionnement, la Blockchain assure le fait qu’une donnée ne puisse exister/utilisée qu’une fois. Dans le cas de la monnaie électronique, quand vous envoyez un Bitcoin par exemple, tout le monde est sûr que le Bitcoin que vous avez envoyé n’est plus en votre possession, donc vous ne pouvez plus le “dépenser” une deuxième fois. Ce qui lui confère sa valeur.

15. Techniquement, qu’est ce que la Blockchain ?

Techniquement, mais simplement, la Blockchain est en même temps un registre (ou base de donnée) et un réseau de participants (ordinateurs, serveurs, mobiles, etc.). Le registre est partagé, et constamment validé et vérifié par l’ensemble des participants de la Blockchain dans un consensus général.

16. Quelle est la différence entre Blockchain et Cloud ?

Le Cloud est centralisé, on parle du Cloud Google, Microsoft, Amazon et autre. La Blockchain n’appartient à personne en particulier et n’est gouvernée par aucune entité centrale. La Blockchain est maintenue et partagée par tous ses participants.

17. Pourquoi dit-on que la Blockchain est extrêmement sécurisée ?

La manière avec laquelle la Blockchain fonctionne fait d’elle l’un des systèmes les plus sécurisés qui existent aujourd’hui. Comme vu plus haut, 1) tous les participants doivent donner leur accord pour une demande de changement dans la Blockchain et 2) chaque bloc est fortement lié à celui d’avant de manière cryptographique, c’est pour cela qu’on dit une “bloc/chain”. La nature donc des données dans la Blockchain fait que si quelqu’un de malicieux souhaite les modifier ou les pirater, il faut qu’il puisse pirater simultanément les centaines de milliers de participants à la Blockchain, exactement au même moment. Et pour chacun d’entre eux, changer l’histoire entière de la Blockchain bloc par bloc. Ce scénario est quasi-infaisable aujourd’hui. Malgré des centaines de tentatives et de recherches académiques, personne n’a réussi à trouver une faille à ce fonctionnement depuis une décennie maintenant.

18. Qui stock les données de la Blockchain ?

Tous les participants à la Blockchain stockent une copie des données, ce qu’il fait d’elle l’un des systèmes de stockage le plus sûr au monde.

19. Quels sont les composants de la Blockchain ?

Typiquement, la Blockchain se compose d’un logiciel, souvent open-source, que les participants et les utilisateurs font tourner sur leurs machines, mobiles, serveurs, etc. Dans le cas d’une Blockchain dans laquelle on retrouve des crypto-monnaies on retrouve aussi un logiciel qui joue le rôle de portefeuille électronique, qu’on appelle Wallet. Dans lequel les utilisateurs gardent leurs fonds. D’un point de vue logique, une Blockchain se compose entre-autre de blocs de données (ou transactions) et de chaines de blocs (liens entre les transactions).

20. Qui sont les participants de la Blockchain ?

Les acteurs d’une Blockchain sont typiquement : 1) les validateurs ou agents, qu’on appelle aussi Miners (mineurs), qui valident les transactions et sécurisent le réseau. 2) Les Nodes (noeuds) qu’on retrouve dans certains types de Blockchain décentralisées, et qui sont une sorte de “super-validateurs”. Et 3) les utilisateurs, qui ne participent pas à la validation, mais qui consultent, créent les transactions.

21. Qui contrôle et administre la Blockchain ?

Tout le monde et personne à la fois. Et c’est la force de la Blockchain. Tous les participants doivent se mettre d’accord pour effectuer un changement de règles (qu’on appelle protocole) ou valider des transactions, dans ce qu’on appelle un consensus. Et tout participant qui ne respecte pas le protocole et le consensus est automatiquement rejeté par le réseau. La gouvernance (si on peut parler de gouvernance) est totalement démocratique.

22. Est ce qu’une Blockchain peut être modifiée ?

Comme vu dans la question relative à la sécurité, non. Une donnée inscrite dans la Blockchain est là ad vitam æternam. Aucune entité ne peut la changer, la stopper ou la contrôler. Ni les développeurs, ni les validateurs, ni même les Etats ou les gouvernements.

23. Quel est le parcours d’une information dans la Blockchain ?

Pour inscrire une nouvelle information (ou une transaction) dans la Blockchain, 1) on soumet une transaction à l’un des participants (agent, noeud) 2) Cet agent inclut l’information dans un bloc et transmet (broadcast) ce dernier à tous les agents auxquels il est connecté. 3) Chacun de ces agents fait de même jusqu’à ce que l’information soit disponible sur le réseau entier. 4) Tous les agents valident le bloc et les informations/transactions qu’il contient. 5) Quand plus de 51% du réseau valide un bloc celui là est définitivement inscrit dans la Blockchain, sans aucune possibilité de modification ou suppression. Tout ce process ne prend que quelques secondes (ou quelque minutes. Dans le cas de Bitcoin, un nouveau bloc de transactions est crée toutes les dix minutes).

