La Tour Sombre, tome 1 : Le Pistolero de Stephen KING

Avis sur le premier livre de la série

Frédéric Danset, écrivain
Frédéric Danset
3 min readApr 21, 2018

--

Il ne faut jamais croire les auteurs quant ils font preuve de modestie. Ils cachent leurs ambitions derrière la petitesse du monde et déclinent leur chef d’œuvre à la sauce: c’est un pur hasard, vraiment, je ne m’y attendais pas, je dois être béni des Dieux.

C’est dans l’ordre du monde, mais à chaque fois qu’un écrivain vous dit ça, soit il pense le contraire, soit il essaye de vous refiler une copie de la notice de son imprimante laser pour payer ses factures. Et si cette règle est valable pour tout le monde, elle fait une seule exception, et cette exception s’appelle Stephen King.

Le maitre préface le tome 1 de La Tour Sombre (Le Pistolero) en expliquant, avec le recul, que ce que vous tenez entre les mains n’est pas le meilleur livre qu’il ait jamais écrit, mais que pour un tas de bonnes raisons — une œuvre de jeunesse, le début d’une saga qui est le « Jupiter du système solaire de son imagination », l’espoir, la confiance en lui — il faut croire en sa promesse et faire l’effort de dépasser la langueur produite par cette lente traversée du désert du premier tome.

Et il a vachement raison. Bien que ce premier tome ne soit pas aussi désastreux qu’il le prétend. C’est le premier pas dans un univers aussi perturbant et prometteur que le premier bouton d’acné sur le désert d’une peau d’ado. Il faut bien qu’un nouveau monde se créé contre l’habitude et la facilité, et ce monde ne peut exister que dans les yeux d’un Homme qui porte en lui la prégnance, la culture et le destin de ce nouvel univers. Ce qui doit donc exister avant toute chose, c’est la condition de cet homme, Roland de Gilead. Et pour cela, pour approcher du Panthéon, il doit cheminer longtemps en nous pour que nous puissions à l’avenir le reconnaitre au milieu des autres et par ses yeux, reconnaitre son univers.

Cette ouverture, cette poursuite dérisoire d’un autre Homme qui possède les clefs du passage au Tome 2 n’appelle à aucune autre conclusion que : bon, ok, bof, voyons la suite. On n’est jamais vraiment dans la situation habituelle de ceux qui aime le King, lui qui excelle à nous familiariser avec ses personnages en quelques lignes et à les plonger dasn des situations inextricables, au bout de trois pages. Mais c’était nécessaire. Il faut se souvenir de l’interminable début du Seigneur des Anneaux présentant les personnages centraux de l’histoire et garder espoir, cela en vaut vraiment la peine.

Stephen King alimente ainsi sa propre légende, celle d’une œuvre marquée par le mépris de la critique et le succès phénoménal de ses livres. Et celui là en est presque symbolique, puisque qu’il faut impérativement dépasser le stade d’une méthode rationnelle pour se plonger dans le Tome 2 (Les Trois Cartes) qui est, lui, une merveille du genre. Il faut croire en Stephen King, car il est l’un des écrivains majeurs de notre génération, et il faut le croire même quand il fait preuve de modestie.

--

--