Est-ce que cette image vous fait rêver? Est-ce à partir de cette image que vous imaginez construire la société de vos enfants?

Et si on parlait un peu politique…

L’école… La société du futur… Le terrorisme… même combat!

19 min readJul 29, 2016

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Je suis effarée, effrayée, écœurée, énervée, fatiguée. Nous sommes le 28 juillet 2016, et je suis à la veille de prendre des congés que je voudrais reposants et apaisants, mais…

Il y a un MAIS que j’ai besoin d’évacuer ici parce que j’entends, je vois et je lis beaucoup de choses qui ne me vont pas, qui me font perdre des points d’énergie et d’espoir.

Il y a le terrorisme vicieux, Novembre 2015 quand on avait presque oublié Charlie, maintenant c’est Nice et le bon vieux prêtre dans son église. Il y a le Front National et l’Islamisme qui intoxiquent et contaminent tout l’espace publique avec leurs idéologies puantes. Et toutes les images terribles venues de partout dans le monde….

Il y a beaucoup d’agitations, beaucoup de bruits, beaucoup d’émotions qui s’expriment. Il y a aussi beaucoup d’analyses intéressantes qui dressent des constats objectifs et indispensables à diffuser.

MAIS…

Quand il s’agit de proposer des idées de solutions, là, je ne m’y retrouve plus. J’ai l’impression qu’on ne me sert que de vraies fausses bonnes idées. Pourquoi? Je ressens, dans tous les commentaires, analyses et discours actuels, une frilosité, une idée timorée ou au contraire une indécence à porter quelque chose que pourtant l’immense rassemblement au lendemain de l’attentat de Charlie-Hebdo a démontré comme extrêmement vivant dans notre pays: l’idée d’une pluralité bien Française qui se solidarise autour de seulement trois petits mots

Liberté, Egalité, Fraternité.

Les mots Liberté, Egalité, Fraternité sont tellement galvaudés, tyrannisés, dévoyés, vidés de leur sens aujourd’hui que j’en ai la nausée. Ils sont dans la bouche de tout le monde alors que les idées défendues sont aux antipodes les unes des autres. Que ces 3 mots aient perdus de leur force et de leur sens pour les milliers de personnes en souffrance sociale et économique, je peux le comprendre. Qu’ils soient si peu réellement au centre des réflexions des gens éduqués, aisés et (soi-disant) bien informés, ça me sidère et ensuite ça me révolte.

Alors, je ne me sentirai pas très tranquille dans quelques jours au bord de ma piscine à bouquiner mon petit polar et à rire avec ma troupe de gamins si je n’écrivais pas ça.

Oyez, Oyez, braves gens! Si vous ne voulez pas du terrorisme, ni du fascisme, ni de l’ultra-libéralisme tyrannique, ce n’est pas parce que vous avez peur de l’avenir, c’est parce que vous avez un cerveau!

Nous avons un cerveau! Arrêtons d’avoir peur! Parlons, débattons, engueulons-nous, ne soyons pas d’accord, mais Réfléchissons!

Je ne peux pas croire que ce qui identifie notre vivre ensemble à la Française aux yeux de la planète toute entière soit mort dans la tête des Français. Je crois au contraire que le citoyen Français est plus que jamais bousculé dans son rôle de citoyen. Je crois qu’il faut à nouveau se battre pour la Liberté l’Egalité et la Fraternité. Non pas pour sauvegarder ces trois mots emblèmes de la République à la Française dans une forteresse imprenable … jusqu’à ce qu’elle tombe, mais pour projeter ces trois mots dans l’avenir. Que faire de ses trois jolis mots pour demain?

Se projeter dans le futur… c’est forcément penser à nos enfants, c’est forcément penser à l’éducation.

L’école pour tous, l’école de tous, l’école à deux vitesse? Et si on pensait à l’école tout court?

Il est urgent de débattre autour de l’ ECOLE. C’est une phrase qui devient aujourd’hui un leitmotiv, mais dont le sens se perd au fur et à mesure des débats.

Il est entendu que l’école est capitale pour l’avenir d’une société. Qui dit débat, qui dit société, dit forcément … politique. Echanger et débattre sur le sujet de l’école, c’est forcément faire de la politique. Allons-y, faisons de la politique! Débattons de la chose publique.

