Pas de rattrapage pour le numérique au Baccalauréat ?

France Digitale
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3 min readApr 9, 2018

by Rachel Delacour

Le baccalauréat est un rite, qui marque chaque génération de Français. Pour la première fois depuis trente ans, la liturgie de ce rite s’apprête à subir de profonds bouleversements, sous l’impulsion du Rapport Mathiot.

Les startups de ce pays voient défiler une certaine jeunesse: dans un pays frappé par un chômage endémique, nous connaissons le “chômage négatif”. Faute de talents bien formés, nous peinons à pourvoir nos métiers numériques. Les acteurs de la révolution numérique attendent l’ajout d’une nouvelle lettre au mot “baccalauréat”: non pas L, ES ou S, mais bel et bien “N”, comme numérique.

Quelle sera la place du Numérique dans la réforme du Baccalauréat que le Gouvernement posera sur la table du Conseil des Ministres ? Le Numérique sera t-il considéré comme une majeure, une mineure ou une gageure ?

La génération qui vient aura besoin des outils pour maitriser la Révolution Numérique et pour bénéficier pleinement des bouleversements des modes de consommation, de la multiplication des canaux d’information, des transformations du monde du travail, des innovations dans la vie citoyenne impliquées par les ruptures technologiques récentes.

A l’heure où notre président soutient que « l’éducation est la seule façon de combattre les disparitions massives d’emplois liées à la numérisation » , pourquoi ne pas prendre la mesure de l’enjeu et donner les clés aux jeunes générations qui auront à prendre des risques et appréhender ses mutations?

Notre Education Nationale ne doit pas redouter de participer au « contrat mondial ». Doter les 630 000 bacheliers d’une culture numérique solide, c’est leur donner les moyens de penser le monde, mais aussi de le conquérir.

Le récent classement PISA classe la France en vingt-sixième position. Pour retrouver la voie ascendante, nous proposons la création du “Bac N”, comme “numérique”.

Cette Majeure N serait composée d’un socle d’humanités commun aux autres fondamentaux (français, mathématiques, langues). On y aborderait la programmation, la compréhension des grandes innovations (blockchain, informatique quantique) et intégrant les technologies les plus avancées (deep et machine learning, intelligence artificielle…). Cette Majeure constituerait une passerelle utile avec l’enseignement supérieur, de plus en plus orienté vers les métiers du numérique.

Pensons aussi à nos professeurs, dont l’autorité est malmenée par la concurrence des savoirs piochés sur internet, parfois en plein cours, par des élèves dont les sources d’information se diversifient et se relativisent. Les enseignants ont tout autant besoin de se former au numérique, pour revaloriser leur rôle et conserver leur place éminente dans la diffusion des connaissances.

La personnalisation des parcours proposée par le rapport Mathiot va dans le bon sens, mais ne saurait être durable sans la création de “communs”, d’enseignements transverses qui permettent de penser les mutations à venir. Penser la réforme du baccalauréat, c’est aussi via le prisme du numérique permettre de repenser certains paradigmes. En réalité des dizaines de métiers existants (ou à créer) sont (ou seront) pénuriques si l’on maintient l’idée que seuls les « bacheliers scientifiques » (sélectionnés via les mathématiques) peuvent exercer des métiers impliquant des technologies…

Réécrire le baccalauréat, c’est écrire l’avenir de toute une génération. Trempons nos plumes dans l’innovation et essayons de répondre à cette question essentielle: le numérique peut-il réparer l’ascenseur social? Les expériences et initiatives telles que Simplon, la Grande école du numérique ou l’École 42 démontrent qu’intégrer le numérique comme enseignement fondamental au lycée servirait un impératif d’équité sociale. Ces métiers du futurs peuvent inclure tous nos jeunes, le plus tôt possible, sans en laisser sur le bas-côté.

Le Bac N offrirait une « vision collective » à une génération qui ne demande qu’à se construire en commun, face à des mutations technologiques sans précédents.

Redonner au numérique le sens du Progrès. Voilà le chantier d’une vie pour cette génération qui vient.

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