Design sonore: le théorème du coup de feu

Ludovic Jokiel
2 min readOct 26, 2016

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Le bruit des coups de feu au cinéma est une escroquerie qui nous enthousiasme tous !

Le son d’un véritable coup de feu ne nous touche plus. Pour nous impacter et être psychologiquement juste, les Sound designer ont dû re-penser cette explosion pour donner au cinéma de nouvelles références sonores.

C’est du cinéma !

John Woo plaide coupable dans cette transformation (ce n’est pas le seul).

En ralentissant les scènes de duel il a forcé ce son court, sec et claquant à se décomposer jusqu’à montrer sa structure.

Les frères Wachowsky vont plus loin, dans la série de film Matrix, Le temps devient élastique, il ralentit jusqu’à s’inverser et impose d’inventer une nouvelle narration sonore.

La gâchette, l’étincelle qui touche la cartouche, l’explosion de la poudre, le départ de la balle et son trajet sont détaillés et grossis. Une hyperbole sonore qui est le nouveau théorème du coup de feu.

Ça fait des décénnies qu’on ne reproduit plus la réalité sonore, on la transforme pour métamorphoser les spectateurs en Daredevil, en mutants capables d’entendre les détails microscopiques du paysage sonore.

Une audition augmentée

La scène d’introduction du Soldat Ryan est la démonstration de ce théoréme sur un film de guerre. C’est une frontière audio nette.

Dans ce film, tous les événements sont sonores (même ceux qui à priori ne font pas de son), tout est extrapolé pour créer l’émotion, les sensations des G.I qui débarquent sur les plages de Normandie.

La dramaturgie du coup de fusil

Cette transformation sonore c’est de la dramaturgie, les sound designer font naître à chaque tir les foudres divines dans les canons des pistolets. Le coup de feu incarne le drame, parfois une solution et souvent un tournant dans la narration.

Le théorème du coup de feu, c’est la transformation d’un bête son de pétard en point culminant de l’histoire, en Himalaya d’intensité sonore et d’énergie dramatique.

Une position difficile à tenir dans des bandes sonores qui enflent à vue d’oeil et qui transforment ce sommet sonore en modeste colline.

On tente à chaque fois de le ré-inventer, de faire bomber encore un peu plus le torse à ce son de pistolet pour le faire sur-nager dans des bandes sons toujours plus compressées.

C’est à ce moment là, que le héros dépose négligemment son six-coups pour empoigner un lance-roquette par égard pour un sound designer qui n’en peut plus d’empiler les explosions et les hyperboles sonores.

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Ludovic Jokiel

Directeur des opérations / COO — Co-founder @ MUTT agency