L’école est l’affaire de tous, que l’on soit directement concerné ou pas. Tout le monde a des idées sur l’école, sur ce qu’elle fait mal, sur ce qu’elle ne fait pas, sur ce qu’elle devrait faire. Quiconque ouvre ses écoutilles sur ce sujet peut constater qu’il existe aujourd’hui une accumulation de récriminations, requêtes, prescriptions, dénonciations, y compris des appels au boycott, au sujet de l’école. Les relever, les recueillir, en laisser une trace, est déjà une belle ambition si le but est de créer un cahier de doléances.

Un cahier de doléances est une excellente base pour le débat, mais ce n’est pas encore le débat si l’on n’envisage pas la dimension politique de l’école.

Le sujet de l’école est souvent confondu avec le sujet de l’éducation, et le politique entretient à dessein cette confusion en appelant l’école Education Nationale ou système éducatif. Je crois pourtant qu’on pourrait clarifier le débat si l’on précisait les champs sémantiques des mots école, instruction et éducation.

L’école est avant tout une institution. Elle n’a pas toujours été l’institution républicaine que nous connaissons aujourd’hui, mais, contrairement à l’idée de l’instruction ou de l’éducation, l’idée de l’école porte nécessairement une dimension sociale et politique.

L’école est d’abord un lieu très concret, avec des murs et des grilles pour le circonscrire, et un nom sur sa façade pour bien l’identifier. C’est un endroit où sont regroupés des enfants pour qu’ils apprennent ensemble. L’instruction et l’éducation sont envisagées à l’école avec une visée collective. Ok, la collectivisation n’est pas un mot franchement à la mode. Aujourd’hui, on préfère dire mutualisation. Je vous assure que je ne suis pas communiste mais j’insiste tout de même sur le mot collectif, car il me permet d’introduire par opposition le mot individuel. La linguistique m’apprend que les opposés sont les deux faces de la même pièce et j’adore cette idée! Cela veut dire qu’ils vont de paire, qu’ils se combinent, qu’ils ne s’excluent pas.

L’idée de partager les ressources nécessaires pour s’occuper des générations futures est aussi vieille que le monde. C’est tout de même bien pratique de partir faire le chasseur-cueilleur en laissant sa progéniture aux bons soins des désignés “chargés du troupeau de bambins”.

Je ne sais pas pour vous, mais moi, je suis fascinée par l’être humain. Cet animal social ô combien étrange possède un savoir-faire extraordinaire qu’il réutilise, recycle, réactualise en permanence depuis qu’il existe et dans tous les aspects de sa vie, celui d’organiser et de structurer. Il le fait à l’échelle micro et macro, individuelle et collective, pour lui-même et pour sa progéniture.

L’idée de regrouper en un endroit un groupe d’enfants, et organiser l’environnement dans lequel ils vont grandir, est donc une idée fondamentalement humaine. Jusqu’ici, ce que j’énonce pourrait faire consensus, non? Et si cet endroit s’appelle école, c’est sans doute qu’il existe un consensus sur l’usage de ce mot. Mais, le consensus vole en éclats très rapidement dès lors qu’on veut répondre à deux questions essentielles:

  • Sur quels critères regroupe-t-on les enfants? Locaux, sociaux, religieux, communautaires, idéologiques….? Par classe d’âge, de niveaux, de centres d’intérêts…?
  • Sur quelles bases faisons-nous confiance aux désignés “chargés du troupeau de bambins”? Sur quelles aptitudes souhaitons-nous nous appuyer?

Chacun ira de son opinion plus ou moins nourrie de lectures plus ou moins savantes sur ce que les sciences et les journalistes veulent nous montrer ou démontrer. Chacun aura sa petite idée, et pourra à titre individuel faire des commentaires plus ou moins avisés sur la meilleure manière d’organiser l’école. Chacun pourra même chercher à influencer son voisin, sa famille, son réseau, pour faire valoir son opinion. Nous avons l’avantage d’être dans un pays où la liberté d’opinion et de parole est mis au pinacle. Profitons-en, n’est-ce pas?

Oui, et ensuite? Qu’est-ce qu’on fait? ON, c’est-à-dire nous qui voulons réinventer l’école de demain, nous qui écrivons et lisons sur Médium pour confronter nos idées? (Amis du Petit Buisson, et tous les autres peut-être…).