24. Qui finance la Blockchain, qui paie quoi ?

Tout le monde. Dans le cas d’une Blockchain publique souvent celle-ci fonctionne grâce à une crypto-monnaie. Et pour chaque transaction un petit pourcentage est utilisé pour rémunérer les validateurs de la Blockchain. Aussi, chaque fois que les validateurs créent un nouveau bloc, ces derniers sont rémunéré en crypto-monnaie. Ce qui leur donne une forte incentive pour sécuriser le réseau et continuer à valider les transactions.

25. Qu’est ce qu’un Smart Contract ?

Nous avons vu plus haut que dans la Blockchain les validateurs travaillent en concert pour valider des transactions et inscrire des données sur le Blockchain. Ce même fonctionnement est utilisé pour exécuter des programmes informatiques, qu’on appelle des contrats intelligents, ou Smart Contracts. Un Smart Contract est donc simplement un code (ou script) qui est exécuté par tous les agents de la Blockchain, de la même manière, en même temps, et dont le résultat est validé par tous les participants à cette Blockchain avant qu’il soit accepté.

26. Comment les Smart Contract fonctionnent ?

Une fois le Smart Contract enregistré dans la Blockchain, toute personne peut l’exécuter, lui envoyer des informations ou en recevoir. Ce qui est différent ici d’un programme informatique hébergé sur un seul serveur ou dans le Cloud, c’est que l’exécution du code et son résultat sont validés et vérifiés par toute la Blockchain. Ce qui donne au Smart Contract une assurance extrêmement solide, qui peut résister à toute tentative de modification ou de manipulation.

27. Quelles sont les limitations de la Blockchain ?

Aujourd’hui la Blockchain est faussement “vendue” comme étant une solution miracle à touts les problèmes. Or, on oublie -ou on ne sait pas- que la Blockchain ne peut pas tout faire. D’abord, la nature des algorithmes et le fonctionnement de la Blockchain ne remplace pas une base de donnée classique dans la rapidité de stockage de la donnée. Ensuite le jeu économique de la Blockchain (qui vient de ce qu’on appelle la game theory) fait que pour chaque exécution/validation le réseau des validateurs doit être rémunéré, afin de leur donner une raison de continuer à valider les blocs et maintenir la Blockchain. Ce qu’il fait d’elle une solution peu économique dans certains types d’utilisation, comme le stockage de données.

28. En quoi la Blockchain peut être mal utilisée ?

La Blockchain n’est pas adaptée pour beaucoup de cas de figure, comme par exemple stocker une large quantité de données (non critiques). Aussi, les Smart Contracts dans la Blockchain ne sont pas (encore) bien adaptés pour les cas de figure où l’exécution requiert des données externes au réseau. On reviendra sur les applications de la Blockchain dans la partie II de la série.

Conclusion — Partie I

Je pense que nous avons fait le tour des questions principales et souvent posées, concernant la nature de la Blockchain mais aussi et surtout son fonctionnement technique.

Dans la suite de la série “La Blockchain en Questions” nous parlerons des acteurs (les big-players) les plus actifs dans le marché de la Blockchain, et aussi, de la partie qui intéresse le plus grand nombre d’entre nous : les applications de tous les jours de la Blockchain. Une bonne section sera dédiée à des applications réelles déjà existantes.

À la semaine prochaine !

Note : N’hésitez pas à participer à la “Blockchain en Questions” en proposant des questions que j’ai pu omettre ou en me corrigeant sur des points qui vous semblent incorrectes ou incomplets. C’est grâce à vous que cette série existe, et grâce à vous qu’elle pourra s’améliorer constamment.

Aussi, merci de citer Fintech.ma si vous utilisez son contenu dans votre propre publication, article, magazine, journal ou présentation. Je vous assure que ce n’est pas “has-been” du tout de citer ses sources, c’est même très tendance ;).

Pour partager avec vos collègues, followers ou amis intéressés (ou pas) par le sujet, les liens à gauche et juste en dessous de cette phrase sont fait pour vous. Merci.

About the author: Amine Azariz (website). Founder Fintech.ma / Consultant.
Previously: e-Payment Services Manager @ M2T. Head of Product @ AmanPay. Co-founder & CTO @ Greendizer. Co-founder StartupYourLife.

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