Benoît Hamon peut-il être le François Fillon des #PrimairesCitoyennes ?

Yves-Marie Cann
4 min readJan 20, 2017

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Avec plus de 3 millions de téléspectateurs et 15% de parts de marché, le troisième et dernier débat d’avant premier tour des primaires citoyennes enregistre un score honorable, qui témoigne de l’intérêt non négligeable que suscite ce scrutin. C’est 2 millions de moins que pour le troisième débat organisé en novembre mais, il faut le reconnaître, avec une campagne éclair et seulement 10 à 15 jours “utiles” pour permettre aux électeurs de forger leur choix, ce n’était pas gagné d’avance.

De tels chiffres me semblent d’autant plus importants que les débats télévisés occuperont probablement une place de choix dans la construction du rapport de forces politiques qui sortira des urnes dimanche. Les primaires se distinguent en effet des autres scrutins par le fait que l’audience des débats télévisés tend à être plus importante que le nombre d’électeurs qui se déplaceront aux bureaux de vote. De fait, la plupart des électeurs se retrouvent au moins une fois devant l’un des débats, ce qui contribue à amplifier l’influence de la télévision sur l’issue du scrutin. Ainsi pour la primaire de la droite et du centre, ce sont 79% des votants au premier tour qui avaient regardé au moins l’un des trois débats télévisés. Nous avions d’ailleurs pu mesurer l’influence de ces débats sur le vote, et plus particulièrement leur contribution à la dynamique en faveur de François Fillon. Ainsi dans le sondage “jour du vote” réalisé par Elabe pour BFMTV le 20 novembre, 43% des électeurs de François Fillon ayant regardé au moins un des trois débats affirmaient que ceux-ci leur avaient fait changer d’intention de vote, contre seulement 4% chez les électeurs d’Alain Juppé et 7% chez ceux de Nicolas Sarkozy. Cette dynamique en faveur de François Fillon avait d’ailleurs été mise en lumière par les enquêtes “à chaud” réalisées à la fin de chaque débat auprès d’échantillons de téléspectateurs. A l’issue du premier débat organisé le 13 octobre, “seuls” 17% des sympathisants de la droite et du centre ayant regardé le premier débat désignaient François Fillon comme le candidat le plus convaincant, derrière Alain Juppé (32%) et Nicolas Sarkozy (27%). A l’issue du troisième débat (17 novembre), François Fillon caracolait en tête des réponses, désigné comme le plus convaincant par 39% des sympathisants de son camp, contre 25% à 26% pour Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. En l’espace d’un mois, les écarts observés témoignaient d’une dynamique puissante, vérifié au soir du premier tour.

Un phénomène assez proche semble prendre forme dans le cadre des primaires citoyennes organisées par le Parti socialiste et ses alliés. Ce sont ainsi 34% des sympathisants de gauche ayant regardé le troisième débat télévisé qui ont désigné Benoît Hamon comme le candidat le plus convaincant, devant Manuel Valls (24%) et Arnaud Montebourg (23%). Toutefois, les niveaux enregistrés importent moins que les dynamiques observées par rapport au premier débat (12 janvier) : +7 points pour Benoît Hamon, -5 points pour Manuel Valls et un score inchangé pour Arnaud Montebourg. En l’espace d’une semaine, les regards portés sur Benoît Hamon ont incontestablement évolué. D’autres indicateurs attestent de cette évolution et de cette dynamique. Pour 41% des téléspectateurs du troisième débat, Hamon est le candidat qui défend le mieux les valeurs de la gauche, loin devant Montebourg(23%) et Valls (15%). Sur cette dimension, il gagne d’ailleurs 7 points par rapport aux réponses recueillies auprès des mêmes téléspectateurs avant le débat, lorsque ses deux principaux adversaires en perdent 3 chacun. Benoît Hamon capitalise aussi sur l’incarnation du changement. A la question “qui veut vraiment changer les choses”, 39% des téléspectateurs le désignent, soit 6 points de plus qu’avant le débat, devant Arnaud Montebourg (25%, -2) et Manuel Valls (-6). Benoît Hamon peine toutefois à convaincre de sa présidentialité. A la question “qui a le plus les qualités pour être Président de la République”, il est devancé par Manuel Valls (33%) et Arnaud Montebourg (26%), avec un peu moins d’un quart des réponses (23%). Un point faible que corrige toutefois partiellement le candidat puisque, sur cette dimension, il gagne 4 points par rapport à l’avant-débat, lorsque Manuel Valls en perd 5.

Partant de ce constat, Benoît Hamon peut-il créer la surprise lors des primaires citoyennes ? La dynamique dont témoignent les quelques indicateurs listés ci-dessus présente des similitudes non négligeables avec ce qui avait été enregistré lors de la primaire de la droite et du centre. Une qualification pour le second tour semble désormais à la portée de Benoît Hamon… mais beaucoup dépendra des principaux déterminants du vote et donc des motivations du corps électoral. S’il s’agit pour les votants à la primaire de changer d’orientation politique et d’engager un virage à gauche, les chances de Benoît Hamon apparaissent sérieuses. S’il s’agit avant tout de répondre à la question “qui ferait le meilleur Président de la République”, l’équation pourrait s’avérer plus compliquée et favoriser Manuel Valls, voire Arnaud Montebourg. A ce sujet, la part des sympathisants socialistes au sein de l’électorat influera sur l’issue du scrutin : davantage favorables à Manuel Valls que le reste de la gauche, leur niveau de mobilisation sera lui aussi déterminant. Dès lors, une seule certitude à J-2 : le suspense est entier !

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Yves-Marie Cann

Spécialiste des enjeux d'opinion et de communication. Ancien sondeur (Ifop, Institut CSA, Elabe) et conseiller ministeriel. Compte personnel.