Est-ce qu’il ne faudrait pas s’intéresser à la chose publique qu’est l’école avec une vision collective avant d’avoir une vue individuelle? Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux réfléchir aux valeurs fondamentales qui réunissent encore aujourd’hui, j’en suis sûre, la majorité des personnes qui vivent en France pour projeter l’école de demain? Quand je réfléchis aux valeurs les plus essentielles que je veux transmettre aux enfants qui sont sortis de mes tripes, et à tous les enfants dont je m’occupe et auxquels je m’attache, je reviens toujours à ces trois mots Liberté Egalité Fraternité.

L’idée que la société a toujours besoin de l’école comme institution est fragilisée par la faillite de l’Etat Français. Est-ce une raison pour y renoncer?

Si l’école est une institution, il n’ y a évidemment qu’un pas pour qu’elle devienne un instrument politique. Les gouvernements successifs depuis Jules Ferry, pour ne remonter qu’à lui, ne se sont pas privé de franchir ce pas pour utiliser l’école à des fins éminemment politiques. Bien sûr que l’école a été un instrument pour répondre aux conflits géopolitiques (guerres mondiales et de décolonisation) et au défi du développement de l’ère industrielle et de l’économie de masse!

Mais…

On ne peut pas nier que la politique publique de l’école a permis pendant deux siècles d’élargir à une grande majorité de citoyens l’acquisition d’un savoir de base: lire, écrire, compter. Le contexte historique et les raisons pour lesquelles une telle politique a été menée sont des données intéressantes pour comprendre de quoi nous héritons. On peut toujours en faire une critique, mais sans machine à remonter le temps, on ne refait pas le match (pardon Eugène Saccomano!).

Ce qui m’intéresse plus que tout n’est pas la revisitation du passé, mais le présent et le futur.

On ne peut pas nier que cette politique a permis une extraordinaire diffusion des savoirs. On ne peut pas nier que l’appropriation par l’école de l’instruction et de l’éducation a aussi été un levier politique puissant pour asseoir une société démocratique. Il existe toujours des pays sur cette planète où les enfants, les filles en particulier, sont obligés de lutter pour avoir accès à l’instruction. Ils luttent parce qu’aller à l’école représente l’espoir d’accéder à une éducation, l’espoir d’accéder à la liberté de penser et d’agir, au libre-arbitre, l’espoir d’accéder à l’émancipation et à la conscience d’être des citoyens et non des esclaves.

Alors, pour contribuer au débat, je vous soumets quelques définitions :

  • L’école est un lieu d’apprentissage social et peut être un levier politique puissant pour favoriser la cohésion de la société de demain,
  • L’instruction représente l’ensemble des moyens d’acquérir des savoirs,
  • L’éducation représente l’accompagnement des enfants sur un chemin de développement.

Dans nos sociétés occidentales, possédant une histoire démocratique de quelques siècles, où en sommes-nous, maintenant, avec ses différentes notions qui s’entrechoquent?

  • Voulons-nous toujours d’une école comme levier puissant pour soutenir l’idée de citoyenneté? Moi je vote oui!
  • Vivons-nous l’école comme l’unique lieu de l’instruction? Moi je me rends bien compte que non!
  • Envisageons-nous que l’éducation est uniquement une affaire privée, une affaire familiale, une affaire communautaire, ou envisageons-nous que l’éducation est à la fois une affaire intime et une affaire sociale? Moi je ne me résous pas au repli communautaire! #anticonformiste assumée!

Dans ce cahier de doléances qui est en train de s’écrire sur les réseaux sociaux, j’entends beaucoup dire qu’il faudrait moins d’école, qu’il faudrait moins d’institution. J’entends aussi qu’il vaudrait mieux abandonner l’idée de l’école et laisser plus de place à l’éducation, quitte à laisser aux communautés et aux familles l’entière responsabilité de forger les adultes de demain.

Moi, j’ai surtout envie de dire qu’il faudrait moins de cette école! Moins de cette école en place aujourd’hui qui confond tout. Moins de cette école qui ne sais plus si elle doit faire de l’instruction, de l’éducation, ou de l’école comme papa. Moins de cette école qui continue à s’arc-bouter sur des manières d’organiser la vie en société complètement obsolètes. J’ai surtout envie de dire qu’il n’y a plus, de fait, depuis plusieurs décennies, de politique de l’école.

Mais je meurs de penser qu’il est urgent de faire vivre une politique de l’école, adaptée.

