Combien faut-il de musiciens pour changer une ampoule ?

Dix. Un pour la changer, neuf pour dire qu’ils auraient fait mieux…

Brass Stories
Brass Stories

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Si cette vielle blague exagère elle revêt un fond de vérité indéniable: le musicien possède une légère tendance à jauger ses collègues à l’aune de son propre talent et ego. Si ce réflexe est compréhensible, cet état d’esprit de comparaison permanente doit néanmoins cesser.

Stop à ces petites Guerres Froides faites de toisements du regard, d’indifférence de principe & d’hermétisme snob.

“Vous allez vous aimer les uns les autres, b****l de m***e ?!” — Jesus ‘Christ’ de Nazareth

Cette scène pop, à laquelle Brass réserve une affection toute particulière, a beaucoup à apprendre de cultures musicales plus collaboratives et par là plus malines. L’entraide plutôt que le tirage de couverture. L’échange plutôt que le dénigrement. L’émulation plutôt que la compétition.

Aussi, pour toi ami batteur, guitariste ou chanteur, voici un petit tour d’horizon des meilleures pratiques d’ailleurs, à se réapproprier dès à présent. On ne va clairement pas réinventer la roue, mais je m’étonne de ne pas voir d’avantage de ces évidences dans nos feeds.

Tribu hip-hop

On raille souvent l’egotrip permanent du hip-hop. Mais observez-en un tracklisting d’album au hasard: il est sans doute bardé de featurings, d’apparitions, de cameo sonores et de guest producers

Joey Badass et son crew de la Pro-Era. Ses excellentes mixtapes distribuées gratuitement sur Tumblr l’ont amené à déclarer qu’il “ne signerait pas pour moins de 3M$”. Ce qui fut fait.

L’union fait la force. Et ça les hustlers l’ont compris depuis un bail. Cette pratique hyper-collaborative permet de décupler le nombre d’artistes impliqués dans la promotion d’un projet. Mathématiquement imparable, en plus d’apporter -au besoin- une diversité artistique toujours bienvenue.

Pourquoi aussi ne pas s’inspirer du format hip-hop historique de la mixtape ? Sa demi-heure de collage musical continu flanquée d’interludes, d’extraits de films et autres verses échangés est une bonne solution pour sortir un format long sans avoir à assumer un premier album lourd et souvent trop précoce.

L’album étant parfois perçu comme un support sur le déclin, la tape plus brute, immédiate et excitante peut même avantageusement s’y substituer.
Au lieu d’en constituer un avant-goût bricolé et un peu cheap.

La manœuvre fut par exemple réalisée avec brio par les iconoclastes Le Vasco.

Bromances électroniques

Que dire de la noble tradition du remix? L’explosion mainstream de la musique électronique, s’est peut-être accompagnée de celle du business du RMX commandé rubis sur ongle. Mais il fut d’abord le lieu de bromances artistiques marquantes et mutuellement bénéfiques.

A-Trak & Boyz Noise, définition de la Myspace Bromance par remixes interposés.

Avoir des frères d’armes est courant dans l’électro, beaucoup moins dans la pop et c’est bien dommage. Avec qui échanger des dates? Gonfler un single en remix-EP plus charpenté? Partager et étendre réseaux et publics? Assurer du monde aux concerts?

Ok, mais produire de la musique électronique peut se faire sur un Mac sans quitter son salon. Facile la fraternité du remix! Alors qu’un ‘vrai musicien’ doit passer en studio pour enregistrer. La triche !

Nous sommes en 2016. Auto-produire un son de qualité correcte n’a jamais été aussi facile. Une version pirate d’Ableton n’est qu’à quelques clics d’ici. Et si samples, synthés et boîtes à rythme ne sont pas votre truc, enregistrer des reworks acoustiques ne demande qu’un micro et une carte son.

Plaisir d’offrir. Joie de recevoir.

Esprit punk

Depuis ses débuts, la scène punk survit en marge du grand public. A l’économie, mais en comptant sur des réseaux d’entraide soudés et un esprit démerde à toute épreuve.

Il y a forcément là des choses à apprendre et à reprendre, surtout pour nos amis encore non-signés.

D’abord, selon nous, ce magnifique objet perdu du folklore DIY: le Split. Pas propre, mais fortement associé au punk et ses progénitures, le split mutualisait les frais de fabrication d’un vinyle en attribuant chacune de ses faces à l’un de ses groupes commanditaires.

Le stock partagé permettait à chaque groupe de faire la promotion de l’autre en vendant son disque. Pour deux groupes éloignés, l’initiative permettait un relai local en or.

Aussi décliné en format live, le split est en fait, au-delà de ses aspects pratiques, une philosophie de co-création. Deux groupes qui s’apprécient artistiquement le manifestent en concevant ensemble une oeuvre plus grande que la somme de ses parties. Un exemple des plus criants :

Quand Yeasayer invite Health pour un Split NYE Show en 2010, les mecs signent un artwork commun, sérigraphié sur des T-Shirt numérotés vendus sur place. Enregistrent le concert et offrent l’enregistrement avec un remix exclusif. Plus l’afterparty de nouvel an. Propre.

Évident tout ça. Facile. Banal. N’empêche que je reçois encore souvent deux invites, avec deux artworks, deux events Facebook avec deux textes pour un seul et même concert…

Pour finir,

Cool+cool = Cool²

Il y a mille excuses pour ne pas collaborer avec d’autres et préférer fantasmer l’acte grandiose et gratifiant de créer seul contre le reste du monde.

En réalité, on est souvent plus beaux et plus forts à plusieurs: une espèce d’effet cheerleader. En espérant aussi vous avoir donné quelques clés pour canaliser vos nouvelles envies de collab’s.

Dans l’attente d’en voir les résultats,

La bise et à vite.

— Mathieu & Jérémy, pour Brass.

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