L’aberration de la gestion actuelle des politiques de stock

Sandro Zeme
Flowlity
3 min readApr 17, 2020

--

Depuis des années, la question du bon niveau de stock est centrale dans toutes les organisations. Pouvoir le déterminer avec précision permet de minimiser le coût que celui-ci représente tout en maintenant un niveau de service en ligne avec le positionnement d’une marque. Pourtant, le constat est qu’encore aujourd’hui, la plupart des entreprises se retrouvent dans la situation d’avoir des stocks d’invendus et des ruptures de stock. Et ce malgré l’utilisation de logiciels spécifiques faisant appel à des algorithmes de plus en plus poussés pour définir la fameuse politique de stock. Pourquoi?

La réponse est dans la définition de ce qu’est le stock, et le stock de sécurité en particulier. La planification de la supply chain est une matière qui relève un peu de la divination. Au fond il s’agit de prévoir des événements futurs, tels que

  • ‘je vendrai tant de pièces sur ce marché sur cette période’
  • ‘mon outil de production sera capable de sortir tant de pièces par jour’
  • ‘mon fournisseur me livrera exactement tant de pièces tel jour’.

Or, qui dit prévoir des événements futurs, dit incertitude ou erreur (à moins d’être devin bien évidemment). C’est là la notion fondamentale qui définit l’existence du stock de sécurité, il est là pour palier à l’incertitude vis-à-vis de ce qui se produira dans la ‘vraie vie’.

Prenons un exemple complètement en dehors de la gestion de la supply chain. Disons que vous devez vous rendre à une réunion très importante pour laquelle vous ne pouvez pas vous permettre d’être en retard. Si vous êtes comme moi, vous allez vérifier le temps qu’il vous faut pour vous y rendre puis vous allez prendre une marge. Et cette marge vous allez la dimensionner sur la base de plusieurs facteurs, comme par exemple quelle est la fréquence des transports en commun, quelle est la fiabilité des horaires annoncés, y-a-t il des manifestations ou autres événements en cours, le voyage sera-t-il pendant l’heure de pointe… Tous ces facteurs ont une caractéristique commune, ils sont fonction du moment auquel doit se produire votre trajet. Conséquence, votre marge ne sera jamais la même en fonction du moment auquel vous effectuerez votre trajet.

La marge que vous prenez sur votre trajet est une analogie du stock de sécurité. Et elle ne sera jamais la même car l’incertitude sur la durée de votre trajet n’est pas la même en fonction du moment auquel vous devrez effectuer celui-ci. Par exemple, cette année pendant les grèves de début d’année 2020, je me suis retrouvé à prendre 1h de marge au lieu des 5 minutes habituelles. De la même manière, la demande que vous avez prévue, la livraison à l’heure et à quantité exacte d’un fournisseur ou le taux de rebut de votre outil de production sont autant de facteurs dont l’incertitude est fonction du moment considéré.

Alors pourquoi votre politique de stock sur une référence se résume-t-elle à un chiffre quel que soit le moment?

Si l’on vous demande quelle est votre stock de sécurité sur un produit, vous allez sans doutes procéder ainsi pour répondre à la question:

  • accéder à votre ERP ou votre fichier Excel de planification
  • Chercher la valeur stock de sécurité qui s’exprime en jours de couverture ou en volume

Cette valeur unique peut être déterminée essentiellement de deux manières différentes:

  • faire confiance à l’expérience des planificateurs
  • faire appel à un cabinet de conseil

Et cette valeur ne changera plus jusqu’à ce que le processus se reproduise, probablement au bout d’un an si ce n’est plus.

En gros, le risque que vous devez absorber est toujours le même peu importe le point temporel que vous êtes en train de regarder. Peu importe si c’est le nouvel an chinois, les vacances d’été, la rentrée des classes ou autre, vous estimez qu’à tout moment vous avez exactement la même probabilité que la demande client, l’approvisionnement depuis les fournisseurs et la production se matérialisent exactement comme planifiés.

Si je reprends l’exemple de la réunion quelques lignes plus haut, cela revient à dire qu’en période de grève des transports publics vous prenez les habituelles 5 min de marge pour faire face aux éventuels bouchons. N’est-ce pas un comportement qui mérite l’appellatif “aberrant”?

--

--

Sandro Zeme
Flowlity
0 Followers
Writer for

Digital Supply Chain Professional