L’école est une institution dont le sens existe toujours aujourd’hui, à mes yeux. Elle doit poursuivre un but politique, au sens de la chose publique, qui concerne l’ensemble des citoyens. Le seul et unique but politique qui a du sens commun à mes yeux aujourd’hui est de faire vivre une société démocratique. Dans le respect et l’acceptation de sa pluralité, dans le respect et l’intégration des différences, dans le respect et l’acceptation que le “vivre ensemble” est difficile mais possible. Dans le respect des idéaux de Liberté, d’Egalité et de Fraternité.

Je suis d’accord pour dire qu’il ne faut pas demander à l’école qu’elle remplisse un rôle qu’elle n’a pas vocation à tenir. L’école n’a pas vocation à s’occuper des individus. L’école a pour vocation de s’occuper de la collectivité. S’occuper de la collectivité est une chose complexe. La complexité ne doit pas ressembler à une usine à gaz. Dans une démocratie, la légitimité de s’occuper de la collectivité doit s’asseoir sur un contrat social accepté par les individus. Il se trouve que notre école ne parvient plus à remplir la vocation que le contrat social antérieur nous a vendu: former une nouvelle génération de citoyens armés pour construire une société confiante et cohésive. L’école d’aujourd’hui ne pense qu’à reproduire un système élitiste et méritocratique, accepté autrefois, complètement en panne aujourd’hui.

Si le politique s’arc-boute pour maintenir un système qui cherche à faire perdurer des valeurs obsolètes ou en voie d’obsolescence, alors il se trompe de politique.

Si c’est au nom de la Liberté qu’on contraint les enfants à se mouler dans une seule et même trajectoire méritante pour avoir le privilège d’appartenir à l’élite pensante, seule armée pour être libre de s’exprimer, quitte à laisser de côté une partie grandissante de la société, je pense qu’on se trompe de politique.

Si c’est au nom de l’Egalité qu’on organise un système qui aggrave les inégalités, je pense qu’on se trompe de politique.

Si c’est au nom de la Fraternité qu’on organise un système entérinant le communautarisme, le retour aux valeurs anciennes de la famille et de la religion comme fonctions organisatrices de la société, je pense qu’on se trompe de politique.

Quelle école voulez-vous? Quelle politique de l’école vous semble aller vers l’intérêt commun?

Voulez-vous une nouvelle école qui vous rassure en vous vendant une nouvelle manière d’accéder à l’élite méritante de demain? On nous dit que ceux qui réussiront demain seront forcément créatifs et multi-potentiels, faut-il créer l’école qui assurera l’avènement de cette nouvelle élite? Voulez-vous vraiment poursuivre cette course à l’échalote de l’ascenseur social comme au XIXe siècle? Croyez-vous que l’unique moyen d’organiser une société démocratique repose sur le modèle grec de l’élite et de l’esclave? Voulez-vous que la peur domine vos choix pour vos enfants? La peur qu’ils ne soient pas assez créatifs pour accéder à l’élite de demain, la peur qu’ils soient rancardés au rang d’esclaves du futur digital.

Non, vraiment non, ce n’est pas l’école dont je rêve pour le futur de mes enfants. Je ne veux pas d’une école qui promeut l’excellence et l’élitisme. Je ne veux pas d’une école qui accepte l’exclusion et la sous-citoyenneté. Je ne veux pas d’une école dont la mission serait d’assurer un seul et unique modèle de “réussite dans la vie”.

Alors, la première vraie fausse bonne idée du moment, pour moi, est d’encourager les parents à sortir les enfants de cette école pour les confier à ceux qui prétendent savoir ce que sera la meilleure école de demain. Je me méfie de tous ceux qui veulent démontrer qu’ils savent comment il faut faire pour que nos enfants réussissent demain. Je me méfie de tous ceux qui bâtissent de nouveaux endroits pour accueillir les dégoûtés de l’école d’aujourd’hui. Pourtant, tous ces gens sont en général animés d’intentions sincères, habités par le désir de faire bien, nourris souvent des connaissances scientifiques les plus pointues en terme de psychologie cognitive et des apprentissages. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont si séduisants.

Et je m’en méfie??? Je n’arrivais pas vraiment à comprendre pourquoi jusqu’à ces derniers évènements.

