Un goût de rouille et d’os, de Craig Davidson. Chronique.

La littérature coup de poing

Frédéric Danset, écrivain
Frédéric Danset
2 min readMay 5, 2018

--

« Il y a vingt sept os dans la main humaine… » est une phrase d’une évidence brutale qui fait du prolongement banal de notre corps un objet insolite. C’est également la première phrase de ce recueil de nouvelles. Nous sommes de chair et d’os et le goût du sang, le craquement sinistre d’un tibia nous rappelle à l’occasion que ce que qui est perçu à l’intérieur de notre pulpe intime est différent de ce que nous saisissons du monde, il y a une frontière entre ces deux univers qui n’est traversée que par la morsure de l’émotion ou de la souffrance ; amour et douleur dansent et se battent autour de cette zone avec des réflexes de crotale.

Dans ce recueil, Craig Davidson écrit un texte original et intense autour du chant de la douleur. La première nouvelle en signe le thème principal sur une ébouriffante partition de littérature. Là, le héros vit de la violence pour expier, pour éteindre la souffrance morale qui hurle en lui depuis un drame familial dont il porte la culpabilité. C’est cela, tout en lui résonne de culpabilité et violence. Davidson sculpte des mondes puissants de réalisme avec ces deux outils, et la musique admirable de son métier en écrit la partition sonore.

On le compare à Palahniuk, dont la littérature traite des mêmes principes sociaux : l’énergie de la violence, la permanence de l’absurde et l’intimité de la douleur. Mais Davidson produit une littérature plus brute, réaliste, plus en accord avec la vie réel. C’est la profondeur de ces mondes imaginaires plus puissants et plus vrais qu’un reportage télévisé. Ses obus percutent la matière littéraire jusqu’à en faire jaillir la moelle de l’homme. On le compare à Palahniuk, mais c’est à Maupassant que je pense. Le savoir-faire formel y est tout aussi maitrisé et devient un style à part entière, plus proche du vivant. Ce sont des uppercuts, des coups de dents, des larmes, du sang, des rires, des remords, de la tendresse, de la littérature brutale et obsédante mais dans ce qu’elle fait de meilleur, parce que les personnages qui hantent ce recueil semblent aussi réels que des frères et leur souffrance deviendra votre souffrance bien après que vous ayez refermé le livre de leurs vies.

A lire. A lire d’urgence même.

--

--