Je m’en méfie parce qu’ils existent grâce à la peur du futur et au rejet de l’école, parce qu’ils mettent en avant des solutions pour rassurer les parents dans leur fonction éducative avec une tentation souvent plus communautaire que citoyenne. Je m’en méfie quand leur discours laisse penser que l’idée d’école, lieu d’apprentissage de la démocratie, est foutue, morte et enterrée, et en donnent pour preuve que l’école d’aujourd’hui, empêtrée dans ses incohérences et ses échecs, est mauvaise voire toxique. S’il s’agit de jeter le bébé avec l’eau du bain, alors ça ne me va pas. S’il s’agit de penser le lieu des apprentissages comme un regroupement de “chanceux” explorateurs de l’innovation scolaire délivrés des chaînes républicaines, alors ça ne me va pas. S’il s’agit de dire aux parents échaudés, sauve-qui-peut, soyez plus intelligents que les autres et quittez ce navire tant qu’il en est encore temps, alors ça ne me va pas, quand bien même nos enfants y apprendraient bien mieux, y compris le “vivre ensemble”.

Non, je ne veux pas renoncer à changer l’école de la République. Je désire qu’elle reprenne le sens de sa mission: apporter une instruction adaptée à tous. Les neurosciences et la psychologie cognitive nous apportent des clés extraordinaires pour repenser l’Ecole de la citoyenneté diverse. S’il faut se battre pour quelque chose, je crois, c’est pour qu’elles changent profondément la manière d’organiser l’environnement école.

Je ne crois pas qu’exiger le droit d’éduquer librement nos enfants comme bon nous semble, même grâce à nos connaissances éclairées, soit une solution. Je crois, moi, que c’est perdre de vue l’essentiel pour construire notre société de demain, où la diversité des modes de vie, le brassage linguistique et culturel, la mobilité seront des faits actés par tous. Comment faire pour construire une société qui non seulement actera ces faits mais les acceptera et en fera une force? S’il faut se battre pour quelque chose, je crois, c’est plutôt pour faire voler en éclat les carcans qui maintiennent l’école française dans son incapacité à imaginer la citoyenneté diverse. Il faut obliger la vieille garde de l’Ecole de la République, sûre de sa science pédagogique, à s’en aller. Il faut prouver et démonter point par point qu’elle n’est pas guidée par la science ni par le souci d’éduquer les enfants à la pensée libre et autonome, mais seulement par une idéologie toxique: l’élitisme, la méritocratie et la conviction méprisante de devoir faire le bien de tous à l’insu de leur plein gré. S’il faut montrer quelque chose aujourd’hui, c’est que nous avons un cerveau, que nous ne sommes pas des moutons incultes et que nous savons réfléchir à l’avenir de nos enfants, mais de tous nos enfants.

J’ai trop souvent l’impression que je n’arrive pas à comprendre mes pairs, mes concitoyens … Je me désole trop souvent de me sentir appartenir à une autre planète… Je ne sais pas qui est fou, qui marche sur la tête, qui est devenu schizophrène…

Quand je me dis tout ça, j’arrête de faire fonctionner mon cerveau!

Le meilleur ennemi de la peur, c’est notre cerveau

Regardez autour de vous: le terrorisme est permanent. La terreur, tout le temps. Tout doit vous faire peur. Votre voisin, trop basané et trop barbu, potentiel conducteur de camion fou. Votre père, votre cousin, votre ami, potentiel pervers délinquant violeur malade mental assassin. Votre professeur, votre curé, potentiel pédophile patenté….

Si vous n’aviez pas de cerveau, vous seriez claquemurés dans votre trou à rat en train d’attendre, la faim au ventre, que le glas sonne.

Vous n’en avez pas marre d’avoir peur?

Vous n’en avez pas marre de vivre dans un état d’urgence permanent? Vous n’en avez pas marre qu’on vous assure qu’on ne peut faire confiance en personne? Vous n’en avez pas marre de tout ce bruit assourdissant qui veut vous empêcher de réfléchir? Vous n’en avez pas marre que vos réflexions soient polluées si facilement par tous ceux qui vous disent ce que vous devez penser et comment il faut faire?

Tout ce que je lis sur l’école, la société, la politique me donne la nausée…

Mais…. je vomis et je m’en remets!

Il nous faut atterrir maintenant. Il nous faut choisir si nous voulons nous laisser dominer par la peur ou si nous voulons nous laisser dominer par notre extraordinaire esprit français qui a voulu inscrire sur son fronton Liberté Egalité Fraternité.

Je me découvre une forme de “francitude” que je n’aurais jamais crue possible en moi il y a encore quelques semaines, et la voilà qui débarque à ma grande surprise. C’est sans doute à cause de ces “fachos” de Niçois fauchés sur leur promenade des Anglais, c’est sans doute à cause de ses débiles de métaleux fauchés au Bataclan, c’est sans doute à cause de ses anarcho-communistes de Charlie Hebdo fauchés dans leur élan libertaire. C’est sans doute parce que cela coïncide avec des évènements très personnels. Y’en a marre de la connerie, et la connerie c’est la vie… J’aime vivre en France!

Je vomis et je m’en remets…

L’école est le terreau. Elle peut être le pire comme le meilleur. C’est quoi le meilleur? Les murs qu’on érige contre la peur ou la confiance en des idées forces?

Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de France au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo et ont montré au monde entier que Liberté Egalité Fraternité sont des mots très vivants en France. Je m’en souviendrais avec émotion toute ma vie.

Si ce moment a existé, peu m’importe comment les politiques l’ont instrumentalisé, je ne veux penser qu’à cette résonnance qu’exercent ces trois mots en nous sur le sol Français.

L’école de la République Française d’aujourd’hui, je la vomis mais je vais m’en remettre. Je vais m’en remettre d’autant mieux que je verrai des gens se mobiliser pour redonner à l’école le sens politique qu’elle a perdu de vue.

Aujourd’hui, je sais que jamais je ne pourrais me remettre d’être obligée de renoncer aux idées de Liberté, d’Egalité et de Fraternité. Partout où je pourrais m’exiler, vivre et même bien vivre, je me sentirai amputée d’une énorme part de moi-même, celle qui a été biberonnée aux idéaux de la République Française.

Si l’école est une institution dont nous avons besoin, si l’école est un instrument politique, alors nous devons exiger qu’elle ne fasse qu’une seule chose, mais qu’elle le fasse très très bien: Former des citoyens libres, égaux et fraternels. Certains disent que l’école doit être un sanctuaire pour ces valeurs, moi je crois qu’ils se trompent de mot. Remplacez le mot “sanctuaire” par le mot “pépinière”, et une autre perspective s’ouvre. Les carottes, les salades et les poireaux ont autant besoin d’attention et de soins, mais vous ne vous en occupez pas de la même manière, n’est-ce pas? Vous pourrez toujours me taxer de vision simpliste, avec mes métaphores enfantines. Je garde ma petite jugeote.

L’Ecole, l’Education, l’Instruction…et la Citoyenneté

L’école est l’affaire de tous, l’éducation est l’affaire de tous, l’instruction est l’affaire de tous, la citoyenneté est l’affaire de tous.

Mais…

L’école n’est pas vécue de la même manière par tous, ni l’éducation, ni l’instruction. Il y a une diversité extraordinaire de vécus de l’école, de vécus de l’éducation et de vécus de l’instruction. Est-ce que cela nous empêche réellement de nous entendre sur l’idée de citoyenneté?

Je suis frappée par une idée qui revient constamment chez les dits “jeunes des banlieues” pointés comme réservoir du terrorisme islamiste, chez les chômeurs des quartiers dits défavorisés pointés comme nouveau réservoir du vote FN, chez les ruraux des campagnes oubliées envisagés comme des arriérés, c’est l’idée de se sentir considérés comme des sous-citoyens. Tous ces gens souffrent de mal vivre, de mal manger, de mal être logés, mais ce dont ils se plaignent par dessous tout, c’est de ne pas être considérés comme des citoyens comme les autres. Leur plainte concerne bien moins leurs besoins individuels que leur besoin de se sentir être des citoyens.

Oyez, Oyez, braves gens! Vous qui êtes allés à l’école, vous qui avez reçu de l’instruction, vous qui avez été accompagnés et éduqués par de suffisamment bons parents, vous ne vous posez pas cette question, n’est-ce pas? Vous savez que vous êtes des citoyens, tous autant que vous êtes, aussi divers que vous êtes. Que vous soyez abstentionniste invétéré ou fidèle à votre cher bureau de vote, il ne fait aucun doute que vous êtes le citoyen ordinaire.

Oyez, Oyez, braves gens! Il n’y a pas besoin d’avoir peur de faire de la politique, de débattre et de ne pas être d’accord! Arrêtons de mettre notre cerveau dans nos chaussettes sous prétexte que ça ne sert à rien! Rendons-nous compte que nous sommes des citoyens instruits et éduqués! Soyons-en bien persuadés! Ah, nous n’avons pas fait l’ENA, Science Po ou polytechnique! Ah, nous n’avons peut-être même pas un petit BTS! Ah, nous n’avons peut-être même pas un Bac! Nous sommes des robots lobotomisés alors? Notre conditionnement à ce système social élitiste et méritocratique frigorifie nos cerveaux. Il nous aveugle en même temps qu’il veut nous rassurer. Il veut continuer à nous vendre un système prometteur d’un ordre social plus juste. Ouvrez les yeux et regardez la réalité: cela ne marche plus! C’est précisément la méritocratie qui ne marche déjà plus et l’élitisme qui assurément ne marchera plus demain.

Alors, la deuxième vraie fausse bonne idée du moment, pour moi, est de foncer la tête la première pour signer des pétitions par ci, pour adhérer à des associations censément apolitiques par là, ou encore s’engager dans un mouvement censément citoyen mais obscur, histoire de montrer notre réveil citoyen grâce à la modernité digitale. Un citoyen bien instruit, bien éduqué est bien pauvre quand il est mal informé. Nous sommes tous désinformés, nous vivons dans un monde paranoïaque où la suspicion de désinformation, de déformation de la réalité, d’instrumentalisation de l’information n’a jamais été aussi forte. Pourquoi s’aliéner, plein d’espoir, à un mouvement, quel qu’il soit, si la seule chose qui compte est de le revêtir de beaux habits brillants et chaleureux?

Il y a un très gros effort à faire aujourd’hui pour comprendre ce que les uns et les autres disent pour de vrai sur la scène politique. C’est dans les mois à venir qu’il va falloir avoir un cerveau bien affuté pour débusquer la faille dans le discours de la néo-nouveauté qui s’avère un retour en arrière. Savoir prendre une décision consciente et éclairée, c’est d’abord faire un gros effort de réflexion et seulement après se jeter à l’eau. On a les hommes politiques que l’on mérite, n’est-ce pas? ;-|

Douteriez-vous que votre cerveau ne soit pas assez bien affuté? Pensez-vous que vous êtes des proies faciles pour les prometteurs de lendemains qui chantent?

Oyez, Oyez, braves gens! La seule chose qui vaille aujourd’hui est de faire confiance en notre cerveau, pas en nos sentiments, de faire confiance en notre capacité de penser, pas de réagir.

Aujourd’hui, sur les grandes ondes, dans cette agitation médiatique post-attentats, j’ai entendu une fonctionnaire de la Justice s’excuser d’appeler à moins d’émotions dans l’affaire du petit jeune assassin djihadiste connu de la justice. Je m’en frappe encore le front!

S’il vous plait, vous qui avez reçu de l’instruction et de l’éducation, ne vous comportez pas comme nos hommes politiques actuels, enferrés dans le show médiatique! Ne gesticulez pas, ne vous exclamez pas d’indignation, ne huez pas, n’insultez pas!

Utilisez les réseaux sociaux pour partager des articles et des images qui donnent à réfléchir, pour ne pas laisser ce champ libre à tous les marchands de soupe populaire, à tous les artisans du chaos frontiste et islamiste. Malheureusement, ils ont une bonne longueur d’avance…

Moi, mon idéal de société, ce n’est pas la charité, ce n’est pas le communautarisme, ce n’est pas le chacun pour soi. Ce n’est pas non plus une société composée de citoyens ++, au dessus de la mêlée, de citoyens ordinaires, cantonnés dans leur train-train, et de sous-citoyens, désespérés de voir le train s’éloigner à grande vitesse.

Je ne suis pas philosophe, ni diplômée de Sciences Po, je suis juste une orthophoniste de province qui veut faire marcher son cerveau. Alors, voilà ce que je vais faire:

  • Je vais prendre des vacances parce que je décide que je les ai bien méritées,
  • Je vais fermer mes écoutilles à tout ce que je décide comme polluant pour ce que j’ai à réfléchir. Je serais certainement traitée d’autiste, mais je ne serais pas sourde aux discours sur l’Ecole. C’est sur ce sujet que je prendrai la décision du mouvement politique que je veux suivre.
  • Je vais continuer à dire à mes enfants, à tous les enfants et adultes que je rencontre qu’ils ont un cerveau, qu’ils n’ont pas besoin de le prouver pour mériter d’être des citoyens, et qu’il peuvent compter sur moi pour les aider à s’en servir.

Et vous?

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Passionnée idéaliste en quête de sens et d’énergies. J’aime les renards et les petits princes #utopieréaliste (et j’adore mon métier d’orthophoniste!)